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XII

LEIBNIZ A BOSSUET (1).

Revu et complété d'après l'original autographe et en partie inédit de la bibliothèque royale de Hanovre.

A Hanovre, ce 12 juillet 1694.

Monseigneur,

Vostre dernière a faict revivre nos espérances. M. l'abbé de Loccum travaille fort et ferme à une espèce de liquidation des controverses qu'il y a entre Rome et Augsbourg, et il le fait par ordre de l'empereur. Mais il a affaire à des gens qui demeurent d'accord du grand principe de la réunion, qui est la base de toute la négotiation; et c'est sur cela qu'une convocation de nos théologiens avoit faict solennellement et authentiquement ce pas que vous sçavez, qui est le plus grand qu'on ait faict depuis la réforme. Voicy l'eschantillon de quelques articles de cette liquidation, que je vous envoye, Monseigneur, de sa part. Il y en a jusqu'à cinquante qui sont déjà prests. Ce qu'il avoit projeté sur vostre excellent escrit entre maintenant dans sa liquidation, qui luy a faict prendre les choses de plus haut, et les traicter plus à fond; ce qui servira aussi à vous donner plus de satisfaction un jour. Cependant je vous envoye aussi la préface de ce qu'il vous destinoit dès lors, et des pas

(1) Les éditeurs de Bossuet regrettaient qu'on n'eût point la lettre de M. de Meaux, à laquelle répond Leibniz. Cette lacune est comblée; voir tome I, page 433.

sages où il s'expliquoit à l'esgard du concile de Trente; et rien ne l'a arresté que la difficulté qu'il voyoit naistre chez vous sur ce concile, jugeant que, si l'on vouloit s'y attacher, ce seroit travailler sans fruict et sans espérance, et mesme se faire tort de nostre costé et s'éloigner des mesures prises dans la convocation et du fondement qu'on y a jeté. Il espère tousjours de vous une déclaration sur ce grand principe, qui le mette en estat de se joindre à vous dans ce grand et pieux dessein de la réunion, avec cette ouverture de cœur qui est nécessaire. Il me presse fort là dessus, et il est le plus estonné du monde de voir qu'on y fait difficulté; ceux qui ont faict la proposition de vostre costé, et qui ont faict naistre la négociation, ayant débuté par cette condescendance et ayant très-bien reconnu que, sans cela, il n'y auroit pas moyen d'entrer seulement en négotiation.

Le grand article qu'on accorde de nostre costé est qu'on se sousmette aux conciles œcuméniques et à l'unité hiérarchique; et le grand article réciproque qu'on attend de vostre costé est que vous ne prétendiez pas que, pour venir à la réunion, nous devions reconnoistre le concile de Trente pour œcuménique, ny ses procédures pour légitimes. Sans cela, M. de Molanus croit qu'il ne faut pas seulement songer à traicter, et que les théologiens de ce pays n'auroient pas donné leur déclaration; et qu'ainsi luy-mesme ne peut guère avancer non plus, de peur de s'escarter des principes de cette convocation, où il a eu tant de part. Il s'agit de sçavoir si Rome, en cas de disposition favorable à la réunion, et supposé qu'il ne restast que cela à faire, ne pourroit pas accorder aux peu

ples du nord de l'Europe, à l'esgard du concile de Trente, ce que l'Italie et la France s'accordent mutuellement sur les conciles de Constance, de Basle et sur le dernier de Latran, et ce que le pape avec le concile de Basle ont accordé aux Estats de Bohême, sub utraque, à l'esgard des décisions de Constance. Il me semble, Monseigneur, que vous ne sçauriez nier, in thesi, que la chose soit possible ou licite. Mais si les affaires sont déjà assez disposées in hypothesi, c'est une autre question. Cependant il faut tousjours commencer par le commencement, et convenir des principes, afin de pouvoir travailler sincèrement et utilement.

Puisque vous demandez, Monseigneur, où j'ay trouvé l'acte en forme, passé entre les députés du concile de Basle et les Bohémiens, par lequel ceux-cy doivent estre receus dans l'Église sans estre obligés de se sousmettre aux décisions du concile de Constance, je vous diray que c'est chez un autheur très catholique que je l'ay trouvé, sçavoir, dans les Miscellanea Bohemica du révérend P. Balbinus, jésuite des plus sçavans de son ordre pour l'histoire, qui a enrichy ce grand ouvrage de beaucoup de pièces authentiques tirées des archives du royaume, dont il a eu l'entrée. Il n'est mort que depuis peu. Il donne aussi la lettre du pape Eugène, qui est une espèce de gratulation sur cet accord; car le pape et le concile n'avoient pas rompu alors (1).

(1) Les éditeurs de Bossuet avouent la suppression en ces termes : « On n'a point imprimé la suite de cette lettre, qui traite de la dynamique, parce que cette matière, sur laquelle Leibniz avait des idées particulières, ne regarde point le projet de conciliation. (Éd. de Paris).»

C'est avec vostre pénétration ordinaire que vous avez bien jugé, Monseigneur, combien la dynamique establie comme il faut pourroit avoir d'usage dans la théologie. Car, pour ne rien dire de l'opération des créatures et de l'union entre l'âme et le corps, elle fait connoistre quelque chose de plus qu'on ne sçauroit ordinairement de la nature de la substance matérielle et de ce qu'il faut reconnoistre au delà de l'étendue. J'ay quelques pensées là dessus que je trouve également propres à esclaircir la théorie des actions corporelles et à régler la practique des mouvemens; mais il ne m'a pas encore esté possible de les ramasser en un seul corps, à cause des distractions que j'ay. J'en avois communiqué avec M. Arnaud à l'esgard de quelques poincts sur lesquels nous avons eschangé des lettres; par après, je mis dans les Actes de Leipsig (mois de mars 1685) une desmonstration abrégée de l'erreur des cartésiens sur leur principe, qui est la conservation de la quantité du mouvement, au lieu que je prétends que la quantité de la force se conserve, dont je donne la mesure différente de celle de la quantité du mouvement. M. l'abbé Catelan y avoit respondu dans les Nouvelles de la République des lettres (p. 999, septembre 86), mais sans avoir mis mon sens, comme je reconnois enfin et le marquay dans les Nouvelles de septembre de l'année suivante. Le R. P. de Mallebranche, dont j'avois touché le sentiment sur les règles du mouvement, dans ma Réplique à M. Catelan (février 87, p. 131), ne m'avoit point donné tort en tout (avril 87, p. 745), où je m'estois servi d'une espèce d'épreuve assez curieuse, par laquelle on peut juger, sans employer

mesme des expériences, si une hypothèse est bien ajustée; et j'avois trouvé que la cartésienne, aussi bien que celle de l'autheur de la Recherche de la vérité, combat avec soy-mesme par le moyen d'une interprétation qu'on a droict d'y donner. Je ne parle point des autres qui ont voulu soustenir le principe des cartésiens dans les Actes de Leipsig, auxquels j'ay répliqué. Feu M. Pellisson, ayant fort gousté ce que j'avois touché de ma dynamique, m'engage à luy envoyer un eschantillon pour estre communiqué à vos messieurs de l'Académie royale des sciences, afin d'en apprendre leur sentiment; mais il ne put l'obtenir, quoyque M. l'abbé Bignon et feu M. Thevenot s'y fussent employés : c'est pourquoy M. Pellisson approuva que je fisse mettre dans le Journal des Scavans une règle générale de la composition des mouvemens, pour recourir au public. Longtemps auparavant j'avois escrit à M. l'abbé Foucher, chanoine de Dijon, touchant mon hypothèse et pourquoy je n'estois point d'accord du système des causes occasionnelles. Un professeur italien, à qui j'en avois dict quelque chose en conversation, y prit beaucoup de goust et m'en escrivit depuis, et j'y fis response. Un amy que j'ay à Rome ayant voulu sçavoir de moy pourquoy je ne mettois pas la nature du corps dans l'estendue, je luy fis une response, laquelle me paroissoit populaire et propre à entrer dans l'esprit sans qu'on eust besoin de s'enfoncer bien avant dans les spéculations. Je la fis imprimer dans le Journal des Sçavans (18 juin 1691); un cartésien y respondit (16 juillet 1691). Je le sçus un peu tard, mais enfin je le sçus par l'indication de M. l'abbé Foucher. J'y répliquay alors (5 jan

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