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(self-respect), l'Islam semble avoir aussi aidé à développer le sens moral proprement dit. L'étroite union entre la morale et la religion qui pratiquement ne font qu'un dans le Coran, présente assurément une grande supériorité sur l'Hindouisme pour qui la morale ne vient guère qu'au second plan. Le code éthique si net, si précis, si peu complexe, et en même temps si large de Mahomet, s'imposait facilement à l'instinct moral de l'Hindou à la recherche d'une règle de conduite demandée en vain au Vichnouisme ou au Sivaïsme. L'idée si grande que le Musulman se fait du suprême domaine de Dieu sur sa créature et qui est à la base de l'esprit foncièrement religieux des Mahométans n'est pas un mince mérite. Bien que l'idéal de perfection soit loin d'être élevé, il a du moins l'avantage de ne pas imposer le veuvage forcé qui atteint plus d'un sixième (1) de la population féminine d'une manière compromettante pour leur vertu, et pousse souvent ses victimes à l'infanticide; il ne sanctionnait pas la prostitution dans les temples, ou bien encore par l'exemple scabreux des dieux et des déesses du panthéon hindou ne poussait pas aux plus honteux excès. Certes c'était une ascension appréciable pour le Bengali que d'être arraché au culte. infâme du « Sakti » que W. W. Hunter et les auteurs les plus récents (2) affirment n'être que trop répandu dans le delta du Gange et dans le Nord. L'Islam en cela semble avoir fait une œuvre salutaire de préservation. La polygamie et le divorce qu'il a en commun avec le paganisme sont un mal bien moindre que les excès du Vallabhisme, du Kulinisme (3) et des cultes érotiques de Bâdhâ et de Krishna. Evidemment, il serait imprudent de conclure à la moralité de ses adhérents de la moralité plus ou moins grande de son

(1) Cf. H. H. Risley. The People of India, p. 237. (2) V. g. dans l'IMPERIAL GAZETTEER, v. I, p. 427. (3) Risley, o. c. Appendice sur le Kulinisme.

code, pas plus qu'on ne voudrait conclure à l'immoralité générale des Hindous de l'immoralité flagrante de leur mythologie. Mais le fait d'avoir devant les yeux un idéal plus élevé est une sauvegarde qui n'est pas à dédaigner. Qu'en contravention avec les prescriptions du Coran, le Musulman s'adonne à la boisson, à l'opium, au hachisch tout comme son compatriote idolâtre, il n'y a là rien qui puisse surprendre. Encore a-t-il l'avantage sur lui, d'avoir une norme de conduite avec laquelle il ne peut s'empêcher de se voir tôt au tard en contradiction. Une telle constatation ne peut se faire qu'au détriment du vice et au profit de la morale.

Du reste, en relevant le niveau social des millions d'ilotes qui grouillaient à la base de la société hindoue, l'Islam lui a également rendu un service signalé. C'est précisément dans ce milieu avili et méprisé qu'il est allé chercher la grande majorité de ses adeptes. Il a fait au cours des siècles, ce que des observateurs lui voient faire aujourd'hui. Comme M. Logan, l'auteur du Gazetteer de Malabar le remarque (1): « La conversion à l'Islam a eu comme effet principal de délivrer la caste des esclaves de leurs fardeaux séculaires. En se convertissant, un Chéruman monte dans l'échelle. sociale, et si par suite de changement il est tracassé ou battu, l'influence de toute la communauté mahométane vient à son aide. » M. Thurston, chef du bureau ethnographique de Madras, après avoir cité M. Logan, ajoute « Ceci s'applique aux Nayadis dont plusieurs ont échappé à leur situation dégradée en se conver

(1) « Conversion to Muhammedanism has had a marked effect in freeing the slave caste in Malabar from their former burthens. By conversion a Cheruman obtains a distinct rise in the social scale and if he is in consequant bullied or beaten the influence of the whole Muhammedan community comes to his aid. »...

« The same applies to the Nayadis of whom some have escaped from their degraded position by conversion to Islam » (E. Thurston, Castes and Tribes Southern India, v. IV, p. 459, Madras).

tissant. » Ce processus semble s'être répété dans les diverses contrées de l'Inde. Ainsi « dans le Sud des castes entières ont embrassé l'Islam parce que l'accès des pagodes leur était interdit par la caste supérieure (1).» Dès les premiers jours de la conquête musulmane, la division des castes avait frappé l'esprit des envahisseurs, comme diametralement opposée au démocratisme intense du Prophète. « Nous autres Musulmans, écrivait alors à ce propos Alberuni, nous sommes à l'autre pôle, nous considérons tous les hommes comme égaux. Malgré les compromis inévitables (2) qui devaient résulter d'un long contact avec une civilisation imprégnée de l'esprit des castes, l'Islam a contribué pour une bonne part à améliorer le sort de millions d'êtres voués à une dégradation irrémédiable. Grâce à lui, le paria dont la présence pollue à vingt pas et qui doit se couvrir la bouche, de peur que son haleine ne souille l'air respiré par la caste sainte, s'est vu restitué à la dignité d'homme. Il s'est senti entrer, pour ainsi dire, dans la famille de ses maîtres et conquérants; il a pu désormais braver les anathèmes de ceux qui jadis pouvaient le tuer impunément comme un animal immonde.

En montant ainsi à un niveau social plus élevé, la classe inférieure a vu pareillement son sort matériel s'améliorer sensiblement. Ici encore, la « Weltanschauung» de l'Islam l'y préparait mieux que l'idéal hindou. L'Imperial Gazetteer of India fait très bien ressortir sa supériorité à cet égard : « C'est à l'action énergique, dit-il, que vise son idéal plus qu'à la contemplation; l'homme ne disposant que d'une seule vie doit en tirer tout le parti possible; à son esprit pratique

(1) Cf. Risley, o. c., p. 237.

(2) On retrouve en effet dans bien des communautés musulmanes de l'Inde la division en castes, mais pas poussée à l'excès comme chez les païens (cf. Imperial Gazetteer, II, p. 328).

la série des transmigrations est parfaitement étrangère, comme aussi le Karma et cette fatigue de vivre qui déprime tellement l'esprit hindou. Au rêve d'absorption en quelque imaginaire Weltgeist, il substitue le bonheur concret d'un paradis fait de jouissances bien dans le goût d'un Oriental (1). De là ce contraste frappant entre l'indolence du paysan hindou et l'énergie relative de son confrère musulman. Dans le delta Gangétique, le long des lagunes du Malabar ou sur la côte du Coromandel, la constatation est la même. Thurston, op. c., p. 483, dit des Moplahs, convertis hindous « qu'ils exercent le commerce et la culture avec succès et prospérité » et il ajoute : « beaucoup parmi eux sont marchands et font d'excellentes affaires, étant plus audacieux et plus forts en spéculation que les Hindous du district. La masse des petits négociants et des petits boutiquiers du Malabar est Moplah. » Dans son article sur les Lubbais de la côte orientale, eux aussi Hindous convertis à l'Islam, il les décrit comme « étant des hommes de savoir-faire, industrieux et entreprenants, marins intrépides et commerçants experts... une bonne et forte race faite pour réussir. » Et il fait le même éloge des Lubbais du North-Arcat et du Maïssour.

Je pourrais citer encore d'autres exemples: les Bohras «< ou commerçants de l'Inde Occidentale, pour la plupart adeptes venus de l'Hindouisme. » Les Khojas ou << honorables convertis, marchands actifs sur la côte occidentale de la Péninsule et en Afrique Orientale. » Mais il n'est pas nécessaire d'insister davantage sur ce point. L'élément musulman a certainement été un fac

(1) Its idea is strenuous action rather than contemplation; it allots man a single life and bids him make the best of it; its practical spirit knows nothing of a series of transmigration, of Karma, of weariness of existence which weighs upon the Hindu mind. For the dream of absorption into an impersonal Wellgerst it substitutes a very personal Paradise made up of joys such as all Orientals understand. » V. 1, p. 328.

teur économique important. Le préjugé brahmanique qui défend aux Hindous de traverser « l'eau noire » la mer, a livré le commerce maritime aux mains des Arabes, des Perses et de leurs convertis. Au moyen âge, c'est par leur entremise que les épices, les étoffes précieuses, les pierreries arrivaient soit par la voie de la Mer Rouge et l'Egypte, soit par celle du Golfe Persique et de l'Asie-Mineure, sur les navires vénitiens. L'avènement des Portugais et des puissances occidentales leur enleva ce monopole, mais n'arrêta pas cependant toute leur activité commerciale. Les exemples donnés plus haut le prouvent.

Résultant de ces relations avec l'étranger, un nouvel élément artistique très appréciable peut se discerner surtout dans le domaine de l'architecture. L'Hindouisme n'a rien produit de comparable aux monuments musulmans palais, mausolées ou mosquées, qu'on trouve dans toutes les régions de l'Inde (1). L'époque mongole est particulièrement remarquable : les palais d'Agra et de Delhi, leTaj Mahal, le plus riche joyau architectural de l'Inde, la Moti Masjid (mosquée) d'Agra, la Jâmi Masjid de Delhi, les résidences royales et les mosquées de Bijapour, d'Ahmanadab et de Gulbarga dépassent en splendeur l'art hindou le plus parfait. C'est le triomphe de l'idée monothéistique sur l'inspiration pantheistique et polythéistique. L'admiration, parfois naïve, qui vit encore dans les pages des anciens voyageurs du xvro et du xvII° siècle, témoins de ces merveilles féeriques de marbre et de granit, ne semble pas exagérée aux visiteurs modernes de ces ruines grandioses. Pour toucher comme du doigt la différence entre ces deux arts, il suffit de comparer Delhi et Bénarés, ou mieux, le temple célèbre de Rameswaram à Ramnad. Du reste, les pagodes modernes n'ont pu s'empêcher d'emprun

(1) Cf. Archeological Sketch Map, n° 26 de l'Atlas de l'I. G. of India.

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