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Chose étrange, cependant, triste surtout! il a fallu défendre aujourd'hui cette règle: tant il est vrai de dire que beaucoup d'âmes manquent plus encore de raison que de foi!

Il faut donc avouer que de nos jours une solennelle et publique tentative de violence a eu lieu contre la règle fondamentale de la logique; l'attentat n'a point été isolé. Plusieurs étaient complices, et ont donné dans le même sens. Hâtonsnous d'ajouter que la police intellectuelle et philosophique a été faite, et que force est restée au bon sens contre les sophistes.

Le Père Gratry, plus que tout autre, a eu l'honneur de défendre le principe fondamental de la raison contre les jeux dépravés de la sophistique hégélienne. Il a saisi le Protée dans ses fuites nébuleuses, l'a produit au grand jour du bon sens français, et l'a forcé d'avouer que son ténébreux système de l'identité des contradictoires n'était rien du tout, qu'un triste jeu de mots dont on ne peut plus même parler quand on l'a compris'.

M. de Lamennais faisait sur l'unité de la vérité religieuse un beau raisonnement. La religion,

Voy. P. Gratry, la Logique, 1. 11. Logique du panthéisme, principe d'identité.

disait-il, est l'ensemble des rapports nécessaires qui relient l'homme à Dieu.

Ces rapports, comme tous les rapports entre les êtres, ne peuvent dériver que de leur nature. La nature de Dieu est immuable par essence, la nature de l'homme est immuable par constitution :

Donc, les rapports de Dieu à l'homme sont immuables; donc il n'y a qu'une seule religion, éternellement et exclusivement vraie, absolument incompatible avec l'idée de changement et de

variation'.

Jean-Jacques Rousseau n'a pu s'empêcher de voir une vérité si certaine. Il écrivait alors l'Émile, et développait avec éclat le paradoxe fondamental du livre, qui est d'abandonner l'homme au libre développement de ses instincts naturels, et de le préparer par l'ignorance et l'indifférence religieuses au choix de sa religion. Mais un éclair de bon sens, comme le rêveur génevois en connut souvent, vint briller dans son âme; et, au risque de contredire tout le système de l'Émile, il écrivit : « Parmi tant de religions diverses qui se poursuivent et

'Lamennais, Essai sur l'indifférence en matière de religion.

s'excluent mutuellement, une seule est la bonne, si tant est qu'une le soit 1.

« Le oui et le non sont contraires, et ne peuvent être ramenés à l'identité, » dit la logique. « La vérité religieuse est immuable par nature, » dit M. de Lamenrais. « Une seule religion est la bonne, >> dit Rousseau. Voilà le témoignage du sens commun pressé par l'évidence.

Ce témoignage est décisif, il est absolu; il ne commande pas moins le respect à la critique indépendante qu'à la raison du vulgaire. Laissons donc où elles sont tant de vaines paroles, à l'aide desquelles on a tenté d'établir à cet égard une distinction entre la fine et savante critique, et « le reste des hommes 2. » Non, il n'est pas vrai que la vérité soit tout entière dans la nuance, et que contradictoires, incompatibles dans l'esprit étroit de la foule, puissent s'accorder dans le génie plus large du critique. De semblables distinctions, déplaisantes déjà par l'orgueil, sont de plus injurieuses pour la raison humaine, dont elles violent

les lois les plus élémentaires.

les

La vérité religieuse est une, absolue, exclu

↑ Émile, t. III. ·

2 Voy. Études d'histoire religieuse de M. Renan; les Religions de l'antiquité, p. 2.

sive, intolérante de l'erreur. « Elle n'a qu'un visage et qu'une force, » disait Sénèque : « Veritatis una vis, una facies est1. » C'est presque le mot de saint Paul, profondément rationnel et philosophique : « Un seul Dieu, une seule foi, un seul baptême Unus Dominus, una fides, unum baptisma 2. »

Bien loin donc de reprocher à une religion la prétention qu'elle annoncerait d'être seule en possession de la vérité, bien loin de s'étonner qu'elle fût absolue, exclusive, dogmatiquement intolérante, bien loin de s'irriter qu'elle fût immuable dans ses dogmes, et qu'elle n'acceptât jamais l'idée du changement et de la variation, il faudrait reconnaître dans cette ferme et constante unité le premier caractère de la vraie doctrine. Il faudrait comprendre qu'une telle religion ne résiste aux instincts inférieurs et capricieux qui portent l'esprit de l'homme au variable, que pour satisfaire son instinct majeur et constant qui le porte à l'unité il faudrait s'arrêter déjà devant ce premier signe, et se dire qu'une doctrine si favorable au plus profond des désirs spirituels de l'homme, ne doit pas être une création de l'homme.

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:

Sénèque, Ep. 102.

2 Ephes., IV,

5.

III

Que la raison demande l'unité sociale à la société religieuse.

Mais l'homme ne veut pas seulement l'unité dans sa vie intellectuelle et intérieure: il la veut au dehors dans tout l'ordre de ses relations.

L'homme n'est pas un être individuel et isolé : il est essentiellement un être relatif et social. La véritable religion ne doit donc pas être seulement une doctrine : elle doit être société.

Les trois puissances constitutives de la nature humaine, dont nous avons reconnu l'existence dès le début de ce livre, n'existent pas seulement en l'homme à l'état privé : elles y existent encore à l'état social.

L'intelligence de l'homme cherche la vérité : mais elle la cherche pour tous les hommes.

Sa volonté cherche le bien mais elle le veut connaître pour tous.

Sa sensibilité appelle le bonheur, et elle le demande pour toute la famille humaine

C'est le fondement de tous les dévouements, de tous les apostolats, de tous les prosélytismes. C'est une des gloires les plus certaines de notre

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