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en pourroit parler en secret, pour faire mettre en mouvement l'archevesque de Cantorbéry. Car, si ce prélat, si vénérable par son âge et par sa dignité, en parloit au Roy, et luy recommandoit cette affaire, sans qu'on en sceust ailleurs le suject de son audience, je ne doute point que le Roy n'agréast son zèle, et ne l'authorisast à en conférer en secret avec quelque peu d'autres prélats et théologiens bien intentionnés, pour prendre des mesures, et choisir quelque théologien comme secrétaire de leur congrégation, propre à entrer en communication par lettre avec nostre abbé de Loccum. Après quoy, les choses estant un peu préparées, on pourroit envoyer icy; et mesme, la communication par escrit estant commencée, avant la fin de l'hyver, quelque théologien choisi pourroit venir icy avec le Roy, sans faire semblant de rien.

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Je doute qu'il soit à propos d'en parler à M. l'évesque de Lincoln, car il est grand aumosnier du Roy: il faut un homme moins élevé desjà en dignité, mais en passe d'avancer, doué de beaucoup de zèle, de modération et de capacité. Il faudroit aussi qu'il feust estimé et bienvenu de l'archevesque, et propre à estre l'entremetteur entre V. A. R. et ce primat. En cas que V. A. R. fust embarrassée sur le choix, je pourrois peut-estre luy proposer quelque suject, à moins que V. A. R. n'eust occasion de s'entretenir ellemesme avec M. l'archevesque. C'est tout ce que je puis dire pour le présent. Rien ne siéra mieux à V. A. R.: sa piété et sa prudence vont du pair, et sa dignité leur donne de l'efficace; et il y a lieu d'espérer que la bénédiction divine n'y manquera point. Pour moy, je serois ravi de voir encore quelque fruict de mes

travaux passés (1): et au reste, ne doutant point que V. A. R. ne ménage l'affaire comme il faut, je suis avec dévotion, Madame, de V. A. R., etc., etc.

Leibniz.

P.-S. Je n'aurois rien à adjouster à une longue lettre que j'ay pris la liberté d'escrire à V. A. R. sur un suject de quelque conséquence, si la Gazette ne m'avoit appris la mort de l'archevesque de Cantorbéry, et la nomination que le Roy a faicte de M. l'évesque de Lincoln, pour remplir ce grand poste. Cela doit faire changer les mesures à l'esgard des personnes; et je croy que, si V. A. R. veut prendre l'affaire en main, il faut qu'Elle en parle elle-mesme au nouveau primat, mais sans faire paroistre que j'y aye la moindre part. Le zèle et les lumières de V. A. R. y suffisent.

Comme le nouveau primat est d'un âge, comme je croy, à se pouvoir promettre d'achever l'ouvrage s'il le commence, je croy qu'il en sera d'autant plus disposé. Il sera bon qu'il paroisse que l'affaire vient entièrement des Anglois : et elle en sera mieux receue du Roy et de la Nation. Mais je croy que le secret sera tousjours bon au commencement.

(1) Leibniz, après avoir presque entièrement renoncé, à cause des empêchements existants, à la réunion des protestants avec les catholiques, se tourna vers la Prusse et l'Angleterre, et travailla surtout, depuis, avec l'évêque Ursinus et Yablonski, d'une part, et Molanus, de l'autre, à la réunion des sectes protestantes entre elles. Nous avons donné cette dernière lettre de 1716, année de sa mort, qui indique et résume cette nouvelle tendance aussi belle, mais plus inexécutable que l'autre. (Guhrauer, Deustche Schriften, t. II ) N. E.

FIN DU DEUXIÈME VOLUME.

APPENDICE

1

EXPLICATION SOMMAIRE DE L'APOCALYPSE

PAR LEIBNIZ

D'après l'original autographe inédit de Hanovre.

Janvier 1677.

Comme je méditois récemment sur l'Apocalypse, j'ay pensé qu'il falloit poser cette règle d'interprétation: Il est vray-semblable que tous les événemens, autant que cela se peut faire, se doivent entendre de choses contemporaines à Jean. On sait en effect que souvent les prophètes, quand ils semblent parler de faicts esloignés et pris au sens large, ont en vue des choses prochaines et assez restreintes, ce dont il ne faut pas s'estonner, parce que cette pompe des mots va bien à leur majesté. La deuxième remarque est que l'Apocalypse doit estre regardée comme un des escrits composés avec le plus d'art que nous ait laissés l'antiquité. Il y a une telle simplicité de langage, une telle propriété de mots, une si grande majesté de pensée et de telles lumières du discours, qu'on ne peut la lire attentivement sans l'admirer et sans estre émeu jusqu'au fond de l'âme. C'est un style qui rappelle celuy de Platon, dont le dialogue sur l'immortalité de l'âme, le Phédon, en poussa quelques-uns à embrasser la mort volontaire; celuy de Virgile, dont les vers sur la mort de

Marcellus firent couler les larmes de Livie. Aussi je m'asseure que beaucoup de ces fanatiques qui, dans ce siècle et le précédent, saisis d'un faux enthousiasme, parurent aux uns des fanatiques et aux autres des prophètes inspirés, furent poussés par une lecture et une méditation assidue de l'Apocalypse, et je ne doute pas que grande n'ait esté sa puissance sur les premiers chrestiens, pour la consolation desquelles elle fut escrite; mais, si ce grand art de la composition y est manifeste, il faut se garder de toute explication froide, forcée et minutieuse. Enfin je regarde comme prouvé et reconnu par tous que, par Babylone, il entend les Romains. Je passe les chapitres I, II, III, car ils se prestent au sens littéral, et, quant à chercher une explication facile de quelques détails, cela est inutile et peu convenable: telle est, par exemple, l'explication de Grotius, qui veut que les quatre animaux signifient les autres apostres, et les vingt-quatre prestres certains prestres vivans, tandis que ceux qu'il introduit comme siégeant en permanence devant le throsne de Dieu ne paroissent pas estre vivans. Il n'est pas nécessaire que certaines personnes soyent icy dési gnées par les quatre animaux d'Ézéchiel ou les vingtquatre vieillards. Double est le nom des patriarches ou des apostres; il paroist donc les avoir adjoustés ensemble. J'aime assez le commentaire d'Irénée sur le mot Aatsivog, qui renferme 666. L'Évangéliste dit que c'est le nombre de l'homme: or le mot latin est un nom; on comprend très-bien que l'apostre ait préféré ce mot, Aateivos, à celuy-cy, Romanus, qui auroit eu le tort d'exprimer trop clairement sa pensée. L'explication de Grotius me plaist sur l'animal.

Il veut sans doute parler de l'empire, troublé sous Othon et Vitellius, et restauré par Vespasien; de mesme Grotius explique ingénieusement par l'autre animal, qui est le serviteur du premier et cause d'idolâtrie, la magie d'Apollonius, qui estoit célèbre en Asie au temps du Christ, comme son rival, et qui nuisoit ainsi beaucoup aux chrestiens, et l'on comprend l'importance de ces faicts qui touchoient de si près à l'apostre. Mais il faut parcourir avec ordre l'économie de tout l'ouvrage. Si l'on obmet les lettres aux Églises

et les préparatifs de la Vision, le début paroist en estre au chapitre V; la Révélation, au chapitre VI, commence à la résurrection du Seigneur, et descrit l'état primitif de la Judée jusqu'à sa ruine sous Adrien. La résurrection du Seigneur, son ascension et son triomphe sur les ennemis, sont figurés au chapitre VI par le cavalier monté sur un cheval blanc, ceinct de la couronne et partant pour la victoire. Remarquez que le mesme cavalier revient presque dans les mesmes termes, chapitre XIX, v. 11, 12, 13. D'autres cavaliers le suivent, représentant les événemens qui ont suivy en Judée; les anges, c'est-à-dire les exécuteurs, dont l'un présage la guerre, sur laquelle il faut consulter Josèphe (XX, 1), et l'autre, la famine qui suivit et qu'avoit prédicte Agabus (Actes, XI, 28), et qui tomba sous le principat de Claude. (Voyez Josèphe, XX, 2.) Par la terre habitable, il signifie la Judée et les pays circonvoisins; car il estoit naturel que l'apostre les eust en vue. (VI, 9.) Il doit estre question icy des premiers martyrs mis à mort par les Juifs: Estienne, Jacques. Leur sang sera vengé après quelque retard, telle est la promesse; et d'ailleurs leur vengeance, c'est la ruine de Jérusalem. Christ l'a prédict (Matthieu, XXIII, 37, 38) : «Jérusalem, toy qui tues les prophètes, voilà que vostre maison restera déserte.» Et il adjouste peu après (XXIV, 2) : «Il ne restera pas pierre sur pierre.» Il est donc manifeste qu'icy l'Apocalypse (VI, 10) entend par la terre la Judée, et par les hommes les Juifs; car les martyrs disent : « Jusqu'à quand différerez-vous de nous venger de ceux qui habitent la terre ? » et la suite prouve que cette vengeance doit atteindre les Juifs. Suit le chapitre VII. «Le tremblement de terre, l'anxiété générale et la marque donnée à ceux d'Israël qui devront estre sauvés, » et le verset 9 et suivans, indiquent que les Gentils, eux aussi, sont appelés au salut. Viennent ensuite, chapitre VIII, les préparatifs de la ruine, que précède, comme toutes les grandes choses, un silence. d'environ une demi-heure dans le ciel; et, quand il dit que, l'encensoir ayant esté jeté sur la terre, il en sortit des tonnerres, le sens est que Dieu se laisse toucher par les prières des pieux et qu'il se lève pour la vengeance. Les quatre

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