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IV

REVUE CRITIQUE DES ÉCRIVAINS QUI PRIRENT

PART A LA COMPOSITION DE CE VASTE RECUEIL.

Les rédacteurs de l'Encyclopédie forment toute une armée. On n'avait jamais vu, on ne reverra jamais peut-être un pareil concours de savants, d'érudits et de littérateurs, s'unissant dans la même pensée et travaillant ensemble à une œuvre commune. Ils viennent là, pour ainsi dire, de toutes les parties de la France et de l'Europe. C'est comme une conjuration de tous les esprits du siècle.

-Quelle imposante phalange d'écrivains! Les

uns se montrent déjà dans tout l'éclat de leur gloire ils sont accoutumés à tous les succès et ils règnent sur l'opinion publique. Les autres sont moins connus; il y en a même qui débutent à peine dans la carrière; mais ils vont marcher à grand pas vers la célébrité. Et à coté de ces chefs, dont le nom a retenti ou retentira bientôt partout, que d'ouvriers obscurs, mais utiles, qui méritent aussi un souvenir ! La gloire est aristocratique; elle tourne dédaigneusement le dos à la foule pour ne s'attacher qu'à quelques favoris. Mais l'histoire ne doit pas s'associer à une pareille injustice.

Le premier de tous, c'est Diderot. Il fut le principal architecte de l'édifice. On sait qu'il y consacra trente ans de sa vie sans prendre un jour de repos, sans jamais se laisser effrayer par les difficultés ou les obstacles qu'il rencontra sur sa route.

Diderot était né en 1713, et il n'avait que trente-huit ans quand il lança le premier volume de l'Encyclopédie. Son nom était déjà connu dans le monde des lettres. Sans parler des traductions par lesquelles il débuta, comme on a pu le voir, il avait publié succes

sivement ses Pensées philosophiques et sa Lettre sur les aveugles, qui laissaient déjà voir toute la hardiesse et toute l'originalité de son esprit (1).

On peut dire que la nature avait préparé Diderot au rôle difficile qu'il allait prendre en se plaçant à la tête de l'Encyclopédie. Il était doué de facultés puissantes, et le travail, un travail continu, avait ajouté encore à la puissance de ses facultés. Les besoins de la vie, qui brisent les ailes à tant d'autres, furent pour lui une force nouvelle : ils développèrent son activité et le poussèrent en avant.

C'était un esprit plein de vigueur et de sève, comme il s'en rencontre rarement dans la vie d'un peuple. Il pouvait passer pour érudit: il l'était, comme on l'était alors, c'est-àdire un peu moins qu'aujourd'hui peut-être, mais beaucoup plus que ne semblent le croire certains critiques de nos jours, qui médisent

(1) Le premier de ces ouvrages est de 1746, et le second de 1749. Diderot avait donné auparavant son Essai sur le mérite et la vertu, qu'il présenta au public comme une simple traduction d'un livre de Shaftesbury, mais qui n'eut pas le même retentissement.

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trop de l'érudition du dix-huitième siècle,
parce que nos pères savaient porter mieux
que nous cette partie de leur bagage. Du reste,
il n'accordait au passé que la place qui lui re-
vient naturellement: on peut même dire qu'à
l'exemple de ses contemporains, il lui faisait
parfois une part trop petite. Comme tous les
esprits vraiment originaux, il était ouvert
surtout du côté de l'avenir. Rien ne lui était
étranger dans les connaissances humaines: il
touchait tour à tour à la philosophie, à la
littérature et à l'art, mais c'était pour les
agrandir ou les renouveler. C'est lui qui, s'a-
dressant aux théologiens de son temps, plus
étroits encore dans leurs doctrines que ceux de
notre époque, leur jetait ce mot magnifique :
Élargissez Dieu!» Il connaissait tous les en-
thousiasmes, toutes les ivresses de l'idée, et
chose assez rare, on rencontrait chez lui, avec
ce tempérament d'artiste ou de poëte, un-
fonds d'énergie et de volonté qui l'armait
d'avance contre tous les obstacles. Son style,
vif, rapide et parfois véhément, marchait tou-
jours d'accord avec sa pensée, dont il était,
pour ainsi dire, l'enveloppe naturelle. Il ex-

cellait dans le dialogue, cette forme chère aux anciens; mais il le maniait avec une vivacité toute française. C'était de l'esprit an pas de charge. Il n'eut pas d'égal dans la conversation, cette volupté intellectuelle des peuples cultivés, et cependant c'était le siècle des causeries spirituelles: Voltaire y rivalisait avec Duclos, sans parler de quelques femmes illustres, qui prêtaient à l'esprit toutes les séductions de la grâce, et la France possédait alors Galiani. Diderot entraînait par sa parole tous ceux qui avaient le bonheur de l'entendre. Tous les tons lui étaient familiers. L'orateur, car c'était un orateur, se sentait entraîné lui même plus d'une fois, et alors c'étaient des flots d'éloquence qui coulaient de ses lèvres. La liberté, qui vint trop tard pour lui, en eût fait un tribun digne de l'antiquité.

L'idée de l'Encyclopédie appartenait surtout à Diderot. Il en donna une première esquisse dans le prospectus qu'il lança pour annoncer la publication de l'ouvrage. On l'y voit revenir plus tard, dans l'article du Dictionnaire qui a été consacré à ce mot. Diderot y trace,

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