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surprendre les gens. On a faict accroire aux ecclésiastiques qu'il est de leur intérest de poursuivre la réception du concile de Trente; et c'est pour cela que le clergé de France, gouverné par le cardinal du Perron, dans les estats du royaume tenus immédiatement après l'assassinat de Henry IV, sous une reyne italienne et novice au gouvernement, fit des efforts pour procurer cette réception; mais, le tiers estat s'y opposant fortement, et le clergé ne pouvant obtenir son dessein dans l'assemblée des estats, il osa déclarer, de son authorité privée, qu'il vouloit tenir ce concile pour receu; ce qui estoit une entreprise blasmée des personnes modérées. C'est à la nation, et non au clergé seul, de faire une telle déclaration; et c'est suivant cette maxime que le clergé s'est laissé induire, par les partisans de Rome, d'obliger tous ceux qui ont charge d'âmes à faire la profession de foy publiée par Pie IV, dans laquelle le concile de Trente est authorisé en passant. Mais cette introduction particulière, faicte par cabale et par surprise contre les déclarations publiques, ne sçauroit passer pour une réception légitime: outre que ce qui se dit en passant est plustost une supposition où l'on se rapporte à ce qui en est, qu'une déclaration indirecte.

Après avoir prévenu ces difficultés et ces équivoques, je viens à mes preuves, et je mets en faict qu'il ne se trouvera jamais aucune déclaration du roy ny de la nation françoise, par laquelle le concile de Trente soit receu.

Au contraire, les ambassadeurs de France déclarèrent, dans le concile mesme, qu'ils ne le tenoien! point pour libre, ni ses décisions pour légitimes, et

que la France ne le recevroit pas; et là-dessus ils se retirèrent. Une déclaration si authentique devroit estre levée par une autre déclaration authentique.

Par après, les nonces des papes sollicitant tousjours la réception du concile en France, la reyne Catherine de Médicis, qui estoit une princesse éclairée, respondit que cela n'estoit nullement à propos, parce cette réception rendroit le schisme des protestans irrémédiable; ce qui fait voir que ce n'est pas sur la discipline seulement, mais encore sur la foy, qu'on a refusé de reconnoistre ce concile.

Pendant les troubles, la ligue résolut la réception du concile de Trente; mais le party fidèle au roy s'y opposa hautement.

J'ay remarqué un faict fort notable, que les autheurs ont passé sous silence. Henry IV, se réconciliant avec l'Église de France et faisant son abjuration à Sainct-Denys, demanda que l'archevesque de Bourges et autres prélats assemblés pour son instruction, luy dressassent un formulaire de la foy. Cette assemblée luy prescrivit la profession susdite du pape Pie IV, mais après y avoir rayé exprès les deux endroicts où il est parlé du concile de Trente; ce qui fait voir incontestablement que cette assemblée ecclésiastique ne tenoit pas ce concile pour receu en France et comme règle de la foy, puisqu'elle le raya, lorsqu'il s'agissoit d'en prescrire une au roy de France.

Après la mort de Henry le Grand, le tiers estat s'opposa à la réception, comme j'ay déjà dict, nonobstant que le clergé eust asseuré qu'on ne recevroit pas une discipline contraire aux libertés de l'Église gallicane. Et comme les autres règlemens de Trente es

toient déjà receus en France par des ordonnances particulières, on voit qu'il ne s'agissoit plus de discipline, qui estoit ou déjà receue ou non recevable; mais qu'il s'agissoit de faire reconnoistre le concile de Trente pour œcuménique, c'est-à-dire pour règle de la foy. Les autheurs italiens soustiennent hautement que l'ordonnance publiée en France sur la nullité des mariages des enfans sans demander le consentement de père et de mère, est contraire à ce que le concile de Trente a décidé comme de droict divin; et ils soustiennent qu'il n'appartient pas aux loix séculières de changer ce qui est de l'essence d'un sacrement; mais l'ordonnance susdite est tousjours demeurée en vigueur.

Je pourrois alléguer encore bien des choses sur ce poinct, si je n'aimois la brièveté et si je ne croyois pas que ce que j'ay dit peut suffire. Je tiens aussi que les cours souveraines et les procureurs généraux du roy n'accorderont jamais que le concile de Trente a esté receu en France pour œcuménique; et, s'il y a eu un temps où le clergé de France s'est assez laissé gouverner par des intrigues estrangères pour solliciter ce poinct, je crois que, maintenant que ce clergé a de grands hommes à sa teste, qui entendent mieux les intérests de l'Église gallicane, ou plustost de l'Église universelle, il en est bien esloigné; et, ce qui me confirme dans cette opinion, c'est qu'on a proposé à de nouveaux convertis une profession de foy où il n'estoit pas faict mention du concile de Trente.

Je ne dis point tout cela par un mépris pour ce concile, dont les décisions, pour la pluspart, ont esté faictes avec beaucoup de sagesse; mais parce que,

estant seur que les protestans ne le reconnoistront pas, il importe, pour conserver l'espérance de la paix de l'Église universelle, que l'Église de France demeure dans l'estat qui la rend plus propre à moyenner cette paix, laquelle seroit sans doute une des plus souhaitables choses du monde, si elle pouvoit estre obtenue sans faire tort aux consciences et sans blesser la charité. Je suis avec dévotion, Madame, de Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très fidèle serviteur.

LEIBNIZ.

P. S. Le cardinal Pallavicin. qui fait valoir le concile de Trente autant qu'il peut, et marque les lieux où il a esté receu, ne dit pas qu'il ait esté receu en France, ni pour règle de la foy, ni pour la discipline; et mesme cette distinction n'est point approuvée à Rome.

VIII

LEIBNIZ A MADAME DE BRINON.

Original autographe inédit de la bibliothèque royale de Hanovre.

Hanovre, 2/12 juillet 1694.

Madame,

Je vous supplie de faire connoistre à M. l'abbé Ferrier, en faisant mes remercîmens, combien les reliques de l'esprit de nostre illustre amy feu M. Pellisson me sont chères, et combien j'estime le présent du livre de l'Eucharistie. On ne sçauroit dire les choses avec plus de force ny de meilleure grâce. De

la manière qu'il explique la transsubstantiation, elle n'est pas tout à fait esloignée de la confession d'Augsbourg ny des tempéramens de feu M. de Marca, archevesque de Paris, comme l'on en peut juger par la p. 99 et p. 108. Ce qu'il dit dans ce dernier endroict sur la nature de la substance s'accorde merveilleusement avec mes pensées, qui ne tendent qu'à expliquer plus distinctement cette clef invisible des propriétés de la substance corporelle que j'avois appelée la force primitive. C'est apparemment cet accord qui a faict tant gouster à M. Pellisson mes projects de dynamique, comme il a tesmoigné dans la dernière partie de ses Réflexions et dans les lettres qu'il m'a escrites, les considérant comme entièrement utiles à son dessein. Et s'il avoit vécu, il les auroit fort poussés. Je ne doute point qu'il n'y ait encore bien d'excellentes choses parmi ses papiers, et je croy que M. l'abbé Ferrier y trouveroit de quoy enrichir le public. Je vous supplie, Madame, de l'y faire penser, et je suis avec zèle vostre très humble, etc.

LEIBNIZ.

IX

LEIBNIZ A M. L'ÉVÊQUE DE MEAUX.

Original autographe inédit de la bibliothèque royale de Hanovre.

Hanovre ce 3 juillet 1694.

En attendant ce que M. l'abbé de Loccum m'a promis de nouveau, dont j'espère que vous aurez

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