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contentement; ils ont couvert de huées, de boue et de malédictions la plupart de ces coryphées de la chouannerie, à mesure qu'ils arrivaient à la préfecture ou qu'ils en sortaient; et ils en ont assez grièvement maltraité plusieurs. Le major de la 11o. légère, M. le général Bigarré et M. le préfet sont successivement sortis pour tâcher de calmer les esprits. M. le préfet a représenté plusieurs fois qu'on ne faisait que remplir les intentions du roi, en distribuant des récompenses aux chouans, et que c'était lui manquer de respect que de s'opposer à ce que cela se fît ainsi. On s'est écrié de toutes parts que c'était, au contraire, outrager le roi, que de supposer qu'il voulût récompenser des brigrands et des assassins; qu'on l'avait trompé sur le compte de ces chouans, objet d'un si tendre intérêt, et qu'il devait ignorer surtout quel homme c'était que ce N*** qu'on envoyait dans une ville où vingt personnes pouvaient lui reprocher l'assassinat de quelque parent ou de quelque ami.

Vers les cinq heures du soir, on a fait avancer quatre ou cinq cents hommes du 11°. et

une cinquantaine de dragons, pour forcer le peuple à se retirer. Mais cette mesure n'a servi qu'à donner une nouvelle énergie à son indignation. Il s'est rendu maître de toutes les avenues de la préfecture, et il n'a plus laissé passer une voiture sans la visiter, pour s'assurer qu'elle ne recelait le sieur N***, qui lui devenait plus odieux par les efforts qu'on faisait pour assurer le succès de sa mission. Le fils de l'ordonnateur, qui allait en voiture à l'hôtel du préfet et qu'on a pris pour lui, a failli périr victime de cette erreur; on a brisé les glaces de sa voiture, on lui a lancé des pierres, on lui a arraché les cheveux ; et s'il n'était parvenu à se faire reconnaître, c'en était sans doute fait de lui. Dans cet instant, le sieur N*** est devenu le sujet des entretiens les plus violens. On s'excitait mutuellement à la vengeance contre cet homme, par le récit de crimes atroces dont on le chargeait. On racontait qu'il avait immolé de ses propres mains une foule de femmes, d'enfans, de vieillards; que ses parens même n'avaient pas été à l'abri de ses fureurs; qu'il avait fait violence à deux

de ses cousines, dont le royalisme ne lui pa raissait pas assez pur, qu'il les avait livrées ensuite à son état-major, et qu'enfin il les avait abandonnées à ses soldats, qui, après avoir assouvi sur elle leur brutalité, les avaient égorgées par ses ordres. On ajoutait qu'il avait enterré des hommes vivans; qu'il avait fait précipiter vivante, dans un puits pro fond, une compagnie entière de républicains, qui étaient ses prisonniers. Enfin, on faisait, 'des crimes qu'on attribuaît à cet homme, le tableau le plus effroyable. Mais, tandis que le peuple exhalait ainsi dans ses récits le courroux dont il était animé contre lui, le S'. N*** s'est éloigné de la préfecture à la faveur de l'obscurité, et bientôt après il est sorti dé Rennes escorté par des dragons.

Aussitôt qu'on a été instruit de son départ, tout le monde est rentré dans l'ordre ; et depuis la tranquillité n'a point été troublée; seulement nous avons été inquiets pendant quelques jours, attendant le résultat de ses intrigues. On assurait qu'il avait donné ordre à tous ses anciens complices de se rendre à Rennes et de s'y présenter en armes. La nuit

de son départ, beaucoup de ci-devant chefs de chouans ont, comme lui, quitté nos murs, et l'on ignore si ce n'est pas pour se préparer à y rentrer en ennemis. Ce qui prouve qu'on n'est pas très-sûr de leurs dispositions, c'est que M. le commandant de la division a cru nécessaire de faire placer des détachemens de troupes sur toutes les routes. Nous n'avons cependant pas encore été attaqués; mais nous ne désespérons pas de l'être, tant nous avons de confiance dans ces preux chevaliers qui savent fort bien qu'il y aurait un bon coup faire en surprenant Rennes.

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Voilà, Messieurs, l'exposé fidèle et pour ainsi dire le procès-verbal de ce qui s'est passé dans notre ville le 10 de ce mois.

En vous priant de rendre cet événement public, nous avons la ferme confiance que les hommes les plus sages et les plus paisibles ne pourront point se décider à blâmer notre conduite, quand ils réfléchiront aux motifs impérieux qui l'ont déterminée; qu'ils plaindront le peuple de Rennes d'avoir été forcé de sortir de son état habituel de paix et de modération, et qu'ils garderont tous

leurs reproches pour le ministre inconsidéré qui nous a excités d'une manière si violente à l'insurrection et à la résistance. Vouloir faire récompenser sous nos yeux, et avec une sorte de pompe, des hommes dont les mains fument encore de notre sang! des hommes dont l'histoire même n'a pas pu parler sans indignation! des hommes qu'elle qualifie de flibustiers, de brigands, d'assassins, de voleurs de diligences des hommes dont la plupart ont subi des condamnations infamantes et sont flétris par la main du bourreau! M. le ministre a-t-il pu croire que les peuples de la Bretagne seraient assez patiens pour le souffrir? Messieurs, les chouans considérés comme chouans, sont des hommes affreux que les lois proscrivent, dont la morale. a borreur, et qui sont nos plus cruels ennemis. Vouloir les récompenser à ce titre, c'est violer la constitution qui prescrit l'oubli des crimes révolutionnaires, c'est outrager la décence publique, c'est soulever toutes les ames honnêtes; c'est, en un mot, nous mettre les armes à la main, et nous provoquer à la guerre civile. Nous serions disposés cepen

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