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DE LA TRAITE

ET DE L'ESCLAVAGE

DES NOIRS ET DES BLANCS,

PAR UN AMI DES HOMMES DE TOUTES LES COULEURS.

L'AUTEUR (M. Grégoire, ancien évêque de Blois) a divisé ce petit ouvrage en deux chapitres. Dans le premier, il donne une esquisse des raisons qu'on a opposées en différens temps aux défenseurs de la traite des nègres; il s'élève contre l'article du traité de paix qui stipule la prolongation de ce commerce odieux pendant cinq ans. « Tandis que, dit - il, >> par - delà le Pas-de-Calais et l'Atlan>>tique, la vertu et l'éloquence déploient >> tant d'efforts contre le commerce de la li>>berté humaine, quel scandale présentent » chez nous le silence et l'indifférence

» même des hommes qu'on désigne sous le > titre de gens de bien! Peut-on citer une » seule pétition d'une ville ou d'une corpo>> ration contre l'article du traité relatif à la » traite qui, en Angleterre, a soulevé toutes >> les ames? Nous avons au contraire à dé>>plorer le scandale d'une pétition arrivéé » de Nantes, qui sollicite la prolongation >> des malheurs de l'Afrique, afin d'enrichir >> quelques européens. »

A proportion que l'on sent vivement la dignité de l'homme, on est révolté d'entendre froidement justifier l'esclavage d'une portion de l'espèce humaine. La multitude de raisons que l'on a à opposer se présentent à la fois au sentiment, et l'on s'irrite de voir que la lenteur de la parole semble trahir la vivacité de la pensée. C'est sans doute ce sen timent qu'éprouva Montesquieu, quand, au lieu de développer longuement toutes les raisons qui condamnent l'esclavage des nègres, il en fit une apologie ironique. En lisant les misérables raisons que ne craint pas d'alléguer l'avide avarice pour défendre la traite de ces malheureux Africains, on croit lire

l'apologie ironique de ce célèbre écrivain. Pour nous borner à exposer ici une de leurs raisons les plus fortes, ils vous allèguent que le travail de la culture du sucre est trop fort et trop pénible pour les bras européens ; voilà une assertion bien étonnante. Des Africains énervés et engourdis par l'esclavage auraient plus de force pour supporter le travail que l'Européen libre, vigoureux et actif! Un colon, bon observateur et de meilleure foi que ses confrères, m'a expliqué la raison de ce propos; l'Européen, accoutumé à un trávail qu'il se commande à lui-même, s'y livre avec toute l'ardeur que donne l'exercice de sa volonté propre. Comme il se trouve alors dans un climat trop chaud, l'excès de la transpiration use ses forces, et l'ardeur qui le porte au travail finit par l'exténuer l'esclave nègre, au contraire, n'accorde de sa force que ce qu'il ne peut pas absolument refuser; les coups de fouet sont loin de produire le même effet que ce stimulant intérieur qui porte l'homme libre à agir de luimême et pour lui-même; il se ménage donc davantage, et son travail ralenti n'use pas autant

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son corps que l'ardeur inconsidérée de l'Européen. Mais il est aisé de diriger et de ralentir cette ardeur. D'après le rapport de M. Drouin de Bercy, les engagés, ou trente-six mois, » qui étaient des blancs, faisaient, dans l'origine de l'établissement de Saint-Do>> mingue, ce que font aujourd'hui les nègres; » même de nos jours, presque tous les habi» tans de la dépendance de la Grande-Anse; >> qui sont en général des soldats, des ou»vriers ou de pauvres Basques, cultivent de » leurs propres mains leurs habitations. » Oui, je le soutiens, et j'en ai l'expérience: >> les blancs peuvent, sans crainte, cultiver la » terre de Saint-Domingue : ils peuvent la>>bourer dans les plaines depuis six heures » du matin jusqu'à neuf, et depuis quatre » heures de l'après-midi jusqu'au soleil cou» ché. Un blanc avec sa charrue fera plus » d'ouvrage dans une journée que cinquante >> nègres à la houe, et la terre sera mieux » labourée. »>

Cette ardeur n'appartient pas seulement à l'Européen, elle appartient aux hommes de tous les climats dont le travail est spontané,

C'est ce principe d'activité qui développe tous les ressorts de l'homme, et qui lui fait sentir toute la dignité de son être; c'est par elle qu'il jouit de toute la plénitude de son existence, et qu'il peut goûter le bonheur. Oter à l'homme cette qualité première, c'est lui ôter le principe qui le constitue homme, et qui est si nécessaire à son existence que, quand il en est privé, il décline, il s'affaisse; ce n'est plus qu'une machine mue par une impulsion qui n'est pas la sienne. Quelle que soit la dureté de l'esclavage, elle ne peut éteindre entièrement ce feu sacré qui allume toutes les facultés actives de l'ame, ni étouffer entièrement le sentiment de la dignité de son être; ce sentiment se change en une haine profonde contre celui qui l'opprime; il acquiert toutes les qualités qui résultent et de sa haine et de son impuissance; il devient fourbe, traître, méchant, vindicatif, lâche, paresseux; enfin, il contracte tous les vices qui servent de prétexte aux Européens pour asservir les nègres, et qu'ils n'ont que parce qu'ils sont esclaves.

Non-seulement l'esclavage flétrit l'ame;

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