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La voye déclaratoire que je vous propose évite cet inconvénient, et, au contraire, la suspension que vous proposez nous y jette jusqu'au fond, sans qu'on s'en puisse tirer. Voilà cette méthode qui, sous le nom d'Exposition, a joué un si grand rôle dans ces controverses, méthode admirable de clarté et d'évidence, tant qu'on n'avait affaire qu'à des hérétiques isolés ou en petit nombre, mais qui avait le tort de ne point reconnaître l'existence du fait, celui d'Églises protestantes constituées en face de l'Église catholique. Toutefois Leibniz lui adressait un autre reproche, c'était d'être trop oratoire et pas assez rigoureuse dans les pages éloquentes de M. de Meaux. « Il faut ad populum phaleras, lui disait-il ; j'y accorderois les ornemens, et je pardonnerois mesme les suppositions et pétitions de principe: c'est assez qu'on persuade. Mais, quand il s'agit d'approfondir les choses et de parvenir à la vérité, ne vaudroit-il pas mieux convenir d'une autre méthode qui approche un peu de celle des géomètres, et ne prendre pour accordé que ce que que ce que l'adversaire accorde effectivement, ou ce qu'on peut dire déjà prouvé par un raisonnement exact? C'est de cette méthode que je souhaiterois de pouvoir me servir. Elle retranche d'abord tout ce qui est choquant; elle dissipe les nuages du beau tour, et fait cesser les supériorités que l'éloquence et l'authorité donnent aux grands hommes, pour ne faire triompher que la vérité. »

L'éclectisme conciliant de Leibniz avait une tâche toute tracée d'avance. Trois méthodes étaient en

que

:

présence Bossuet n'en admettait qu'une, exclusive de toutes les autres. Leibniz, au contraire, les examine toutes les trois, et il trouve que toutes les trois ont du bon il le déclare en commençant, dans cet exposé de principes que nous avons déjà cité : «< Cependant il reste encore une voye ouverte qui embrasse ce qu'il y a de bon dans toutes les voyes paisibles précédentes, et qui a eela d'important qu'elle peut s'accommoder des principes des catholiques aussi bien des protestans. Il me semble que c'est un effect de la divine Providence, qui a voulu que, nonobstant cette opposition si grande qui paroist estre entre les parties, il soit resté un moyen de venir à une réunion sans armes et sans disputes, sauf les principes des protestans, aussi bien que des catholiques. Quand cela ne seroit vray que spéculativement, ce seroit tousjours beaucoup; mais souvent il ne tient qu'à la bonne intention des hommes et à des conjonctures favorables de réduire la théorie à la pratique, et ce qui n'est pas encore meur pourra peut-estre un jour venir à sa perfection par la bénédiction d'en haut. C'est pourquoy il est important que cette pensée soit connue et conservée (1). »

Voilà bien l'éclectisme conciliant et raisonné d'un sage en présence de l'exclusivisme plus étroit d'un docteur et des tendances séparatistes d'un zélé controversiste de l'Église catholique. Leibniz analyse les trois méthodes; il les combine et en fait, par leur

(1) Tome I, p. 4.

union, une méthode nouvelle et plus féconde: c'est cette conciliation harmonieuse des voies, de toutes les voies et moyens employés, que j'appelle l'éclectisme de Leibniz, pour l'opposer à l'exclusivisme de Bossuet. C'est lui qui lui dictait déjà, dans cette conversation si curieuse avec le duc Jean-Frédéric, que lui-même a rapportée (1), ces six règles d'une si grande sagesse et d'un caractère si moderne que je n'hésiterai pas à les ranger, comme principes fondamentaux de toute discussion, à côté des quatre règles de Descartes, qui le sont de toute analyse:

pour finir les

controverses.

1° «< Que cette méthode sera appliquée première-Ses règles ment à la matière de l'Église et à ce qui en dépend, pour en faire un essay, parce que la décision de cette matière donneroit un préjugé pour tout le reste;

2° « Que celuy qui se servira de cette méthode ne sera point juge, ny partie, ny conciliateur, mais rapporteur;

3o « Que la fidélité du rapporteur paroistra en ce qu'on ne pourra point deviner quel party il tient luymesme, ce qui est sans exemple en matière de controverses, et peut passer pour une marque palpable de modération et d'égalité;

4° « Qu'il gardera un certain ordre incontestable, qui portera avec luy la clarté et l'évidence, et qui doit exclure formellement les cinq inconvénients marqués cy-dessus;

(1) Voir ce singulier écrit dans le tome 1", Appendice, p. 459.

5o «

Qu'il abrégera les disputes autant qu'il luy sera possible, afin qu'on en puisse voir toute l'économie, quoyque bien souvent ce qui rend ces choses prolixes et difficiles n'est pas tant leur nature que les expressions embarrassées et ambiguës des autheurs, qu'on est obligé de développer afin qu'ils ne puissent point dire que leurs raisons ont esté négligées ;

6° « Qu'il sera ordinairement aisé à un homme de bon sens de juger sur le rapport qui a esté faict, sans que le rapporteur ait besoin de se déclarer. »

Méthode éclectique et conciliante au plus haut point, qui réunissait en une toutes celles énumérées précédemment, où l'idée de choix, c'est d'emprunter à toutes les méthodes employées avant Leibniz du par ses contemporains; et la tendance à l'union, à la conciliation, à la paix, c'est de ne rien rejeter, de tout employer, et d'en composer, en théorie du moins, les éléments de la réunion future.

Mais, si l'éclectisme de Leibniz a de grands avantages, et nous paraît l'élever au-dessus de ceux qu'il veut concilier, il faut aussi reconnaître ses inconvénients. On ne saurait passer sous silence l'article 3. de ces règles; on le peut d'autant moins qu'il devient en quelque sorte la clef de toute une série d'écrits iréniques, dont le Systema theologicum est le principal, mais non le seul témoin. Leibniz s'exprime ainsi : «La fidélité du rapporteur paroistra en ce qu'on ne pourra point deviner quel party il tient luy-mesme, ce qui est sans exemple en matière de controverses, et

peut passer pour une marque palpable de modération et d'égalité. »

de ces règles au Systema theologicum.

Singulière vertu d'une petite phrase ignorée pour Application finir un grand procès, quand elle recouvre une pensée intime et secrète: que de rêves pieux, que de systèmes plus ou moins théologiques vont être mis à néant et radicalement supprimés par cette petite phrase, et qu'il faut, dans ces difficiles questions des négociations religieuses du genre irénique, s'armer de critique et se mettre en garde contre les préoccupations de l'esprit de secte ou les émotions d'un zèle pieux! Je n'en citerai qu'un exemple: il y a quinze ans, l'abbé Lacroix retrouvait à Rome, à SaintLouis des Français, dans la succession du cardinal Fesch, en la possession du comte de Survilliers, Joseph Bonaparte, le manuscrit autographe du Systema theologicum. Un jeune prince, ami des lettres, l'enrichit d'une introduction (1): l'abbé Emery, Lamennais, et plus récemment l'abbé Lescœur (2), s'en occupèrent avec bonheur, presque avec passion. Mais si, éditeurs et interprètes, tous ceux enfin qui, dans un zèle pieux, mais trop ardent, ont bâti sur cet unique fondement du Systema theologicum l'espérance d'une conversion, ont cru devoir en tirer des inductions relatives à la foi de Leibniz et voulu en faire le testament religieux de ce philosophe, avaient eu sous les yeux ce petit article de son projet pour finir les controverses de religion, ils n'eussent point

(1) Le Systema theologicum, traduit par le prince A. de Broglie. (2) Voir le Correspondant du 25 septembre 1852 et suiv.

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