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mais il existe, et il n'est impossible à constater que parce que l'âme, quelque rapidement qu'elle y parvienne, n'y parvient jamais que par degrés insensibles.

La responsabilité humaine n'est ici nullement compromise, et le mal ne se justifie pas mieux par l'excuse mentale j'étais en extase, que par l'excuse passionnée : j'étais en fureur. Le début, le point de départ, les commencements sont toujours pleinement soumis au contrôle de la moralité, à l'action de la volonté ; c'est à chacun à prendre garde où il va.

Il est très-possible que les hommes qui ont porté le fanatisme religieux ou politique jusqu'au meurtre ne savaient plus ce qu'ils faisaient en levant le poignard pour frapper; mais ils n'en ont pas aiguisé la lame en un instant, et en l'aiguisant, ils ont su pourquoi.

De là vient que ces états de l'âme, soit les simples rêveries, soit les extases les plus intenses, différents en ce point des songes, peuvent servir, ou non, au progrès. L'activité s'y déploie dans la bonne ou la mauvaise alternative, et avance vers Dieu ou recule plus loin de lui. L'esprit en sort meilleur ou pire, et revient avec gain ou avec perte aux moyens et aux devoirs ordinaires.

On s'encourage à une bonne œuvre en se laissant aller à une délicieuse rêverie sur les joies, les consolations, les surprises qu'elle fera naître; on s'encourage à des impuretés en y rêvant; et quant à l'enthousiasme, qui ne sait combien il est utile au progrès religieux 54, combien il a fait de héros, de libérateurs, de martyrs; mais qui ne sait, hélas! qu'il a fait aussi des bourreaux et des meurtriers?

Toutes nos tendances peuvent s'élever à l'état d'extase; mais les unes y atteignent plus facilement que les autres et s'y trouvent dans un élément qui leur convient mieux. Ce sont, dans l'ordre de leur facilité extatique, la force sensible, la force affectueuse et la force religieuse.

Cette dernière est évidemment celle qui favorise le plus ce développement extrême des facultés de notre âme et qui s'y maintient le plus longtemps.

Celle de nos forces qui s'y prête le moins est l'intellisence. Quand elle réussit à se monter jusqu'à l'enthousiasme, le fruit qu'elle en recueille est la poésie; considération qui explique pourquoi les véritables poëtes sont si rares.

On conçoit en effet que l'intelligence, à qui le temps et l'espace sont nécessaires comme cadres de la pensée, comme conditions naturelles du progrès; à qui le corps est nécessaire comme instrument de relations et d'étude, et qui a l'habitude de s'occuper froidement de la mort comme d'une nécessité scientifique et physiologique, on comprend que, de toutes nos facultés, l'intelligence éprouve le plus de peine à s'élever jusqu'à l'oubli du temps et de l'espace, du corps et de la mort, et à se poser en dehors de sa situation accoutumée.

La poésie n'est donc que l'expression de l'intelligence enthousiasmée; d'où il résulte que la poésie est le langage favori de la religion.

Entre l'état de sommeil et celui de ravissement ou d'enthousiasme se présente un autre rapport curieux, la satisfaction de la tendance sensible. Comme notre âme est quelquefois heureuse en songe, elle l'est quelquefois en extase. Ceci provient de ce que l'extase est toujours prise, par celui qui la ressent, pour le progrès.

FIN DU LIVRE DEUXIÈME.

NOTES DU LIVRE II.

1. L'espace, l'étendue, la distance, n'existent pas pour Dieu. Ne suis-je Dieu que de près, dit l'Éternel; ne suis-je pas aussi bien Dieu de loin. Jér., XXIII, 23.

2. Le temps n'existe pas pour Dieu, celui qui est, qui a été, qui sera, Apo., I, 4, et pour qui, en conséquence, ces trois divisions de l'existence sont égales, également présentes, également connues, tandis que la créature ne sait ce qui arrivera le lendemain. Jac., IV, 14. Tes jours, dit Job, sont-ils comme les jours de l'homme, et tes années comme celles de l'homme mortel? Job., X, 5. La durée de la vie est devant Dieu comme un rien. Ps., XXXIX, 6. Le sens de ce verset remarquable revient à dire que la vie bornée de l'homme est comme si elle n'était pas, pour l'Être éternel. Après avoir donné à Israël cette magnifique définition de l'Être infini, Dieu est celui qui est, Ex., III, 14, il était digne de Moïse, dans l'admirable cantique qu'il a composé vers la fin de sa carrière, d'enseigner que toute longueur de temps s'anéantit en quelque sorte devant Dieu : Mille ans sont devant tes yeux comme le jour d'hier qui n'est plus ou comme une veille de la nuit. Ps. XC, 4. Cette assimilation complète de deux périodes d'une durée, pour nous, si inégale, emporte la négation du temps. La même pensée est exprimée par saint Paul, quand il dit: Dieu appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient. Rom.,'IV, 17; ainsi toutes les créations, toutes les œuvres de Dieu, successives pour nous, sont simultanées pour lui.

De là résulte que tous les textes qui renferment le mot ou l'idée

de prescience: Jésus a été livré selon le dessein déterminé et la prescience de Dieu, Act., II, 23; les fidèles sont élus selon la prescience de Dieu; 1 Pierre, I, 2; ou de prédestination: Ceux que Dieu a préconnus, il les a prédestinés à étre conformes à l'image de son Fils; Rom., VIII, 29; Dieu nous a prédestinés par un effet de sa bonté à devenir ses enfants adoptifs en Jésus-Christ; Eph., I, 5; tous les textes qui représentent la nouvelle alliance et ses grâces comme des volontés divines antérieurement arrêtées : Le Christ désigné, 1 Pierre, I, 20, et les élus choisis avant la création ou la fondation du monde, Éph., I, 4; le dessein éternel exécuté par Jésus-Christ, III, 11; le mystère caché de tout temps en Dieu et qui vient d'être révélé aux saints, Col., I, 26; la grâce donnée en Jésus-Christ avant tous les siècles, 2, Tim., I, 9; la vie éternelle promise dès les anciens jours, Tite, I, 2, toutes ces locutions placent Dieu dans le temps, ne sont que des expressions humaines appliquées à Dieu et n'ajoutent absolument rien aux mystères de la liberté (Voir le chap. xr) et de l'origine du mal (chap. x). Toutes les œuvres de Dieu lui sont connues de toute éternité. Act., XV, 18.

Avec ce grand principe, que le temps, la succession n'existe pas pour Dieu, que tout pour Dieu est simultané, sont d'accord ces belles paroles du poëte sacré qui expriment si bien l'instantanéité de la science divine: La parole n'est pas encore sur mes lèvres, que tu sais, ô Éternel, tout ce que je veux dire. Ps. CXXXIX, 4; et de la puissance divine: Il envoie sa parole sur la terre, et à l'instant elle s'accomplit. CXLVII, 15.

Ainsi, l'éternité pour l'activité divine; mais pour la notre, à chaque jour suffit sa peine. Matt., VI, 34. (Voir liv. IV, chap. XLIX, note 57.)

3. Dieu dit à l'homme : Tu mangeras librement de tous les arbres du jardin. Gen., II, 16. Ce texte est la permission de l'exploitation de la nature. Prenez garde qu'élevant vos yeux au ciel et qu'admirant le soleil, la lune, les étoiles et toute l'armée des cieux, vous ne soyez tentés de vous prosterner devant ces astres et de leur rendre un culte; c'est l'Éternel, votre Dieu, qui leur a assigné leur place, pour servir à l'usage de toutes les nations qui sont

sous le ciel. Deut., IV, 19. L'Éternel, qui a créé les cieux, qui a formé la terre, et qui l'a affermie, ne l'a point créée pour qu'elle demeurât déserte, mais il l'a mise en état d'être habitée. Esa., XLV, 18. Les cieux sont à l'Éternel, mais il a donné la terre aux enfants des hommes. Ps. CXV, 16.

Ce droit d'employer toutes choses à son usage n'est qu'un des aspects de la supériorité et de la domination de l'homme, (Voir liv. I, chap. v, note 19), et l'on sait que les Hébreux, dont la naïve astronomie se représentait la terre au centre du monde, admettaient l'idée que les astres avaient été créés pour elle. (Voir liv. IV, chap. XLVI, note 30.)

4. La révélation déclare la fixité de l'ordre actuel de notre planète. Tant que la terre sera, les semailles et les moissons, le froid et le chaud, l'été et l'hiver, le jour et la nuit ne cesseront point. Gen., VIII, 22. Dieu a tracé au compas dans les cieux les bornes des retours réguliers du jour et de la nuit. Job., XXVI, 10. La terre ne sera jamais ébranlée. Ps. CIV, 5.

5. Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. Gen., I, 1: création primordiale de l'univers. La terre, notre globe, était informe, c'est-à-dire, sans corps organisés, et déserte, c'est-à-dire sans êtres animés: chaos ou époque intermédiaire. Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut! Gen., I, 30: nouvel ordre de choses qui recommence, et qui arrange notre planète pour une nouvelle phase de progrès. Les époques géologiques se succèdent, et l'époque humaine est la dernière; l'homme est le dernier venu des créatures de Dieu sur la terre, et il est essentiel de remarquer que Moïse n'assigne nulle part l'âge du globe.

6. L'Éternel Dieu planta un jardin en Eden, vers l'Orient, et y plaça l'homme qu'il avait créé. Gen., II, 8. Aussi, l'on nommait Jardin de l'Éternel un pays fertile et délicieux, XIII, 10, image que les prophètes ont continué à employer, Esa., LI. 3; Joël., II, 3; Ezé., XXXVI, 35, et dont Ézéchiel même se sert pour donner l'idée des splendeurs et des délices de Tyr. XXVIII, 13. De là, le mot paradis, dont l'étymologie est douteuse, mais dont le sens est certain; il signifie jardin, et devint l'expression populaire employée

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