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ceux qui sont d'un party opposé entrent en défiance quand on leur fait de semblables questions. Plusieurs, qui sont prévenus contre le pape et le clergé catholique, croyent qu'on ne songe qu'à les tromper et à les ruiner quovis modo, et que ces sortes de négotiations ne servent qu'à les faire entrer dans les filets, à sonder leur foible, et à tascher tout au moins de mettre un schisme entre eux. C'est pourquoy, dans plusieurs cours et universités, lorsque les théologiens sont entrés en conférence avec M. l'évesque de Tina par ordre de leurs maistres, ils n'ont pas voulu entrer en matière, demandant préalablement que ce prélat montrast des pouvoirs du pape, et s'excusant d'ailleurs qu'ils n'oseroient rien avancer dans une matière si importante, sans communiquer avec les autres théologiens leurs confrères. Cependant il y en a eu quelques-uns, des plus habiles et des plus considérables par leur vie et par leur doctrine, qui se sont expliqués davantage, et il s'est trouvé un grand prince (1), fort esclairé et très bien intentionné pour la paix de l'Église et le bien de la patrie, qui a ordonné à ses théologiens, tant de la cour que de l'université, d'entrer en négotiation avec M. l'évesque de Tina, pour voir jusqu'où cette affaire pourroit aller. Et ces théologiens, sur l'ordre de leur maistre, qu'ils ont jugé conforme à leur devoir, ont cru qu'ils ne pourroient pas éviter honnestement et de bonne grâce de donner l'éclaircissement qu'on leur demandoit; car à quoy serviront donc d'habiles théologiens, que les princes entre

(1) Le duc Ernest-Auguste. N. E.

tiennent pour se servir de leur conseil, s'ils refusent à leur maistre de s'expliquer et d'entrer dans une conférence amiable, où il n'y a aucun préjudice à craindre pourveu qu'on use de prudence? Ils ont crû que la charité ne devoit pas estre soubçonneuse, et qu'après les avances qu'il sembloit que les catholiques faisoient en envoyant chez eux, leur conscience et le zèle que tous les véritables chrestiens doivent avoir pour le restablissement de l'unité de l'Église ne leur permettoient pas de respondre si mal aux marques extérieures de bonne intention qu'on leur donnoit à connoistre de la part des catholiques, par ordre du chef de l'empire, et de renvoyer un prélat si accrédité sans entrer dans aucune négotiation sur les ouvertures qu'il faisoit, parce qu'autrement le blasme retomberoit sur les protestans, et le party catholique, qui est le plus fort, se pouvant vanter d'avoir faict ce qu'il falloit pour venir aux voyes amiables, se croiroit plus fondé à venir aux rigueurs. Voicy donc comment j'ay appris qu'ils se sont expliqués en substance dans un escrit (1) qu'ils ont donné à leur maistre comme un résultat des conférences, et qui a esté par après délivré par son ordre à M. l'évesque de Tina: ils déclarent donc qu'ils tiennent le restablissement de l'union possible, et qu'on est obligé d'y travailler de tout son pouvoir.

(1) C'est la célèbre Censure des théologiens de Hanovre, dont il est parlé dans une lettre d'Alberti à Leibniz (1683). Cet écrit, que nous avons vu et consulté dans la bibliothèque de Hanovre, est signé des noms suivants : Gerardus (Molanus, abbé de Loccum), Herman Barchæus, auctor Hanoveranæ, protecclesiastes, superintendens generalis Calenberg., etc., Fredericus Ulricus Calixtus, Theod. Meyerus, theologiæ doctor. Leibniz avait trouvé cet exemplaire de la Censure à Neustadt, où il avait visité Spinola.

Ils distinguent les controverses, disant qu'il y en a majoris et minoris momenti. A l'esgard de la réunion, quant à ceux du premier ordre, ils jugent que les protestans ne sçauroient relascher, et que l'Église romaine y peut avoir de la condescendance. Tels sont, selon eux, les poincts suivant cela la communion sous les deux espèces, l'extension des messes particulières, la justification du pécheur, le mariage des ecclésiastiques, la validité des ordinations qui se feroient chez eux, le culte divin en langue vulgaire, enfin les droicts épiscopaux des princes protestans. Et ils croyent que le pape peut accorder ces choses prises dans un sens raisonnable, sans choquer les principes de l'Église catholique et romaine.

Quant aux controverses de moindre calibre, à leur avis, voicy comme ils distinguent, sçavoir qu'il y y en a où toute la question ne revient qu'à des phrases ou formules, et où il n'y a point de discussion réelle dans le fond et dans les choses (telle est la question du nombre des sacremens, et si dans le sacrement de l'autel il se trouve un sacrifice proprement dict); qu'il y a d'autres controverses où ceux d'un mesme party ne sont pas d'accord (par exemple, si les bonnes œuvres sont méritoires, si la saincte Vierge a esté conceue sans péché originel, si le pape est l'Antechrist), et ils jugent que, dans ces controverses, il faut que, par une condescendance mutuelle, on suive les sentimens que les deux partis peuvent approuver; enfin qu'il y a des controverses où rien de tout cela ne peut avoir lieu, parmy lesquelles il y en a quelques-unes qui sont d'assez grande importance en elles-mesmes, mais qui pourtant ne le

sont pas assez pour empescher l'union préalable, comme sont les questions du purgatoire, des limites de l'authorité du pape, du canon et de la lecture des Escritures, de la manière de la présence réelle, des indulgences, du culte des sainctes reliques et images, de la confession auriculaire, etc., qu'il faut renvoyer à la décision d'un concile libre et œcuménique.

Or, comme ces mesmes théologiens ont crû que leur déclaration à l'esgard d'un concile libre et œcuménique pourroit estre jugée ambigue, élusoire et captieuse, s'ils ne s'expliquoient pas distinctement là-dessus, puisque c'est le nœud de l'affaire ; ils ont déclaré qu'il faut avoir telle confiance, dans l'assistance du Sainct-Esprit promise à l'Église catholique dans les sainctes Escritures, qu'il faut se soumettre dès à présent à ce qu'un concile œcuménique décidera par la pluralité des voix sur les poincts en question, après avoir pris les précautions raisonnables, examiné les controverses avec soin, et ouy avec attention les raisons de part et d'autre, puisque, à moins d'un miracle, il n'y a point d'autre voye icybas de terminer les controverses. Mais, afin de pourvoir davantage à la liberté du concile et à l'intérest de leur party, ils ont jugé raisonnable que leurs surintendans, ou inspecteurs, qui seroient déjà déclarés par le pape ÉVESQUES CATHOLIQUES VÉRITABLES DU RITE TEUTONIQUE, en vertu de la réunion des protestans à l'Église, deussent assister à ce concile futur œcuménique, non comme partie accusée, mais comme juges, ayant voix et session avec les autres ÉVESQUES DU RITE LATIN OU GREC. En quoy ils jugent qu'il y

auroit pour les protestans un avantage très grand, mais très raisonnable, dont leurs ancestres ne s'estoient pas avisés, puisqu'ils vouloient comparoistre devant le concile, sans avoir rien stipulé de la voix et session de leurs surintendans ou évesques. Car, ne pouvant pas refuser aujourd'huy ce que leurs ancestres avoient offert en présentant leur confession à l'empereur, sçavoir de reconnoistre un concile futur libre et légitime, ils ont crû bien mériter corps entier des protestans en accompagnant cette offre répétée de précautions si considérables et si avantageuses.

du

L'escrit de ces théologiens, consistant en substance dans ce que je viens d'expliquer, ayant esté délivré par eux au prince leur maistre et par le prince à l'évesque de Tina, ce prélat tesmoigna d'en estre assez satisfaict pour le coup d'essay; car il ne s'ensuit pas qu'on ne pourroit rien relascher davantage de part et d'autre si on venoit au faict, et depuis j'ay ouy dire que la cour de Rome, toute délicate qu'elle est, surtout en ces matières, n'a pas trouvé l'affaire méprisable ny mal conduite, quoyque elle ne luy ait peut-estre pas encor paru assez meure pour y prendre part et pour commettre son authorité. Cependant il a déjà esté montré cy-dessus que, si l'affaire s'exécutoit, l'Église catholique ne risqueroit rien et gagneroit beaucoup. De l'autre costé, ces théologiens protestans ont aussi pris de telles précautions, comme je viens de l'expliquer, qu'on ne leur doit pas imputer d'avoir faict aucun tort à leur party; et, quand tous leurs confrères seroient d'accord avec eux, comme il semble qu'ils ne pourroient refuser

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