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SECTION III.

États- Généraux jufques à la Séance
Royale du 23 Juin 1789.

AVANT l'ouverture des Etats-Généraux

une question de la plus haute importance occupoit tous les efprits. On fe demandoit de quelle manière & dans quelle forme, les trois Ordres, une fois réunis, difcuteroient & réfoudroient les affaires publiques? Un grand nombre de personnes, qui toutes cependant faifoient partie de la Nobleffe & du Clergé, foutenoient, avec fermeté, que chacun des trois Ordres devoit délibérer féparément. Elles ne s'arrêtoient point à rechercher, fi la néceffité d'un accord entre trois volontés, & entre quatre même en y joignant la fanction Royale, étoit une condition fage en Légiflation; mais elles invoquoient l'autorité des anciens usages. On conve

noit néanmoins, que, dans plufieurs circonftances, les deux premiers Ordres s'étoient réunis au troifième; mais ils l'avoient fait librement, ils l'avoient fait lorfque le nombre des Députés réunis de la Nobleffe & du Clergé étoient plus nombreux que les Députés du TiersEtat; & à parité, disoit-on, aucune réunion ne pouvoit être tolérée.

La Nation embraffoit ouvertement une opinion contraire. Elle fixoit moins, il eft vrai, son attention fur des inftitutions anciennes, interrompues par une durée de deux fiècles, que fur le présent & fur l'avenir. Elle voyoit, elle fentoit fortement que toute efpérance de reftauration feroit perdue, fi l'établiffement folide d'un ordre dans les finances & dans toutes les parties du Gouvernement, devoit dépendre d'une harmonie d'idées & de volontés, entre trois Corps rivaux délibérans féparément ; & l'on craignoit qu'à cette condition, les Etats-Généraux,

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dont la perspective avoit animé tous les efprits, ne dégénéraffent, comme tant d'autres, dans une vaine représentation. Cependant les vœux pour une action réelle, efficace & durable, étoient fi prononcés, que leur accompliffement ne pouvoit être éludé, par un refpect de tradition envers une image effacée & par une humble obéiffance à des ufages inconnus aux hommes de ce tems. L'opinion publique étoit trop preffante, trop éclairée, pour donner la liberté d'attermoyer encore avec elle.

La parité établie, entre le nombre des Députés du Tiers-Etat & le nombre des Députés des deux premiers Ordres, ne pouvoit pas être alléguée comme un obftacle à une délibération commune. On devoit dire, au contraire, que toute espèce de vote, pris à la pluralité des voix, eût été évidemment injufte, eût été fur-tout impraticable, fi, comme autrefois, les deux Ordres privilégiés

euffent eu fur le troifième une fupériorité de fuffrages.

On ne peut imaginer, que pour la prorogation ou pour la nouvelle répar tition de cinq cent millions d'impôts, la Nation Française de 1789 eût docilement reçu la loi, des deux Ordres en poffeffion de toutes fortes de privilèges. La parité de fuffrages, entre deux claffes fi divifées d'intérêts, étoit donc l'unique manière de rendre praticable une délibération commune. C'étoit à la faveur d'une difpofition fi raifonnable que tous les Députés des Affemblées Provinciales, compofées auffi de trois Ordres, traitoient ensemble des affaires publiques & le faifoient paisiblement.

C'étoit à la faveur d'une difpofition fi raisonnable que la grande Affemblée Conventionnelle du Dauphiné, s'étoit tellement attachée à une réunion dont elle venoit de faire l'épreuve, qu'elle avoit réfolu de la maintenir dans fa mif

fion représentative à l'Affemblée de la Nation. Et lorfque les Députés de cette Province parurent ensemble, le jour de l'installation des Etats-Généraux, la falle retentit d'applaudiffemens.

On avoit vu fans-doute les anciens Etats-Généraux délibérer par Ordre & former des vœux féparés; mais le motif de leur convocation, l'objet de leurs difcuffions, pouvoient-ils être mis en parallèle avec la gravité des intérêts qui avoient provoqué l'Affemblée de 1789?

Ce n'étoit pas ici Louis XI affemblant des Etats-Généraux pour reprendre l'apanage du Duc de Berry fon frère ce n'étoit pas Madame de Beaujeu & le Duc d'Orléans affemblant les Etats de Tours, fous Charles VIII, pour se disputer l'Autorité fuprême : ce n'étoit pas Louis XII affemblant des Etats-Généraux pour affurer le mariage de fa fille avec le Duc de Valois : ce n'étoient pas enfin des démêlés avec les Papes,

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