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LA PERCEPTION DU MONDE EXTÉRIEUR (1)

(Suite)

SECONDE PARTIE

ÉVIDENCE MÉDIATE DE L'EXISTENCE DU MONDE EXTÉRIEUR

L'existence de réalités corporelles formellement étendues est, de l'aveu de tous, l'objet d'une de nos certitudes naturelles. L'idéaliste le plus intransigeant éprouve comme tout le monde un penchant irrésistible à s'attribuer un corps réel, occupant dans l'espace un volume déterminé, ayant des relations avec d'autres corps, etc. Beaucoup de philosophes contemporains estiment pourtant que la doctrine idéaliste s'impose logiquement, et certains éprouvent même quelque peine à comprendre qu'il puisse y avoir des esprits assez bornés pour croire encore avec le vulgaire à la réalité. extrasubjective de l'étendue formelle. Kant n'a-t-il pas démontré une fois pour toutes la subjectivité de la forme d'espace, tout comme les psychophysiologistes ont établi la subjectivité des qualités secondaires formelles?

Sans se laisser trop émouvoir par ces condamnations dédaigneuses, d'autres restent pourtant fidèles au réalisme. Ils ne rougissent nullement d'admettre encore avec le sens commun la réalité d'un monde extérieur

(1) Voir REVUE DES QUEST. SCIENT., 3e série, t. XXIII, livr. du 20 avril 1913, pp. 540-567.

formellement étendu. Un retour de la mode en faveur du réalisme ne leur semble même pas tout à fait improbable. Qui sait? Le moment n'est peut-être pas si éloigné où l'idéalisme Kantien paraîtra horriblement vieux-jeu. L'histoire de la pensée philosophique habitue à ces vicissitudes!!

Quoi qu'il en soit, les réalistes contemporains se partagent encore en deux groupes: 1° celui des réalistes perceptionnistes, admettant que l'existence du monde extérieur formellement étendu n'a pas besoin d'être démontrée, parce qu'elle est l'objet d'une appréhension intellectuelle immédiate; 2° celui des réalistes illationnistes, soutenant que le raisonnement seul peut nous donner une certitude philosophique relativement à cette existence du monde corporel.

Me rangeant actuellement à l'opinion des illationnistes, je commencerai par exposer les motifs qui me semblent valables contre le perceptionnisme; j'essayerai ensuite de justifier directement la forme de réalisme qui me paraît la plus satisfaisante.

A. Exposé et critique du réalisme perceptionniste

Il n'est pas très facile de préciser nettement ce qui constitue l'essence de ce système, les auteurs qui l'adoptent ne le comprenant pas tous de la même manière. Je crois cependant que tous les perceptionnistes. sont d'accord pour admettre l'évidence immédiate, indépendante de tout raisonnement, du jugement affirmant l'existence de quelque chose de réel et d'étendu, extérieur à la faculté connaissante.

D'après les philosophes dont il s'agit, ce jugement ne fait qu'expliciter le contenu d'une appréhension immédiate, l'appréhension du réel étendu extérieur aux sens. L'intelligence, évidemment, n'entre pas en relation avec la réalité extérieure sans le concours des

sens, mais elle n'a pas à raisonner sur les données de la sensibilité pour connaître comme existant l'objet appréhendé par les sens, elle a l'intuition immédiate de cette existence. Dès lors, la question de la valeur objective du jugement affirmant la réalité du monde extérieur étendu ne constitue pas pour le perceptionniste un problème véritable (1). Ce jugement ne donne aucune prise à l'erreur, il explicite ce que contenait une appréhension immédiate, qui ne peut elle-même être qu'une connaissance pure et simple de l'objet tel qu'il est en lui-même.

J'emprunterai au P. Geny, quelques formules qui me semblent bien exprimer ce qu'il y a de plus essentiel dans le perceptionnisme.

« Le jugement d'extériorité est l'expression pure et simple d'une appréhension : par suite, en dehors des cas pathologiques, n'est pas sujet à l'erreur; j'appréhende un corps comme extérieur à moi, aussi directement que j'appréhende deux corps (extérieurs à moi) comme extérieurs l'un à l'autre; il n'y a pas là de raisonnement, ni par suite de conclusion » (2).

« Prouver que la perception externe est immédiate, c'est prouver non seulement la vérité mais le caractère immédiat du « jugement d'extériorité » par lequel nous affirmons que le monde existe; en d'autres termes, c'est prouver que ce jugement ne fait qu'exprimer une appréhension directe de l'extérieur, c'est prouver que les corps existent parce que nous les voyons et les touchons. Mais comment prouver qu'on voit quelque chose, qu'on en a l'évidence? Il semble bien qu'ici nous soyons acculés à la pure et simple affirmation.

(1) Plusieurs perceptionnistes estiment cependant possible une démonstration indirecte de la réalité du monde extérieur; mais ils ne la croient pas nécessaire.

(2) Le problème critique et la perception extérieure. REVUE DE PHILOSOPHIE, 1909, t. XV, p. 254.

Nous le sommes en effet, mais nous avons pour nous une conviction naturelle, irrésistible, que les objections essayent en vain d'entamer, qu'on avoue, qu'on cherche à expliquer par des hypothèses telles que celle d'une illusion transcendantale dont on ne parvient pas à dissimuler le caractère factice » (1).

Tous les perceptionnistes approuveraient, je crois, sans hésiter ces déclarations. Ils cesseraient de s'entendre, si on leur demandait de dire quelles sont les réalités étendues, extérieures aux facultés connaissantes et immédiatement atteintes par elles.

Comme j'ai eu, en effet, l'occasion de le faire remarquer, il convient de répartir les perceptionnistes en deux groupes celui des perceptionnistes classiques et celui des perceptionnistes critiques. Je rappelle brièvement ce qui les caractérise.

le

Les perceptionnistes classiques ne dépassent pas niveau du réalisme naïf, pur et simple. D'après eux les sens externes atteignent les objets extérieurs non pas tels qu'ils apparaissent, mais tels qu'ils sont. Il nous suffit de regarder le soleil pour savoir qu'il existe. Sans aucun raisonnement, l'intelligence appréhende l'existence du soleil lorsque nos yeux sont frappés par la lumière.

LeP. Tilmann Pesch s'est fait, dans tous ses ouvrages, le défenseur de cette opinion assez primitive. Voici comment il explique dans sa Logique la manière dont nous acquérons nos certitudes relatives au monde extérieur :

Quand une chose est présentée à l'esprit comme objective, à cause de cette intuition même, il faut indépendamment de tout raisonnement admettre que cette chose est dans la réalité comme elle est présentée à

(1) La nouvelle critériologie, ÉTUDES, 1911, t. 126, p. 163.

III SÉRIE. T. XXIII.

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l'esprit. Or, dans la connaissance sensible les choses. extérieures sont présentées à l'esprit comme existantes en elles-mêmes. Donc les données des sens sont immédiatement relatives aux choses telles qu'elles sont en elles-mêmes. »

<<< Tout le monde guidé par la nature est tout à fait certain que, lorsqu'il voit, il voit directement des hommes, des chevaux, des pierres, des aliments; que lorsqu'il entend, il entend des sons; et que, lorsqu'il touche, il appréhende des solides. Un homme sain d'esprit serait certainement fort étonné si quelqu'un lui disait sérieusement que ce n'est pas le monde réel, mais seulement un monde phénoménal qui est la cause formelle objective des perceptions sensibles, d'où il peut passer, s'il le veut, par un raisonnement basé sur le principe de causalité, à l'existence du monde réel » (1).

Cela est évidemment d'une extrême simplicité.

Si l'on insiste pour savoir comment il peut bien se faire que la sensibilité appréhende les choses non pas seulement telles qu'elles apparaissent mais telles qu'elles sont, le P. Pesch a une explication qui doit, paraît-il, entraîner la conviction de tout homme raisonnable : « Toute connaissance a cela de propre qu'elle peut, pour ainsi dire, sortir d'elle-même et qu'elle a devant elle et intimement présent quelque chose d'objectif et d'existant en soi ».

Depuis longtemps on a prouvé que cette forme de perceptionnisme n'est pas défendable. Parmi ses réfutations plus récentes, je signalerai celle qu'a donnée le P. Jeannière dans sa critériologie. Elle me paraît apodictique. Les objets extérieurs ne sont pas atteints par les sens extérieurs, tels qu'ils sont, mais bien tels qu'il nous apparaissent (2).

(1) Institutiones Logicales, t. II, no 609.

(2) Criteriologia, 1912, p. 399.

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