( 133 ) Choix de Versailles pour la tenue LE Roi fixa le raffemblement des Etats-Généraux à Verfailles, & tout le monde alors approuva fa détermination. C'eft après des événemens, hors de toute attente, qu'on a demandé fi l'on n'auroit pas mieux fait de réunir les Députés des trois Ordres à une distance de Paris beaucoup plus grande. Mais, au commencement de 1789, on craignoit uniquement les difpofitions des Provinces contre les nombreux Créanciers de l'Etat, & l'on ne ceffoit de dire que l'opinion de Paris pouvoit feule servir de fauve-garde à la dette publique. Le Gouvernement témoin de ces inquiétudes devoit-il s'y montrer indifférent ? Etoit-ce d'ailleurs une chofe fimple que de transporter le fiège de l'Administration à cinquante lieues de la capitale, dans un tems où la pénurie du Trésor T Royal & les fignes alarmans d'une grande difette, exigeoient une affiftance journalière au lieu central des reffources & des gens d'affaires. Les derniers Etats-Généraux en 1614 s'étoient tenus à Paris (1). Louis XVI devoit-il montrer plus de défiance que Marie de Médicis? Le devoit-il au milieu des profufions d'amour & de reconnoiffance qui lui venoient de la part du TiersEtat? Les lettres adreffées dans ce tems là & au Monarque & à fes Miniftres témoigneroient, encore aujourd'hui, du dévouement fans bornes dont les Villes & les Communautés faifoient alors profeffion & pour le Prince & pour le Gou vernement. Je n'ai point oublié qu'à mon retour au Ministère en 1788, le Roi, perfon (1) Ce fut le féjour de Louis XI & de fon Succeffeur au château du Pleffis-les-Tours qui décida la convocation des Etats dans la ville de Tours, vers la fin du xv. fiècle. Tous les précédens, à une exception près, avoient été raffemblés à Paris. nellement offenfé de la conduite de la Nobleffe de Bretagne, croyoit devoir fortifier fon autorité de l'attachement du Tiers-Etat. Etoit-ce un fentiment fi nou veau de la part des Monarques François ? Etoit-ce le Tiers-Etat qui les avoit réduits à être, aux derniers tems de la feconde race, des Rois fans domination & de fimples Seigneurs de Soiffons, de La Fère & de Laon? Etoit-ce le Tiers-Etat qui les avoit obligés, durant trois fiècles, à partager leur Autorité avec tous les feudataires de la Couronne? Et ne devoient-ils pas à l'appui des Communes la reprise de leur Pouvoir & le rétablissement de leurs droits? Cet appui ne leur fut-il pas encore néceffaire, pour réprimer de nouvelles ufurpations, pour étouffer entièrement le germe renaissant de l'ambition des Grands, & pour éteindre une espérance dont on apperçut les derniers veftiges fous Henri IV, lorfque le Duc de Montpenfier vint de mander au Roi de rétablir, en faveur des Gouverneurs de Province l'ancienne Conftitution féodale? Louis XI ne difoitil pas fans-ceffe, qu'il préféroit l'attachement des Bourgeois à la foi douteuse des Grands; & ce Prince, qui relevoit en toute occafion le Tiers-Etat, a-t-il laiffé la réputation d'un Monarque inexpert en autorité ? Le principe de la Souveraineté du Peuple, par qui fut-il mis en avant pour la première fois ? Les monumens de l'Histoire n'en accufent pas le TiersEtat, mais les Princes Lorrains, qui vouloient donner de la puiffance au vœu de la Nation, & fe fervir de ce vœu pour commencer une nouvelle Dynastie. Enfin, nous refferrant dans les Etats-Généraux de 1614, eft-ce le Tiers-Etat qu'on y vit occupé de foutenir l'autorité fuprême de l'Eglife & de rendre au Souverain Pontife le droit de difpofer des Couronnes? Non, fans-doute, & tandis que le Clergé propofoit, adoptoit ces principes, tandis que l'Ordre de la Nobleffe avoit la foibleffe d'y adhérer tacitement, les Députés du Tiers-Etat y oppofoient une résistance inébranlable. Et voici littéralement les maximes mémorables qu'il profeffa dans cette Affemblée Nationale, la dernière de toutes avant 1789. « Que pour arrêter le cours de la per»nicieuse doctrine qui s'introduit, depuis quelques années, contre les Rois & » Puiffances Souveraines établies de Dieu, par des efprits féditieux qui ne » tendent qu'à les troubler & fubvertir, » le Roi fera fupplié de faire arrêter en » l'Affemblée de fes Etats, pour loi fon»damentale du Royaume, qu'il foit invio»lable & notoire à tous, que comme il » eft reconnu Souverain en fon Etat, ne » tenant fa Couronne que de Dieu feul, » il n'y a Puiffance en Terre, quelle qu'elle » foit, fpirituelle ou temporelle, qui ait » aucun droit fur fon Royaume, pour en » priver les Perfonnes facrées de nos |