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Intrigues

de Leibniz

supplanter

Bossuet.

nait à Hanovre. Grâce à cette position exceptionnelle, Leibniz, qui avait les yeux sur l'université d'Helmstadt, qu'il dirigeait sous main, et qu'il avait remplie de ses choix, voulut mettre la paix à profit pour la reprise des négociations. Il conçut le dessein d'y engager le duc Antoine-Ulrich et de traiter directement l'affaire avec Louis XIV. Mais, pour réussir dans cette négociation, il fallait écarter Bossuet, ou du moins le faire tenir en bride à Versailles. Cette considération n'arrêta point Leibniz: prévenu contre le parti de Rome, fort bien instruit de ses intrigues, irrité même la hauteur et les finesses de « Messieurs les ecclésiastiques », il essaya de s'en passer et de supprimer Bossuet. Évidemment il s'est dit, à ce moment de la correspondance, que, s'il pouvait arracher l'affaire des mains de M. de Meaux, il serait assuré du succès : non-seulement il l'a dit, mais il l'a écrit. Nous avons retrouvé la minute de ce projet et le plan d'attaque.

par

Mais, pour supplanter Bossuet, il fallait trouver des pour alliés en France, à la cour de Louis XIV. Leibniz a eu ce mérite de pressentir le parti qu'on pouvait tirer des maximes et des idées gallicanes contre le parti de Rome et son représentant Bossuet. Il connaissait ce parti, qui avait compté dans ses rangs les premiers magistrats du pays, les Harlay, les Pithou, les de Thou; il voulut s'en servir, et les opposer à M. de Meaux. Et de là cette seconde partie du projet, qui se résume ainsi : S'il ne pouvait pas lui enlever l'affaire, lui faire adjoindre du moins quelque magistrat gallican.

L'attaque était hardie, elle fut assez habilement conduite: Leibniz s'était assuré d'un prince allié de Louis XIV, le duc Antoine-Ulrich dont il avait la confiance et même la signature: il avait recherché et obtenu l'amitié du ministre résident de France à Brunswick, M. du Héron, par lequel il communiquait avec Torcy, ministre des affaires étrangères du roi de France. Aussi je ne m'étonne pas du nombre de pièces, de minutes et de projets que nous retrouvons à Hanovre pour éclairer la négociation, et qui nous servent à en refaire l'histoire.

Dans une première lettre au duc Antoine-Ulrich, Leibniz indiquait la marche à suivre et le grand parti qu'on pouvait tirer de ce qui avait été fait à Helmstadt « en le ménageant et en le gardant, comme il le dit, pour la bonne bouche, après que messieurs les Romanistes auront faict aussi quelques démarches considérables. La seconde pièce est un projet de lettre d'Antoine-Ulrich à Louis XIV, minuté par Leibniz. La troisième, également adressée au duc, qui est de beaucoup la plus importante et datée du 17 novembre 1698, était l'exposé de l'affaire et des causes de l'interruption. Il y en a trois, sans compter la trop grande réserve ou le refus de s'expliquer,. qu'il a toujours reproché à Bossuet. C'étaient la mort de Pellisson, le retour du comte Balati, subitement rappelé à Hanovre, et enfin la mort du prince de Condé, qui s'était toujours intéressé à cette négociation. Il joint à cet exposé les moyens qui lui paraissaient les plus propres à en assurer le concert à

Appel de Leibniz

aux

gallicans.

l'avenir, et il y a cela de très-remarquable dans ce document, qu'il contenait un appel très-net et trèsdirect aux gallicans et un éloge de la France au point de vue du gallicanisme, dont Harlay, Pithou et de Thou sont à ses yeux les illustres représentants. La France lui paraît surtout propre à tenir le milieu entre les protestants et ce qu'il appelle les excès des Romanistes; et persuadé, comme il l'est, que les ecclésiastiques, sans en excepter M. de Meaux, ont tou jours fatalement penché de ce dernier côté, il veut, s'il est possible, leur enlever l'affaire, ou du moins leur faire adjoindre des magistrats capables et instruits de cette école. C'est là son projet pour évincer, ou du moins pour supprimer moralement Bossuet.

D'une part, Antoine-Ulrich, appuyé sur les universités et les facultés de théologie protestantes, de l'autre, Louis XIV toujours secondé par Bossuet, mais flanqué de ces assesseurs nouveaux, les magistrats gallicans, puis Leibniz, entre deux, se flattant de mener les uns et les autres vers le but désiré : telle était cette conception singulière, originale, et qui prouve au moins ceci: c'est que Leibniz n'avait pas assez contre Bossuet des universités d'Allemagne, il lui fallait encore ranimer le vieil esprit des parlements.

Un tel projet, qui, s'il fût resté en portefeuille, aurait déjà de l'intérêt, a cela de piquant qu'il a été envoyé en France.

Le marquis de Torcy l'a reçu, il l'a communiqué à M. de Meaux. Il faut donc le juger et dire ici toute notre pensée. Les parlements ont, en effet, joué un

très-grand rôle en France dans les conflits survenus entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux; et il s'était formé dans leurs rangs, dès les plus beaux temps de la monarchie, une école de magistrats fortement attachés à la foi catholique, mais très-déclarés contre l'excès de certaines prétentions de Rome. Cet esprit, qu'on a appelé, pour le discréditer, l'esprit légiste, a soutenu certaines déclarations demeurées célèbres, inspiré d'immortelles résistances, et dicté d'importants arrêts. C'était au nom des libertés gallicanes compromises que la France, avant de protester par la bouche de vingt-six évêques, avait réclamé publiquement, par l'entremise des parlements, au nom de la noblesse et du tiers-état.

tains

Toutefois deux courants contraires s'étaient établis Ultramonbien avant cette époque en France, et la tendance ultra- et gallicans. montaine était puissamment représentée. Le concile de Trente, qui ne s'y montra que trop docile, trouva dans le clergé de grands appuis et dans les parlements une vive opposition que Leibniz voulait faire renaître. Aussi ne tarit-il pas contre « cette bande de petits évêques italiens, courtisans et nourrissons de Rome, qui fabriquèrent dans un coin des Alpes, d'une manière désapprouvée hautement par les hommes les plus graves de leur temps, de leur temps, des décisions qui doivent obliger toute l'Église ». C'était, suivant Leibniz, le premier et déplorable effet des doctrines ultramontaines.

L'ultramontanisme! Il est singulier que ce mot, gros de tempêtes, ait été, pour la première fois, em

ployé par Leibniz dans une lettre à madame de Brinon, où il la met en garde contre ce qu'il appelle les surprises ultramontaines. Il semble qu'il n'eût pas dû s'adresser à Bossuet, dont le discours sur l'unité de l'Église se termine par une exhortation à conserver ces fortes maximes de nos pères que l'Église gallicane a trouvées dans la tradition de l'Église universelle.

Le promoteur de la déclaration de 1682 avait-il donc à se défendre d'être un suppôt de Rome? Les ultramontains, qui ne lui ont pas épargné l'imputation de gallicanisme, seraient bien étonnés de se trouver un nouvel et puissant allié sur lequel ils comptaient si peu. Telle n'était point la pensée de Leibniz, et son appel au gallicanisme avait une tout autre portée. La France, depuis Henri IV, et même avant lui, comptait dans son sein deux partis et comme deux sociétés distinctes, la société religieuse et la société civile: la première, représentée par un clergé influent, par d'éminents évêques et par des canonistes distingués; la seconde, qui s'était formée plus lentement à l'école sévère des jurisconsultes et des politiques, et qui avait soutenu nos rois par ses lumières. Leibniz, qui ne nie pas la science de nos théologiens et de nos sorbonistes, ne dissimule pas non plus son goût pour nos grands jurisconsultes. A ses yeux Bossuet était le plus illustre représentant des premiers, mais son gallicanisme religieux se liait aux théories les plus absolutistes et ne l'empêchait pas d'incliner par une tendance commune à tous les ecclésiastiques vers le parti de Rome : les Bignon, les Harlay, les

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