Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Qu'on ne croie pas un tel travail inutile ou superflu Rien au contraire n'est aujourd'hui d'une plus impérieuse, d'une plus urgente nécessité. Il est étrange et lamentable à quel point on ignore ou méconnaît parfois, du côté catholique, l'état d'esprit des adversaires à qui l'on s'efforce de parler (1). Aussi n'est-on pas écouté ni compris; ce que l'on dit n'a ni écho ni portée; on s'agite dans le silence et dans le vide, sans même soulever aucune critique ou réfutation; et l'on n'atteint en somme que ceux qui n'ont pas besoin de l'être, je veux dire ceux qui sont convaincus d'avance ou ceux pour qui les difficultés ne sont pas d'ordre théorique. Il n'y a pas d'illusions à se faire. La pensée catholique est à l'heure présente sans influence notable sur les divers mouvements intellectuels qui se développent autour de nous; elle les suit quelquefois, de loin, et après leur avoir longtemps résisté; mais nulle part elle n'apparaît capable de les diriger, moins encore de les promouvoir. Rien de plus douloureux que de constater d'une part tant d'efforts dépensés en pure perte, d'autre part tant de demandes sincères qui restent sans réponses.

On pourra dire sans doute, quelques-uns ont dit en effet qu'il n'y a point à tenir compte de certaines exigences modernes parce qu'elles procèdent d'une raison pervertie et dévoyée. Échappatoire misérable! Ce que demande la pensée contemporaine, au-delà de ce qu'on lui donne, est parfaitement légitime, et on ne serait pas fondé en justice à prétendre le lui refuser. Les hommes d'aujourd'hui sont dans leur droit en ne consentant pas à s'en tenir au point de vue du XIIIe siècle. Il serait singulier vraiment que l'on réclamât une démonstration quelconque à l'appui d'une vérité de cette sorte (2). Au surplus, l'Apologétique n'a-t-elle pas pour mission même et pour raison d'être de s'adresser aux malades, si malades il y a? Elle doit donc prendre les gens comme ils

1. J'en dirais autant, d'ailleurs, de nos adversaires par rapport à nous.

2. L'objet de la foi reste toujours le même, mais non point. manière de le penser ou d'y accéder.

sont, et non pas exiger d'eux qu'ils viennent d'abord par leurs seules forces là où elle se place de préférence. Il serait étrange encore une fois qu'on n'eût pas le droit de guérir autrement que par certains remèdes.

On trouvera donc peut-être quelque intérêt et quelque utilité au témoignage de ceux que leur situation a mis à même de connaître l'esprit moderne, ses besoins et ses exigences. Ceux-là peuvent essayer de dire comment ils sont parvenus à penser ce qu'ils croient, comment ils ont réussi à vaincre pratiquement et pour leur compte personnel les difficultés qu'ils ont rencontrées comme les autres. Je ne dis pas qu'il faille accepter sans critique les conclusions de leurs expériences. Mais enfin ces expériences offrent l'avantage de fournir des documents vécus et non des opinions mortes. Cela est quelque chose. Je ne prétends à rien de plus ici.

Un dernier mot avant de commencer. On s'étonnera peut-être de lire un si long préambule en tête d'un article si court. C'est d'abord que j'ai voulu écrire une manière de préface générale pour d'autres articles analogues qui suivront celui-ci. Et c'est aussi que je souhaiterais par là prévenir tout malentendu. Quelque opinion que l'on professe sur les idées que je vais émettre, il ne faudrait point que l'on essayât.de me répondre en me décrétant d'hérésie. Je n'affirme rien, dans ce travail, que des faits aisément contrôlables par chacun. Quant au reste, c'est-à-dire aux esquisses de théories, quelle que soit la forme de langage que j'aie dû prendre pour être clair, je les donne explicitement pour de simples interrogations adressées à qui de droit. En un mot, je ne fais que poser des problèmes : aux apologistes et aux théologiens de les résoudre.

Nous ne sommes plus au temps des hérésies partielles. Une argumentation purement logique et dialectique pouvait suffire alors, parce que des principes communs étaient toujours admis de part et d'autre. Mais il n'en

va plus de même quand ces principes font défaut, quand la difficulté fondamentale est d'établir un point de dé part sur lequel on s'accorde. Or, tel est bien l'état pré sent des choses. La négation ne s'attaque pas aujour d'hui à tel dogme plutôt qu'à tel autre. Elle consiste surtout en une fin de non-recevoir préliminaire et globale. On ne discute pas si telle proposition est un dogme ou non. C'est l'idée même de dogme qui répugne, qui fait scandale. Pourquoi cela?

Lorsqu'on examine les motifs ordinaires de cette répulsion, on en trouve quatre principaux que je vais briè vement résumer, en m'attachant à les présenter dans toute leur force :

1o Un dogme est une proposition qui se donne ellemême comme n'étant ni prouvée ni prouvable (1). Ceux mêmes qui l'affirment vraie déclarent impossible qu'on parvienne jamais à saisir les raisons intimes de sa vérité. Or, la pensée moderne, fidèle au précepte de Leibniz, s'efforce de plus en plus de démontrer jusqu'aux anciens « axiomes ». A tout le moins veut-elle avec Kant les justifier par une analyse critique qui les montre conditions nécessaires de la connaissance, impliquées a priori dans tout acte de raison. Elle se défie de ces prétendues évidences immédiates qu'on multipliait si facilement jadis. Elle y découvre bien souvent de simples postulats adoptés dans un but d'utilité pratique plus ou moins inconsciemment perçue (2). Bref, elle réclame partout et toujours de longues et minutieuses discussions avant de se croire autorisée à conclure. Et ce ne sont pas des preuves quelconques, plus ou moins détournées, qu'elle exige ainsi, mais des preuves directes, spécifiques. Elle n'aime pas les raisonnements trop généraux, qui visent en bloc de vastes ensembles et procèdent par démonstrations globales, parce qu'elle a fait trop de fois l'expérience de ce qu'ils recèlent ordinairement d'illusions et de méprises, de lacunes et d'à peu

1. J'entends parler ici de démonstration intrinsèque. 2. Cf. la Philosophie nouvelle issue des travaux de M. Berg.

sen.

près. Elle n'aime pas non plus les raisonnements extérieurs, extrinsèques, qui aboutissent à des démonstrations d'un caractère négatif, à des démonstrations par l'absurde, fondées sur des jugements de contradiction ou d'impossibilité, parce qu'elle a fait trop de fois aussi l'expérience (1) de ce qu'il y a d'imprudent et de risquéà déclarer impossible ou contradictoire telle chose qui ne nous paraît peut-être telle que par un effet d'habitude. Elle ne peut donc, semble-t-il, pour rester fidèle aux tendances qui ont assuré dans tous les domaines son succès, que condamner d'une manière absolue l'idée même de proposition proprement dogmatique. Dans quel système recevable par la raison une proposition. semblable pourrait-elle en effet sans violence trouver place? Le premier principe de la méthode n'est-il pas sans conteste, depuis Descartes, qu'il ne faut tenir pour vrai que ce que l'on voit clairement être tel? D'où viendrait le droit de faire exception quand il s'agit justement de propositions qui se donnent pour les plus importantes, les plus profondes et les plus singulières detoutes? Ce n'est certes pas au moment où les affirmations sont de la plus grave conséquence et se rapportent aux objets les plus ardus et les plus cachés qu'il convient de se montrer moins attentif à la rigueur des règles qui constituent notre protection contre l'erreur. C'est alors qu'il serait légitime, au contraire, d'être encore plusexigeant, plus scrupuleux, plus difficile que d'habitude.

2o On dira sans doute que les propositions dogmatiques ne sont nullement affirmées sans preuve. En effet, une démonstration indirecte en a été maintes fois essayée. Une certaine Apologétique, qui se croit purement traditionnelle (2), prétend établir que ces propositions. sont vraies, bien qu'elle se reconnaisse incapable de manifester en pleine lumière le comment et le pourquoi de leur vérité. Il y a quelque analogie, semble-t-il, entre

1. Dans les sciences notamment.

2. Cette méthode de démonstration extrinsèque se donne tomme traditionnelle. C'est là un point d'histoire sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Mais une telle discusion est étran gère à mon sujet.

une telle démarche et celle du mathématicien qui se borne parfois à des théorèmes de simple existence, ou celle du physicien qui accepte souvent des faits dont il ne sait donner aucune explication théorique, ou bien encore celle de l'historien qui reçoit toujours la connaissance par la seule voie du témoignage. Et ainsi tomberait la première objection. Oui, ce serait là une solu

tion très simple. Mais il y a un malheur : c'est que l'analogie signalée se révèle, à la réflexion, tout à fait inexacte. La difficulté qu'on voulait éviter reparaît intégralement quand il s'agit de justifier les postulats sur lesquels repose la prétendue démonstration indirecte. Lorsqu'un mathématicien se contente d'établir un théorème de simple existence, je veux dire un théorème affirmant l'existence d'une solution inaccessible en elle-même, il ne raisonne pas moins rigoureusement que dans les autres parties de sa science. Or, ici, rien de pareil. Il faudrait avoir prouvé directement que Dieu existe, qu'il a parlé, qu'il a dit ceci et cela, que nous possédons aujourd'hui son enseignement authentique. Cela revient à dire qu'il faudrait avoir résolu par une analyse directe le problème de Dieu, celui de la Révélation, celui de l'Inspiration biblique, celui de l'Autorité de l'Église. Or, ce sont là des questions de même genre que les questions proprement dogmatiques, des questions à propos desquelles il est bien impossible de produire des raisonnements comparables à ceux du mathématicien. De même, lorsqu'un physicien accepte un fait dont il ne sait donner aucune explication théorique, ce fait correspond au moins pour lui à des expériences précises, à des manipulations pratiquement exécutables, bref à un groupe de gestes dont il a une connaissance directe. Quoi de semblable ici? Et, enfin, l'historien même ne consent à recevoir la vérité par la voie du témoignage que parce qu'il s'agit de phénomènes de même espèce que ceux dont il a par ailleurs le spectacle direct. Encore juge-t-il sa science toujours conjecturale et incertaine dès qu'il s'agit de causes un peu profondes ou d'événements un peu lointains. Combien plus devra-t-on conclure ainsi

« ÖncekiDevam »