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Se promenant dans le parc de la Malmaison, il revenait toujours à ses premiers exploits. « Le soleil qui nous éclaire, disait-il à son secrétaire, est celui qui nous éclairait à Lodi, qui luisait sur Arcole. Je compte sur Masséna; il tiendra dans Gênes. Mais, si la faim le fait succomber je reprendrai Gêne, dans les plaines de la Scrivia. Oh! avec quel plaisir, alors, je reverrai ma belle France! >

Les généraux aussi s'empressaient d'accourir. Plus de soixante, disent les mémoires du temps, étaient réunis au petit hôtel de la rue Chantereine, le matin de brumaire, avant de monter à Saint-Cloud. Ses compagnons d'armes durant ses campagnes d'Italie étaient là, et ceux qu'il avait ramenés d'Egypte, et quelques autres encore de l'armée de Moreau, comme Lefebvre, gagnés par le prestige de ce jeune chef d'armée dont ils espéraient de nouvelles victoires. Toute cette cohorte le suivit, avec enthousiasme, jusqu'au seuil de l'assemblée des Cinq-Cents. Il s'était mis à leur tête, les fascinant du regard, les dominant de son verbe aigu et métallique. Devant lui, ils se taisaient; les plus hardis, les plus indépendants. Partout il imposait le respect1.

ses, qui l'eussent attiré dans les déserts qui auraient enseveli son armée. En insistant sur la prise de Tyr, il assurait ses communications avec la Grèce, ce pays qu'il aimait tant, pour lequel il faisait tout, comme moi pour la France, et dans la gloire duquel il mettait la sienne; et en s'emparant de la riche province d'Égypte, si puissante à cette époque, il forçait Darius à venir la défendre, et la délivrer, et à faire la moitié du chemin pour marcher à lui. Il frappa, utilement pour ses desseins, l'esprit toujours exalté des Orientaux, en se faisant reconnaître pour fils de Jupiter. On sait combien cela l'a servi. Aussi, mort à trente-trois ans, quel nom il a laissé ! »>

1. Las Cases (Mémorial, chap. Ier) rapporte cette confidence de Decrès, ministre de la marine. « Decrès, écrit-il, m'a souvent répété que ce fut à Toulon qu'il apprit la nomination de Bonaparte au commandement de l'armée d'Italie. Il l'avait beaucoup connu à Paris; il se trouvait en toute familiarité avec lui. « Aussi, quand nous apprîmes, disait-il, que le nouveau général va traverser la ville, je m'offre aussitôt à tous les camarades pour les présenter, en me faisant valoir de mes liaisons. Je cours, plein d'empressement, de joie. Le salon s'ouvre; je vais m'élancer, quand l'attitude,

En Égypte, il avait su réprimer tout de suite les velléités de révolte chez ceux qui, désabusés, regrettaient leur éloignement de la patrie, chez Lannes et Murat qui, emportés de colère, à l'entrée du désert, avaient foulé aux pieds leur chapeau sur le sable devant les soldats. D'autres généraux avaient comploté de ramener les drapeaux à Alexandrie et de repartir. Leur mauvaise humeur et leur fronde se manifestaient si ouvertement, qu'un jour Bonaparte intervint dans leur groupe et de sa voix impérieuse, s'adressant au plus excité : « Que dites-vous? Prenez garde! Sachez bien que vos cinq pieds six pouces ne vous empêcheraient pas d'être fusillé avant deux heures 1. » Ce fut assez; les murmures s'apaisèrent. D'ailleurs, si ce n'est Hoche qui avait

le regard, le son de voix suffisent pour m'arrêter. Il n'y avait, pourtant, en lui, rien d'injurieux; mais c'en fut assez. A partir de là, je n'ai jamais tenté de franchir la distance qui m'avait été imposée. »

Marmont, en ses Mémoires (T. I, p. 296) juge ainsi Bonaparte chef d'armée : « Dès l'instant même où Bonaparte arriva à la tête de l'armée, il eut, dans sa personne, une autorité qui imposa à tout le monde. Quoiqu'il manquât d'une certaine dignité naturelle et qu'il fût même gauche dans son maintien et ses gestes, il y avait du maître dans son attitude, dans son regard, dans sa manière de parler, et chacun le sentant se trouvait disposé à obéir. En public, il ne négligeait rien pour maintenir cette disposition, pour l'augmenter et l'accroître, mais dans l'intérieur avec son État-major, il y avait, de sa part, une grande aisance, une bonhomie allant jusqu'à une douce familiarité. Il aimait à plaisanter, et ses plaisanteries n'avaient jamais rien d'amer. Elles étaient gaies et de bon goût. Il lui arrivait souvent de se mêler à nos jeux, et son exemple a plus d'une fois entraîné les graves plénipotentiaires autrichiens à en faire partie. Son travail était facile. Ses heures n'étaient pas réglées; et il était toujours abordable, au milieu du repas. Mais, une fois retiré en son cabinet, tout accès, non motivé par le service, était interdit. Quand il s'occupait du mouvement des troupes, et donnait des ordres à Berthier, son chef d'État-major, comme lorsqu'il rece vait des rapports importants pouvant motiver un long examen et des discussions, il gardait seulement près de lui ceux qui devaient y prendre part et renvoyait toutes les autres personnes, quel que fùt leur grade.

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«Sa jeunesse, écrit Stendhal, établit un singulier usage à l'armée d'Italie. Après chaque bataille, les plus braves soldats se réunissaient en conseil, et donnaient un nouveau grade, à leur jeune général. Quand il rentrait au camp, il était reçu par les vieilles moustaches qui le saluaient de son nouveau titre. Il fut fait caporal à Lodi. De là, le surnom de « Petit Caporal » resté longtemps à Napoléon parmi les soldats. >>

1. Mémorial. Chap. Ier, p. 167.

donné jadis le scandale de ses mauvaises mœurs, les jeunes officiers de cette époque brillaient par leur patriotisme et leurs vertus ; et Marceau, et Desaix, et Duphot, et Joubert, qui venait de périr à Novi (1799), tous avec le plus grand courage s'étaient soumis aux exigences de la guerre 1.

1. Mémorial. Chap. VIII, p. 292. Voici ce que Bonaparte disait de Joubert: « Joubert avait une haute vénération pour moi. A chaque revers éprouvé par la République, durant l'expédition d'Égypte, il déplorait mon absence. Se trouvant, en cet instant, chef de l'armée d'Italie, m'avait pris pour modèle, aspirant à me recommencer, et ne prétendant à rien moins qu'à tenter ce que j'avais exécuté depuis en brumaire. Seulement il eût agi avec les Jacobins. Les mesures et les intrigues de ce parti, pour le mettre sur la voie de cette grande entreprise, l'avaient porté au commandement en Italie, après les désastres de Schérer, de ce Schérer, dilapidateur, ignorant, digne de tous les blâmes. Mais Joubert fut tué à Novi, dans son premier choc contre Souvarow. Il n'eût exécuté à Paris qu'une échauffourée. Il n'avait point encore assez de gloire, de consistance et de maturité. Il était de nature à acquérir tout cela. Mais, en cet instant, il n'était pas assez fait. Il était trop jeune encore, et cette entreprise était, pour le moment, au-dessus de ses forces. »

Las Cases ajoute encore, d'après l'exilé de Sainte-Hélène : Joubert, né au département de l'Ain, dans l'ancienne Bresse, avait étudié pour le barreau. La Révolution lui fit prendre les armes. Il servit à l'armée d'Italie et y fut fait général de brigade. Il était grand, maigre, semblait naturellement d'une faible complexion, mais il l'avait mise à l'épreuve des grandes fatigues, dans les Alpes, et s'y était endurci.Il était intrépide, vigilant, fort actif, marchant à la tête des colonnes. Il fut fait général de division pour remplacer Vaubois, dont il prit le corps d'armée. » Fouché, parlant de sa mort à Novi, insinue qu'elle ne fut point due à une balle ennemie, mais à une balle tirée par un chasseur corse, d'une cassine isolée. A la lecture de ce passage des Mémoires de Fouché, on pourrait croire que cette mort fut un assassinat dont la perpétration était imposée par Bonaparte.

La duchesse d'Abrantès, en ses Mémoires (T. II, p. 74), fait de la manière suivante le tableau de la douleur universelle qui suivit la mort de Joubert. « Il faut avoir vu, dit-elle, l'effet que produisit la nouvelle de la mort de Joubert, lorsqu'elle arriva à Paris, pour en parler. Ce fut une de ces impressions qui jamais ne s'effacent.Et le jour où le Directoire, qui l'honorait alors, parce qu'il ne le craignait plus, lui rendit les honneurs funèbres au Champ-de-Mars, qui de nous a oublié le caractère sacré que le regret unanime imprima à cette cérémonie ? Presque toutes les femmes étaient en deuil; et lorsque le buste de Joubert, couronné de cyprès et entouré d'une écharpe de crêpe noir, fut posé sur l'autel de la patrie par le président du Directoire, il est impossible que ceux qui ont été présents, comme moi, à cette pompe funèbre, toute différente des autres cérémonies de ce genre, aient pu oublier le bruit très distinct des sanglots mêlés aux acclamations du peuple. Ce fut Garat qui prononça l'oraison funèbre de Joubert. Il y avait de belles choses, sans doute, mais une foule de mots, non seulement hors d'œuvre, mais inconvenants, quoique certes ce ne fût pas l'intention de

l'auteur. »

Aussi bien, n'eût-il pas voulu entreprendre une nouvelle campagne pour reconquérir l'Italie perdue, qu'il aurait été forcé de s'y résigner, à cause de ses lieutenants, ces jeunes ambitieux, dévorés d'ardeur, impatients de gloire et d'honneurs. Les plus intelligents, les plus audacieux, l'entouraient et lui demandaient de nouveaux combats. Augereau, qui ne s'était pas associé au coup d'État de brumaire, revenait le lendemain à résipiscence et sollicitait une faveur du premier Consul, quoiqu'il le jalousât, quoiqu'il le détestat. Les seuls qui boudèrent furent ceux que l'on appelait les « spartiates du Rhin », d'après Ségur, ceux qui avaient fait partie de l'armée de Moreau, comme Lecourbe et Delmas.

Alors il se mit à l'œuvre. Il lui fallait des munitions, des habits, des chevaux. Rien ne lui fut refusé. Pour remonter la cavalerie dont les escadrons n'existaient plus que par les cadres, on requit le vingtième, puis le trentième cheval, dit Rovigo, et tous furent livrés sans délai, avec une exactitude inspirée par le patriotisme, parce qu'on avait confiance en lui. Des fourrages furent achetés et emmagasinés, afin que les bêtes, comme naguère, ne fussent plus nourries au jour le jour. Il savait, enfin, que 80.000 hommes étaient occupés à la guerre de Vendée et y restaient pour maintenir l'ordre dans les provinces révoltées. Il offrit la paix aux chefs rebelles, qui cédèrent à ses avances, si ce n'est Georges et Frotté. Et cette armée imposante devint disponible, grâce à ses paroles de conciliation et de sagesse. Son but était d'éteindre les divisions entre Français, afin de reporter contre l'ennemi les forces vives de la patrie. Il y réussit.

A ses soldats, il revenait sans cesse. Après Brumaire, il fait récompenser, par Joséphine, le grena

dier Thomé, qui l'a sauvé, dit-il, des poignards tournés contre lui, dans la salle des Cinq-Cents; il revendique les locaux occupés à Versailles par une foule d'intrus, afin d'y installer les vieux guerriers infirmes; il visite le palais de Mars', appelle à lui les plus âgés des invalides, les interroge et les réconforte de bonnes paroles, en attendant que, quelques mois après, aux jours complémentaires de l'an VIII, il organisât, en grande pompe, au milieu de ces braves, la translation des ossements de Turenne dont la gloire sera célébrée par un discours de Carnot. Là, tous les drapeaux enlevés à l'ennemi, en Égypte, sont suspendus aux murailles, et devant ces témoignages du courage des soldats, Carnot pourra évoquer le génie militaire, qui soutient les måles vertus des armées.

Vos yeux, dira Carnot 3, sont fixés sur les restes du grand Turenne. Voilà le corps de ce guerrier si cher à tout Français, à tout ami de la gloire et de l'humanité. Voilà celui dont le nom seul ne

1. Nom que portaient alors les Invalides. Bonaparte nommait ce palais l'Élysée des braves.

2. Bourrienne, Mémoires, t. II. « Avant de partir pour le congrès de Rastadt, Bonaparte envoya Joubert porter au Directoire le drapeau de l'armée d'Italie. On lisait sur une des faces du drapeau : « A l'armée d'Italie, la patrie reconnaissante. >> Sur l'autre côté, on voyait une énumération des combats livrés, des places prises et l'on remarquait surtout les inscriptions suivantes, abrégé simple et magnifique de l'histoire de la campagne d'Italie: 150,000 prisonniers; 170 drapeaux; 550 pièces de canon, 600 pièces de campagne; 5 équipages de pont; 9 vaisseaux de 64 canons; 12 frégates de 32; 12 corvettes; 18 galères; armistice avec le roi de Sardaigne; convention avec Gênes; armistice avec le duc de Parme; armistice avec le roi de Naples; armistice avec le Pape; préliminaires de Léoben; convention de Montebello avec la république de Gênes; traité de paix avec l'empereur à Campo-Formio; donné la liberté aux peuples de Bologne, Ferrare, Modène, Massa-Carrara, de la Romagne, de la Lombardie, de Brescia, de Bergame, de Mantoue, de Crémone, d'une partie du Veronnais, de Chiavenna, Bormio et de la Valteline; aux peuples de Gênes, aux fiefs impériaux, aux peuples des départements de Corcyre, de la mer Egée et d'Ithaque. Envoyé à Paris tous les chefs-d'œuvre de Michel-Ange, du Guerchin, du Titien, de Paul Véronèse, le Corrège, Albano, des Carrache, Raphaël et Léonard de Vinci. » 3. Moniteur, 1er vendémiaire, an IX.

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