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que, dans le langage de la philosophie moderne, le mot Esprit a un sens beaucoup plus large que ce sens intellectuel auquel M. Wehrlé semble croire que je me borne ?

Autre chose. Je souscris sans réserve à ce passage de M. Wehrlé: « Si l'on veut bien y prendre garde, on reconnaîtra que la méthode d'immanence est exclusive d'une doctrine de même nature et aboutit à une inévitable requête de transcendance. Ce qu'on déclare immanent au sujet, c'est le postulat de cette transcendance à la fois obligatoire pour lui et impossible par lui. La question n'a été portée en lui que pour le forcer plus sûrement à sortir de lui. Il n'y devra rentrer qu'après avoir trouvé le divin surajouté qu'il cherchait. Cette mystérieuse réalité ne peut combler son attente que si elle le dépasse prodigieusement. Elle ne peut donc pas ne pas être une importation proprement dite en nous de quelque chose d'infiniment original et de souverainement enrichissant. » Mais où M. Wehrlé a-t-il pu me voir << donner à entendre que cette nouveauté ne nous apporte rien de nouveau, qu'elle ne livre rien d'inédit à notre pensée, qu'elle ne met rien de surhumain dans notre action, ou que, n'étant pas de nous, elle ne peut être pour nous et réclamer droit de cité chez nous » ? Vraiment je n'ai jamais rien dit ni pensé de cela. J'ai écrit la phrase que voici : « Aucune vérité n'entre en nous que postulée par ce qui la précède à titre de complément plus ou moins nécessaire, comme un aliment qui, pour devenir nourriture effective, suppose chez celui qui le reçoit des dispositions et préparations préalables, à savoir l'appel de la faim et l'aptitude à digérer ». Cette image était peut-être assez significative. Car enfin, quelles que puissent être les dispositions et préparations préalables et si nécessaires qu'elles soient, recevoir un aliment est toujours, il me semble, accepter une importation qui nous enrichit.

Mais, puisque nous en sommes à cette question des rapports entre immanence et transcendance, qu'il me soit permis de présenter brièvement les remarques sui

Je sais très bien que je ne suis pas le premier ni le seul à reconnaître nécessaire un renouvellement de l'apologétique. Ce que M. Wehrlé dit là-dessus est parfaitement juste; et notamment je m'associe de tout cœur à l'éloge si mérité qu'il fait de M. Blondel. Si je n'ai pas cité l'auteur de L'Action et de la célèbre Lettre, si je n'ai cité personne, c'est que mon but n'était pas de critiquer l'apologétique extrinséciste, ni de défendre l'apologétique d'immanence. J'ai rappelé sommairement, dans la mesure où cela m'était utile, un fait de notoriété publique; et voilà tout.

Maintenant, si M. Wehrlé attend de moi une déclaration d'attitude, je puis le satisfaire en quelques mots. Je crois qu'objectivement le catholicisme possède et peut produire des titres qui sont en soi valables. Je crois possible une apologétique probante, une apologétique ayant la vertu de manifester sous forme raisonnable à l'esprit humain l'obligation qui s'impose à lui d'adhérer à l'Église. Je crois enfin que la méthode d'immanence, telle que M. Blondel et M. Laberthonnière l'exposent, telle que M. Wehrlé lui-même la résume, est le vrai point de départ de la recherche. Mais je ne crois pas avoir rien écrit qui puisse légitimement donner prise aux critiques de M. Wehrlé.

Ainsi, quand j'ai invoqué la « vie de l'esprit », je n'ai nullement voulu signifier par là qu'il suffisait de s'enfermer dans la sphère de l'intelligence pure, de s'en tenir au dynamisme de la pensée spéculative. Comment a-t-on pu commettre un pareil contre-sens? Moi aussi, j'affirme qu'il faut au contraire « embrasser dans une analyse inexorable le développement total de notre activité multiforme (1) ». Moi aussi, j'emploie le terme d'Action dans le sens riche et plein qui est celui de M. Blondel; et vraiment il me semble avoir répété cela avec assez d'insistance. Mais la « vie de l'esprit » estelle autre chose que cette « action » même ? Qui ne sait

1. Aussi bien le principe d'immanence affirme-t-il, comme je le disais, que « chacun de nos états et de nos actes enveloppe notre âme entière et la totalité de ses puissances »>.

que, dans le langage de la philosophie moderne, le mot Esprit a un sens beaucoup plus large que ce sens intellectuel auquel M. Wehrlé semble croire que je me borne ?

Autre chose. Je souscris sans réserve à ce passage de M. Wehrlé: « Si l'on veut bien y prendre garde, on reconnaîtra que la méthode d'immanence est exclusive d'une doctrine de même nature et aboutit à une inévitable requête de transcendance. Ce qu'on déclare immanent au sujet, c'est le postulat de cette transcendance à la fois obligatoire pour lui et impossible par lui. La question n'a été portée en lui que pour le forcer plus sûrement à sortir de lui. Il n'y devra rentrer qu'après avoir trouvé le divin surajouté qu'il cherchait. Cette mystérieuse réalité ne peut combler son attente que si elle le dépasse prodigieusement. Elle ne peut donc pas ne pas être une importation proprement dite en nous de quelque chose d'infiniment original et de souverainement enrichissant. » Mais où M. Wehrlé a-t-il pu me voir << donner à entendre que cette nouveauté ne nous apporte rien de nouveau, qu'elle ne livre rien d'inédit à notre pensée, qu'elle ne met rien de surhumain dans notre action, ou que, n'étant pas de nous, elle ne peut être pour nous et réclamer droit de cité chez nous >> Vraiment je n'ai jamais rien dit ni pensé de cela. J'ai écrit la phrase que voici : « Aucune vérité n'entre en nous que postulée par ce qui la précède à titre de complément plus ou moins nécessaire, comme un aliment qui, pour devenir nourriture effective, suppose chez celui qui le reçoit des dispositions et préparations préalables, à savoir l'appel de la faim et l'aptitude à digérer ». Cette image était peut-être assez significative. Car enfin, quelles que puissent être les dispositions et préparations préalables et si nécessaires qu'elles soient, recevoir un aliment est toujours, il me semble, accepter une importation qui nous enrichit.

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Mais, puisque nous en sommes à cette question des rapports entre immanence et transcendance, qu'il me soit permis de présenter brièvement les remarques sui

vantes, bien qu'elles ne s'adressent pas spécialement à M. Wehrlé: il faut saisir toutes les occasions de dissiper les malentendus.

Ceux qui ont forgé le nom barbare d'Immanentisme et qui commettent perpétuellement la grossière méprise de transformer ainsi une méthode en doctrine, ceux-là créent eux-mêmes l'ennemi qu'ils combattent et fabriquent eux-mêmes l'absurdité dont ensuite ils triomphent sans peine. Voulant parler d'un principe qui appartient essentiellement à l'ordre spirituel, donc à l'ordre dynamique, ils emploient par un abus dont, hélas! l'exemple n'est pas rare le langage statique de la matière, un langage d'espace et d'immobilité qui ne saurait être ici que traître et déformateur. D'où une contradiction initiale, qu'ils ne peuvent manquer de voir reparaître toujours, mais dont ils sont seuls responsables et par laquelle ils se sont engagés eux-mêmes gratuitement dans une antinomie sans issue. Comment réussirait-on à comprendre ce qu'on a commencé par lire de travers ?

L'erreur est de croire qu'en énonçant le principe d'immanence on puisse conserver la notion scolastique de << nature ». Cette notion exclut a priori ce principe. En quoi consiste-t-elle, en effet? Ce ne sera pas la méconnaître que de ne lui trouver comme objet qu'une fiction abstraite (1). Nous sommes bien là en présence d'une de ces entités logiques, d'un de ces symboles conceptuels, dont sans doute le discours a besoin dans une certaine mesure pour ses analyses, mais qui enveloppent toujours un vice plus ou moins caché, celui de ne traduire le réel qu'en le trahissant, par l'attribution d'une fixité factice à ce qui est au fond mouvement et devenir (2). Car, dans l'espèce et au point de vue qui nous occupe en ce moment, avec le système d'interprétation que je vise,

1. Dont je ne veux pas contester d'ailleurs qu'elle ait parfois sa raison d'être.

2. Cf. l'admirable Introduction à la Métaphysique publiée par M. BERGSON dans la Revue de Métaphysique et de Morale, no de janvier 1903.

que représente le mot «nature »? Quidquid rei definitione continetur, dit Hurter ('). Ce qui implique qu'il s'agit d'une chose, dont le contenu essentiel est déterminable une fois pour toutes, dont les facteurs constituants, dont la puissance de développement et la capacité d'action peuvent être assignées d'avance abstraitement et intrinsèquement, c'est-à-dire sous forme intemporelle et à l'état radicalement distinct et séparé, dont par suite est possible (au moins en soi, quoad se sinon quoad nos) une définition statique formùlée ne varietur. Chose curieuse! Cette conception médiévale et scolastique de << nature », appliquée à l'esprit humain, est toute proche, à certains égards, de la conception kantienne. Celle-ci enveloppe le même abus des métaphores spatiales, des divisions et coupures numériques et géométriques, la même attitude de logicien confiné dans le monde intemporel et immobile des abstractions. Le criticisme, en effet, ne caractérise-t-il pas l'esprit par un ensemble de lois et formes a priori données elles-mêmes une fois pour toutes en dehors de toute durée (2)?

Dans ces conditions, il est clair qu'il y a incompatibilité irréductible et absolue entre le principe d'immanence et l'affirmation du surnaturel. Dès lors, avec une telle notion de nature close et séparée, l'alternative est fatale. Ou bien on pose le principe d'immanence; et alors on ne peut que nier radicalement le surnaturel: c'est ce que font les kantiens. Ou bien on admet le surnaturel; et alors on ne peut que rejeter totalement le principe d'immanence: c'est ce que font les scolastiques (3). Les uns et les autres raisonnent également juste, mais à partir de postulats opposés; et sur ces postulats eux-mêmes ils ne divergent en somme que parce qu'au fond ils s'entendent pour admettre une même conception initiale sous-jacente. Tout cela est si

1. HURTER, Theol. dogm., tract. VI, tomus II, 11a ed., p. 266.

2. Cf. Bulletin de la Société française de Philosophie, séance du 25 février 1904, pages 159 et 160.

3. J'entends parler surtout des scolastiques modernes.

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