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pas assez connu ; il contient toutes les notions nécessaires à l'étude du gouvernement d'une grande nation. En le lisant, on est convaincu que l'auteur avait toute l'étendue d'esprit qui doit caractériser le législateur. Frédéricle-Grand avait cessé de vivre: son âme et son génie n'étaient point passés avec sa couronne au prince qui lui succédait : Mirabeau adresse au nouveau roi (*), le jour de son avénement au trône, des conseils qui, en lui rappelant les droits de son peuple, lui disent comment il pourra le rendre heureux. Mais bientôt ce prince est jugé ainsi que ceux qui l'environnent, et le système d'administration qu'il va suivre est connu de la cour de France.

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Mirabeau avait rempli sa mission, lorsqu'il apprend qu'une assemblée des notables vient d'être convoquée à Versailles cette nouvelle lui rappelle qu'il se doit à sa patrie; il prévoit déjà que cette convocation sera suivie d'une assemblée nationale; il y voit un nouvel ordre de choses qui peut régénérer la monarchie. » Je me croi>> rais mille fois honoré, écrit-il à M. de Calonne, le » 13 janvier 1787, d'être le secrétaire de cette assem» blée, dont j'ai eu le bonheur de donner l'idée....... » Mais rester ici condamné au supplice des bêtes, à sonder » et remuer les sinuosités fangeuses d'une administration >> qui signala chacune de ses journées par un nouveau trait » de pusillanimité et d'impéritie, c'est ce dont je n'ai plus la » force, parce que cela ne me paraît bon en rien faites» moi donc revenir (**). » Il ne resta que trois jours à Berlin après l'envoi de cette lettre à M. de Calonne; le 19 février 1787, il prit le chemin de Paris, où il signala son arrivée par de nouveaux écrits. Sa Dénonciation de l'Agiotage parut, et son courage à flétrir ce qu'il considérait comme

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(*) Lettre remise à Frédéric Guillaume II, roi régnant de Prusse, broch. in-8°.

(**) Histoire secrète de la cour de Berlin, tome 11, page 350.

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la cause de la ruine de nos finances lui valut une lettre de cachet. Il fut assez heureux pour se soustraire à cette nouvelle persécution, qui, loin de l'abattre, sembla redoubler ses forces; et il fit paraître la Suite de la Dénonciation de l'Agiotage. Mais son âme se montra tout entière dans son Adresse aux Bataves: la conduite du successeur du grand Frédéric prouvait déjà que Mirabeau, pendant son séjour à la cour de Berlin, ne s'était pas trompé sur le système qu'elle allait suivre; la Hollande avait vu les soldats du roi de Prusse accourir pour étouffer ses généreux efforts contre les usurpations du stathoudérat. A la terreur dont une invasion avait frappé l'âme des Hollandais, Mirabeau oppose son éloquence. Il s'efforce de réveiller en eux la haine de la tyrannie, et leur ancien enthousiasme pour la liberté. Il leur montre de tous les temps le stathoudérat ennemi des lois de l'état, d'une main imposant silence aux droits du peuple, et de l'autre appelant les armes de l'étranger au secours de ses oppressions; quelquefois allant remuer par ses agens les passions de la plus vile populace, afin de les armer contre les amis de la liberté, qui succombèrent trop souvent au milieu de ces émeutes populaires, excitées par le despotisme : ainsi périt de Witt, l'éternel honneur de la Hollande. Quelquefois, il montre le stathoudérat plus dangereux encore, s'efforçant, pour mieux établir un pouvoir usurpé, d'altérer le caractère national et d'introduire la corruption dans les mœurs. Mirabeau rappelle aussi aux Bataves les vertus de leurs ancêtres, leur amour pour la liberté, leurs magnanimes efforts pour protéger leurs lois contre toute atteinte, la gloire qui toujours couronna leur courageuse résistance: pacificateurs de l'Europe, arbitres des rois, maîtres de la victoire, l'humanité même se réjouissait de leurs succès. Il termine cette éloquente adresse en offrant aux peuples de la Hollande le tableau des droits qu'ils doivent s'efforcer de conquérir, et qui, scellés du

sang de leurs ancêtres, sont la base éternelle de toute bonne association politique. C'est ainsi qu'il se vengeait d'un peuple malheureux qui lui avait refusé l'hospitalité, ou qui du moins l'avait livré sans défense aux agens d'une police étrangère.

Cependant, au sein de sa patrie, presqu'aux portes de la capitale, sous l'inspection immédiate de l'autorité, l'humanité recevait des outrages que l'on semblait voir sans indignation Mirabeau dénonce le régime intérieur de la maison de Bicêtre (*), à la fois hôpital et prison : il dévoile ces cachots affreux où le jour ne pénétra jamais, et qui, à vingt pieds sous terre, renfermaient des malheureux condamnés à attendre, dans une longue agonie, que la mort vint les délivrer de leurs souffrances : il dénonce cette salle commune où, tous les âges étant confondus, les excès les plus infâmes se commettaient presque sous les yeux du public; où des enfans, dont la police voulait punir quelques imprudences, allaient puiser tous les vices et toutes les corruptions. A côté de ce spectacle hideux, Mirabeau parle le premier à la France d'un projet sur la manière de punir les criminels, qui déjà couronné de l'estime publique en Angleterre, avait même été adopté par le corps-législatif. » Ce projet, dit-il, réunit le >> double avantage d'un établissement de charité et d'une » institution pénale dirigée vers le but le plus important du » châtiment, que presque toutes les lois ont négligé, savoir » la réforme du criminel. Il fait espérer de dompter les ca>>>ractères les plus intraitables et les âmes les plus féroces » par une détention solitaire et un travail continuel; ce se» rait en outre une espèce d'asile pour ceux que le vice d'une >> mauvaise éducation, des liaisons pernicieuses, le désespoir » ou l'indigence auraient seuls rendus coupables. » On voit que l'auteur veut parler de ces maisons de pénitence dont

(*) Observations sur la Maison de Bicêtre et sur l'Influence des lois pénales, brochure in-8°.

Bentham a offert le plan, et dont l'idée a été si bien comprise et réalisée à Philadelphie, où, respectant l'humanité jusque dans ceux-là mêmes qui en ont méconnu les lois, et n'arrachant à la société les hommes qui l'avaient outragée que pour les lui rendre meilleurs et capables de la servir, on a donné aux prisons le nom de maisons d'amélioration (bettering houses). Après avoir exposé ce que devaient être les maisons de détention, Mirabeau expose dans le même ouvrage sur quelles bases doivent reposer les lois pénales. Quoique l'Angleterre ne fût point affligée alors des vices de ces procédures criminelles qui, chez d'autres nations, torturent les citoyens, et qui, par leur lenteur, frappent d'avance les accusés d'une peine sans condamnation; quoique l'institution du jury fût chez eux une garantie de plus en faveur de la véritable justice, qui ne s'accorde jamais avec l'inhumanité, leur législation pénale renfermait des vices qui étaient autant d'outrages pour la liberté civile (*). Mirabeau attaque cette multiplicité de lois qui ne semblent introduites que pour tendre au citoyen des piéges qu'il ne peut ni apercevoir ni éviter ; quelques-unes de ces lois, nées dans des temps de troubles et d'orages, fruit des besoins du moment et des caprices du législateur, dormaient, selon l'expression de Bacon, oubliées des citoyens, mais pouvaient, dans des temps malheureux, s'éveiller pour les opprimer. Les Observations sur Bicêtre et sur l'Influence des lois pénales, présentent les véritables bases sur lesquelles doit reposer toute législation criminelle. Cet ouvrage est la production d'un homme profondément sensible, et dont une pénible expérience de la plupart des maux qu'il dénonce à la censure publique avait redoublé l'énergie il peut aujourd'hui même être utile aux hom

(*) C'est de la bonté des lois criminelles que dépend principalement la liberté des citoyens. (MONTESQUIEU, Esprit des lois.)

mes; car les vices qu'il signale dans les lois anglaises sont encore tout vivans dans le code qui nous régit; tandis que les fautes qui accompagnèrent la jeunesse de l'auteur ne retombèrent que sur lui seul, et s'évanouirent avec l'effervescence de l'âge. Des passions haineuses déchaînées sur le tombeau d'un homme célèbre ne voudraient laisser vivre de lui que le souvenir de ses égaremens; l'homme juste accorde quelque respect à sa mémoire, si pendant sa vie il fut attentif aux besoins de l'humanité, et s'il consacra ses talens à faire haïr des abus qui trop longtemps vieillirent sur sa patrie.

Comme écrivain, Mirabeau était déjà homme public; ses relations avec plusieurs savans étrangers, ses ouvrages, dont les principes élevés méritaient de devenir la propriété de toutes les nations, peut-être aussi la singularité des événemens au milieu desquels s'était écoulée sa jounesse, avaient contribué à lui donner une grande célé- ̧ brité, lorsque la révolution française éclata et vint donner à son nom une importance nouvelle : il en embrassa les principes avec transport.

Régner, c'est protéger les droits de l'homme, a dit La Béotie. Si ce mot est exactement vrai, combien peu de princes ont véritablement régné sur la France! Des violations multipliées du droit de propriété par l'établissement arbitraire d'impôts onéreux qui n'atteignaient jamais la partie la plus opulente de la nation; l'intolérance religieuse se déchaînant avec toutes ses fureurs contre des milliers de citoyens dont tant de fois elle répandit le sang; la liberté civile outragée chaque jour par des exils sans condamnation, par des emprisonnemens arbitraires, rendus plus odieux encore par le régime qui s'était introduit dans les prisons; la pensée rendue esclave par la censure des écrits, cette auxiliaire de toutes les oppressions: tel était le code ministériel, quelquefois sous des princes doux et humains, mais rendus étrangers aux maux

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