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données scientifiques ne nous conduisent pas à imaginer des vivants moins différenciés); nous ne les connaissons pas eux-mêmes, car ils ont disparu et n'ont laissé ni empreinte ni vestige de leur passage, nous ne les connaissons que par leur descendance. Ils ont évolué et ont donné, sans doute, des milliers de formes très diverses; cela se passait, si l'on veut, à l'ère des protistes ! Puis, parmi ces milliers de formes, quelques-unes ont évolué en pluricellulaires animaux, quelques-unes en pluricellulaires végétaux ; la plupart ont continué à évoluer suivant la tendance non cellulaire, leurs voies diverses divergeaient complètement de celles des pluricellulaires, ils sont restés protistes, mais protistes aussi distants et aussi vieux par rapport à la souche que le sont les pluricellulaires eux-mêmes.

Dès lors que les protistes ne sont ni simples ni primitifs, l'attitude des biologistes à leur égard a changé. Eux qui cherchent l'explication des grandes énigmes des êtres vivants quelles sont les lois du mouvement, du métabolisme, des phénomènes cytologiques, quelles sont celles de la reproduction, de l'adaptation, de l'hérédité ? eux, les biologistes, se rendent enfin compte que si les protistes ne sont qu'apparemment simples dans leur organisation, ils ne sont aussi qu'apparemment simples dans leurs fonctions; les phénomènes biologiques, chez eux, sont compliqués et complexes comme chez les pluricellulaires, mais ils sont d'une complication différente. Un animal, par exemple, présente des activités diverses, dont chacune est réalisée par le jeu d'une ou de plusieurs cellules spécialement adaptées à un rôle précis ; les cellules sont des ouvrières professionnellement déformées par l'extrême division du travail. Les protistes présentent les mêmes activités, mais les multiples facteurs en sont condensés dans l'espace restreint d'un petit corps protoplasmique nucléé; ils fournissent en petit le même travail

que les pluricellulaires, mais le procédé en est difficile à saisir, car on ne peut en dissocier les divers temps et les diverses opérations.

Dans ces conditions, les biologistes se sont découragés de rechercher chez les infiniment petits la solution des problèmes qu'ils poursuivent. Ils s'aperçoivent que pour analyser le mécanisme du métabolisme par exemple, il est plus aisé d'observer un homme chez lequel tous les éléments du phénomène sont dissociables, chez lequel il y a une bouche, un estomac, un intestin, un foie, un pancréas, un système circulatoire, un rein, un poumon, et beaucoup d'autres choses qui jouent chacune un rôle bien précis dans cette formidable opération, que d'observer une amibe qui, saisissant une proie, l'englobant dans son protoplasme, en rejetant les résidus, accomplit une opération du même genre, mais condensée de telle sorte que l'observateur ne peut en dissocier les facteurs. Les biologistes se rendent compte que, quand ils observent une amibe sous leur microscope, ils sont par rapport à elle comme serait un habitant de Mars, par rapport au terrien qu'il verrait gros comme un pois au bout de son télescope! Ils comprennent qu'il est aussi malaisé pour eux de comprendre le métabolisme d'une amibe qu'il serait malaisé au martien de comprendre celui de l'homme.

Est-ce à dire qu'il faille renoncer à comprendre la biologie des protistes ? Point du tout, rien n'est impossible aux chercheurs, à condition qu'ils sérient leurs efforts : il importe de bien connaître l'organisation d'un être avant d'en comprendre le fonctionnement, et l'on sait combien la connaissance de l'organisation des protistes est encore fragmentaire ; c'est ce qui explique que les recherches biologiques et physiologiques soient si peu nombreuses et, étant données d'autre part les difficultés techniques de l'expérimentation sur ces êtres microscopiques, il est probable qu'elles resteront longtemps encore peu fécondes. Si les biologistes paraissent abandonner de plus en

plus la tendance à rechercher chez les protistes des solutions par formule simple aux problèmes qu'ils creusent, ils restent par ailleurs trop souvent soumis à une autre tendance dangereuse, sous certains aspects inverse de la première. Les biologistes sont enclins à rechercher chez les protistes la vérification des lois établies pour les pluricellulaires, et cela est fort bien; mais souvent ils sont tellement nourris et imprégnés de ces lois qu'ils veulent en trouver la vérification à tout prix, et ceci est désastreux,car ces vérifications par à peu près compliquent tout le problème. Il est établi que chez les pluricellulaires les phénomènes de fécondation sont associés à des cinèses réductionnelles ; qu'on en cherche l'homologue chez les protistes, parfait, mais à condition que l'on ne prétende pas voir dans la moindre expulsion de granule chromatique une épuration nucléaire, ce qui ne signifie pas grand'chose, ou une réduction chromatique, ce qui le plus souvent ne signifie pas davantage. Il est établi que tous les pluricellulaires et que beaucoup de protistes, se multiplient sexuellement; rien de plus légitime que de rechercher le phénomène dans tous les groupes de protistes, mais rien de plus dangereux que de croire - subconsciemment sans doute — qu'il doit y exister et de vouloir le découvrir ; il faudrait des pages et des pages pour énoncer les phénomènes sexuels que l'on a « voulu voir » chez les bactéries et chez les spirochètes et chez les trypanosomes et chez bien d'autres ; il faut malheureusement des semaines et des mois de recherches pour désencombrer la littérature d'un sujet de toutes les erreurs qu'a fait naître l'obstination à raisonner par induction, des pluricellulaires aux protistes.

Les biologistes tendent actuellement à concevoir les protistes comme un groupe d'organismes à part, qu'il ne faut pas ranger « avant » les pluricellulaires mais « à côté » d'eux. Ils ont renoncé fort judicieusement à expliquer les IV. SÉRIE. T. II.

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pluricellulaires par les protistes, ils n'ont pas assez renoncé à expliquer les protistes par les pluricellulaires

De ce que les protistes que nous pouvons connaître n'occupent plus aux yeux des phylogénistes cette place de choix entre la matière inerte et les organismes pluricellulaires, mais qu'ils se placent aux extrémités de rameaux divergents, il résulte que le rôle des systématistes a un peu perdu de son intérêt en cette matière.

Un problème assez conséquent cependant est soumis à leur sagacité. Le groupe des protistes tel qu'on le conçoit généralement est-il un groupement logique, c'est-à-dire, réunit-il des organismes ayant entre eux des liens de parenté plus étroits qu'avec des groupements voisins? Qu'il y ait un groupement logique de protistes évoluant à côté, en dehors des pluricellulaires, cela ne fait pas de doute, mais pratiquement ses limites sont malaisées à fixer.

Il est des organismes qui ne sont pas composés de cellules mais qui pourraient bien descendre d'ancêtres cellulaires et n'être que des pluricellulaires dégradés. On connaît dans la Série Zoologique des animaux régressés qui dérivent incontestablement d'ancêtres incomparablement plus complets; on connaît les Dicyémides, apparemment si rudimentaires qu'on a hésité à les classer parmi les métazoaires et qu'on en fit des mésozoaires sensément intermédiaires entre les protistes et les métazoaires ; ce sont des régressés parasitaires, et certains chercheurs autorisés (1) n'hésitent pas à les rattacher à des vermidiens fort compliqués. Peut-être la régression parasitaire pourrait-elle parfois dégrader jusqu'à l'état non cellulaire des descendants d'ancêtres pluricellulaires ; des organismes actuellement considérés comme protistes ont des carac

(1) Lameere, BULL. SCIENT. FR. ET BELG., 50, 51, 53 (1916-1919).

tères si aberrants et si complexes

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nous pensons notamment aux Cnidosporidies que la possibilité de leur origine métazoaire mérite d'être envisagée.

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Il est des organismes pluricellulaires et nous pensons ici aux Volvocides et aux énigmatiques Blastodinnides qui ont plus d'affinités avec les vrais protistes qu'avec la plupart des métaphytes; ce sont de petits rameaux, sans épanouissement, de protistes évolués suivant la tendance pluricellulaire; par raison de facilité on les range parmi les protistes.

Bien d'autres cas discutables se présentent à qui tâche de fixer des frontières au groupe des protistes ; elles sont indistinctes et seront souvent encore rectifiées. Pour la facilité des travailleurs il y a sans doute grand avantage à étendre le plus possible ces frontières et à joindre sous la même étiquette tous les organismes non cellulaires; tant mieux, si le spécialiste est forcé d'enregistrer des faits qui excèdent un peu son domaine réel, il n'a qu'à y gagner d'utiles éléments de comparaison; tant pis, si le concept de protiste a provisoirement quelque chose d'un peu arbitraire, presque toutes les grandes cases de classification ont le même défaut.

Un autre problème intrigue parfois les systématistes : c'est d'établir quels sont les protistes animaux ou protozoaires et quels sont les protistes végétaux ou protophytes. Faute de critères applicables, le problème en général reste insoluble. Et d'ailleurs il paraît assez vain et sans grand intérêt, car, rien n'indiquant que le caractère d'animalité ait été de différenciation exclusivement primitive dans la phylogénie des organismes, on peut s'attendre à trouver sur un même rameau de l'arbre généalogique, des protozoaires et des protophytes; il peut y avoir une parer té plus étroite entre une espèce animale et une espèce végétale qu'entre deux espèces animales ou entre deux végétales.

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