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s'en écarter, en matière grave, sans se rendre coupables de péché mortel; et qu'ils sont responsables de tout le dommage qu'ils font, soit à leurs clients, soit à des tiers, par une ignorance coupable, ou par une négligence grave, ou par leur infidélité (1).

CHAPITRE IV.

De la Détraction.

1066. La détraction est l'injuste diffamation du prochain : elle comprend les soupçons, les doutes et les jugements téméraires, la médisance et la calomnie. La détraction est tout à la fois contraire à la charité et à la justice; elle peut devenir mortelle par elle-même : Neque maledici regnum Dei possidebunt, dit l'Apôtre (2).

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Les doutes, les soupçons et les jugements téméraires sont défendus: «< Charitas non cogitat malum (3). Nolite judicare ut non jua dicemini (4). On doute témérairement, lorsqu'on suspend son jugement sur le mérite de quelqu'un, sans raisons suffisantes. Le soupçon est téméraire, lorsque, sur quelques légères apparences qui ne sont appuyées sur aucune probabilité, on est plus penché à croire qu'une personne a fait ou dit quelque chose de mauvais, quoiqu'on ne juge pas, qu'on n'assure rien de positif. Le jugement est téméraire, lorsqu'on croit et qu'on juge qu'une personne a dit ou fait quelque mal, quoiqu'on n'ait aucune raison suffisante, aucun motif assez fort pour déterminer un homme prudent. Ainsi, par exemple, si, voyant entrer un jeune homme dans la maison d'une fille honnête, je juge qu'il a une mauvaise intention, sans avoir d'autre indice qui appuie mon jugement, je juge témérairement. Mais si je vois ce jeune homme entrer dans la maison d'une fille de mauvaise vie, perdue d'honneur, et que je juge qu'il a quelque mauvais dessein, mon jugement n'est plus téméraire, quoiqu'il puisse être faux.

1067. On doit rejeter les doutes et les soupçons téméraires désavantageux à quelqu'un, aussitôt qu'on s'aperçoit qu'on ne peut les

(1) Voyez l'Examen raisonné sur les devoirs et les péchés des diverses professions de la société, par un ancien professeur de théologie de la société de SaintSulpice, tom. 1, etc. — (2) I. Corinth. c. 6. v. 10. —(3) I. Corinth. c. 13. v. 5 - (4) Matth. c. 7. v. 1.

entretenir sans blesser la justice. Un homme, ayant droit à sa réputation, a, par là même, droit à ce que personne ne pense mal de lui témérairement. Il y aurait péché mortel à s'arrêter, de propos délibéré, à un doute ou à un simple soupçon téméraire, si le doute ou le soupçon avait pour objet quelque grand crime, quelque péché très-grave, comme si on soupçonnait quelqu'un, par exemple, d'inceste in primo gradu, d'adultère, d'hérésie, d'athéisme (1).

Le doute ou le soupçon serait encore mortel en matière grave, s'il procédait de la haine et qu'on l'entretint par malice, sachant trèsbien qu'il n'est appuyé sur aucun indice raisonnable (2). Mais, à part cette mauvaise disposition, si le doute ou le soupçon ne tombe que sur des fautes ordinaires, quoique en matière grave, il est trèsprobable qu'il ne peut y avoir qu'une faute vénielle; parce que ni le doute, ni le soupçon, ne blessent gravement la réputation de la personne qui en est l'objet. Il s'agit ici du doute positif, qu'il ne faut pas confondre avec le doute négatif; car le doute négatif, loin d'être blåmable, est un acte de prudence: tels sont les doutes et les soupçons des supérieurs, des maîtres et des pères de famille, chargés de veiller sur leurs inférieurs, dont ils doivent se défier, afin de les empêcher de faire le mal; tel est encore le doute qu'on forme quand il s'agit d'éviter un dommage, ou de prendre des mesures pour se mettre à couvert du mal qui peut arriver. Ainsi, par exemple, celui qui reçoit dans sa maison un homme inconnu, un étranger, peut prudemment pourvoir à la sûreté de son bien, comme il le ferait à l'égard d'un homme dont la probité lui serait suspecte.

1068. Le jugement téméraire, en matière grave, est péché mortel lorsqu'il est réfléchi, pleinement délibéré; il blesse gravement la réputation d'autrui, et par conséquent la justice. Mais il faut observer que souvent les jugements téméraires ne sont que véniels, même en matière grave, soit parce qu'ils ne sont pas pleinement volontaires, soit parce qu'ils ne sont pas notablement téméraires. II n'y a pas même de péché véniel dans un jugement téméraire, quel qu'en soit l'objet, s'il prévient toute advertance, si la volonté n'y a aucune part, si on le désapprouve dès qu'on s'aperçoit qu'il est téméraire et injuste. On doit présumer, ou que le jugement téméraire n'est point volontaire, ou qu'il ne l'est pas suffisamment pour être mortel, dans les personnes d'une conscience timorée, qui éprouvent de fréquentes tentations au sujet des jugements témé

(1) S. Alphonse, lib. m. no 964. — (2) Ibiden. n° 963.

raires, pour lesquels elles ont de l'aversion. Il en est de même pour ce qui regarde les soupçons et les doutes téméraires.

1069. On pèche par détraction en huit manières : 1o en attribuant au prochain une faute qu'il n'a pas faite, ou un défaut qu'il n'a pas; 2o en exagérant ses fautes ou ses défauts; 3° en révélant, sans nécessité, les fautes cachées qu'il a commises, ou en découvrant les défauts qu'on ne lui connaissait pas; 4° en interprétant ses bonnes actions en mauvaise part; 5° en niant ses bonnes qualités ou les talents qu'on lui connaît, ou les bonnes actions qu'on sait qu'il a faites, ou en soutenant qu'il ne mérite pas les louanges qu'on lui donne; 6o en cherchant à diminuer le mérite de ses bonnes qualités ou de ses bonnes actions; 7° en gardant le silence dans les circonstances où il ne peut être pris que pour un désaveu des bonnes actions ou qualités de la personne, ou pour une approbation du mal qu'on en dit ce qui a lieu lorsque celui qui se tait a des liaisons étroites avec la personne qu'on loue ou qu'on blâme en sa présence, ou lorsqu'il est interrogé sur les bonnes ou mauvaises qualités de cette personne. Un domestique, par exemple, garde le silence lorsqu'on loue ou qu'on blâme son maître en sa présence: il fait clairement entendre par là qu'il croit que son maître ne mérite point les louanges qu'on lui donne, ou qu'il mérite les reproches qu'on lui fait. Cependant, pour ce qui regarde les reproches, le silence d'un domestique, d'un ami, ou de toute autre personne, peut, en certains cas, être attribué à la timidité, à la prudence, ou à la crainte d'un plus grand mal. On se rend encore coupable de détraction, par des réticences qui en disent pour l'ordinaire plus qu'il n'y en a dans le vrai. Ainsi on pèche, et souvent mortellement, lorsque, en parlant des vices ou des fautes du prochain, on s'exprime ainsi : « Je sais « bien de lui quelque chose de plus; mais je veux l'épargner. On << sait de lui des choses dont on ne le soupçonnerait pas. --- On pour«rait dire bien d'autres choses; mais il convient de les ensevelir « dans un éternel oubli.- Si j'osais dire tout ce que je sais !— C'est a un homme désintéressé; ce n'est pas un voleur, mais... C'est une femme dévote, mais... » 8° Enfin, lorsqu'on loue quelqu'un si froidement et d'une manière si faible, qu'il est facile à ceux qui en sont témoins de voir qu'on regarde comme peu digne d'être louée la personne à laquelle on donne ces louanges. Les scolastiques ont renfermé ces différentes manières de parler mal du prochain dans les deux vers suivants :

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M. I.

Imponens, augens, manifestans, in mala vertens:
Qui negat, aut minuit, reticet, laudatve remisse.

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1070. Au sujet de la détraction, il faut distinguer la médisance de la calomnie. Il y a médisance, lorsqu'on révèle, sans nécessité, les fautes ou les vices, les défauts cachés du prochain; et calomnie, lorsqu'on lui attribue des fautes qu'il n'a pas commises, ou des défauts qu'il n'a pas. Toute chose égale, la calomnie est plus grave que la simple médisance; cependant la calomnie peut, ainsi que la médisance, n'être que vénielle, à raison de la légèreté de matière.

Nous avons dit qu'il y a médisance, lorsqu'on révèle les fautes ou les défauts du prochain sans qu'il y ait nécessité; car ce n'est pas médire que de révéler le crime ou l'inconduite de quelqu'un, quand cette révélation est nécessaire pour éviter un mal, un dommage considérable, et qu'il n'y a pas d'autre moyen de l'éviter; comme si, par exemple, on ne pouvait se justifier de n'avoir pas commis le crime ou le délit dont on est injustement accusé, qu'en faisant connaître que l'accusateur et ceux qui se donnent pour témoins se sont rendus coupables de faux, ou de tout autre crime propre à rendre au moins suspect leur témoignage. On peut encore, sans médisance, découvrir à qui de droit les défauts ou les fautes de quelqu'un, dans le but de le corriger ou de lui faire changer de conduite. Ainsi on peut avertir un maître que son domestique est infidèle, un supérieur que tel ou tel inférieur n'est point digne de sa confiance; souvent même on y est obligé par charité. Ce n'est point médire nou plus que de donner sur quelqu'un des renseignements peu avantageux, mais conformes à la vérité, lorsqu'on est consulté par des personnes intéressées à le connaître, parce qu'il s'agit d'une alliance, ou de toute autre affaire importante pour laquelle on craint d'être trompé. Mais on doit, en tout cas, éviter avec soin toute exagération, ne se laissant entraîner par aucun sentiment de haine, par aucune prévention injuste.

1071. Nous avons dit qu'il y a médisance, lorsqu'on révèle les fautes ou les défauts cachés du prochain; car celui-là n'est point coupable de médisance, qui parle des vices ou des désordres de quelqu'un à des personnes qui les connaissent, ou qui en parle dans un endroit où ils sont publics; on ne nuit point alors à la réputation de la personne dont on parle, si toutefois on ne se permet point d'exagération. Mais on pécherait en révélant des fautes enchées, sans aucune raison légitime, même à une seule personne qu'on croirait discrète, et à laquelle on demanderait le secret. Cependant si celui qui s'en rend coupable n'agit pas par malice, avec l'intention de diffamer son prochain dans l'esprit de la personne à laquelle il révèle une faute cachée, il est assez probable,

dit saint Alphonse, qu'il ne pèche que véniellement, même en matière grave (1).

1072. Quand un crime est public de notoriété de droit, ce qui a lieu lorsqu'il est constaté par la sentence du juge, on ne pécherait certainement point contre la justice en le faisant connaître dans un lieu où il est ignoré : le coupable qui est juridiquement condamné pour quelque crime perd, à cet égard, tout droit à sa réputation; le bien public même demande que sa condamnation soit connue, afin qu'elle serve d'exemple et de frein aux malfaiteurs. Pour les mêmes raisons, nous pensons, d'après plusieurs docteurs, que, dans le cas dont il s'agit, on ne blesse pas, du moins gravement, la charité, à moins qu'on n'agisse par haine ou par esprit de vengeance. Si le crime est public ou notoire, de notoriété de fait seulement, ce qui arrive lorsqu'il est connu d'un si grand nombre de personnes qu'il est moralement impossible qu'il ne parvienne bientôt à la connaissance du public, on peut encore en parler, sans blesser ni la justice ni la charité, dans le lieu où il est déjà connu. On ne pèche point non plus en en parlant dans les endroits voisins où il est ignoré, mais où il doit bientôt devenir public. En serait-il de même si on manifestait ce crime dans un endroit où, probablement, il n'aurait jamais été connu, ou du moins ne l'aurait été qu'après un long espace de temps? Les uns se déclarent pour l'affirmative, parce que, disent-ils, il est utile au bien général que les hommes soient connus partout tels qu'ils le sont dans quelque endroit; les autres soutiennent, au contraire, que celui qui fait connaître au loin le crime qui n'est connu que dans l'endroit où il a été commis, et dans les lieux circonvoisins, pèche contre la charité et même contre la justice. La raison qu'ils en donnent, c'est que l'auteur d'un crime conserve un droit strict à sa réputation, pour le pays où ce crime n'est point devenu public. Cependant, s'il s'agissait de certains crimes qui rendent un homme dangereux, nous pensons qu'on pourrait les faire connaître, et signaler ceux qui en seraient les auteurs, même dans les endroits éloignés où ils ne seraient nullement connus; pourvu qu'on ne le fit qu'en vue du bien public (2). Au surplus, on peut, en tout cas, les faire connaître à toute personne intéressée, de quelque endroit que ce soit.

1073. Il n'est pas permis de rappeler le souvenir d'un crime dont la mémoire est effacée dans le lieu où il a été commis, et où le cou

(1) Lib. m. no 973; Cajétan, Billuart, etc. guori, lib. m. no 794.

(2) Voyez S. Alphonse de Li

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