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HISTOIRE DE LA COLONIE FRANÇAISE EN

ÇANADA.

DEUXIEME PARTIE.

LA SOCIÉTÉ DE NOTRE-DAME DE MONTRÉAL COMMENCE A RÉALISER LES RELIGIEUX DESSEINS DES ROIS DE FRANCE.

CHAPITRE VIII.

SUITE DE LA DEUXIÈME GUERRE DES IROQUOIS.

RUINE DES HURONS.

M. DE MAISONNEUVE PASSE EN FRANCE POUR AMENER UN SECOURS
DEVENU NÉCESSAIRE. DE 1650 A 1652.

XXXI.

Mademoiselle Mance descend à Québec pour y apprendre des nouvelles de M. de Maison

neuve.

Dans le mois de juillet 1651, Mlle Mance, désireuse de savoir des nouvelles de M. de Maisonneuve, dont on attendait impatiemment le retour à Villemarie, prit la résolution de descendre à Québec, et pria M. Closse de l'escorter jusqu'aux Trois-Rivières, où il y avait plus de danger de tomber dans quelque embuscade d'Iroquois qu'au-dessous de ce poste. M. Closse ne désirait pas avec moins d'ardeur le retour du Gouverneur ; il consentit volontiers à la conduire; mais étant arrivés aux Trois-Rivières, et attendant durant quelques jours une commodité favorable pour Québec, ils apprirent, par quelques sauvages partis après eux de Villemarie, que les Iroquois s'y montraient plus terribles qu'ils ne l'avaient été jusqu'alors, et que, depuis leur départ, les colons étaient si épouvantés, qu'ils ne savaient que devenir. A peine M. Closse a-t-il appris ces détails qu'il remonte au plus vite à Villemarie, où il arrive heureusement, et ranime le courage des colons par sa présence. De son côté, mademoiselle Mance, sans être effrayée par des nouvelles si alarmantes, s'embarque avec M. Du PlessisKerbodot, Gouverneur des Trois-Rivières, qui se rendait à Québec. Y étant arrivée, au lieu de trouver M. de Maisonneuve comme elle l'avait

espéré, elle reçut de lui une lettre, par laquelle il annonçait qu'il cspérait revenir, l'année suivante, avec plus de cent hommes. Cette lettre la consola beaucoup, parce qu'elle sembla lui promettre le retour de M. de Maisonneuve à Villemarie, ce qui auparavant était fort incertain. Dès qu'elle eut terminé quelques affaires à Québec, elle retourna promptement, pour faire part aux colons d'une si heureuse nouvelle, bien propre à soutenir leur courage durant cette fâcheuse année qui leur restait encore à passer, avant le retour de leur Gouverneur.

XXXII.

A Paris, M. de Maisonneuve voit Madame de Bullion et lui parle de Montréal. Dans cette même lettre, M. de Maisonneuve lui apprenait qu'il avait vu adroitement la Fondatrice de l'Hôpital, sans pourtant trahir le secret. Comme, dans son séjour à Paris, il cherchait quelque occasion de la voir, pour s'assurer par lui-même de son consentement sur l'emploi des vingtdeux mille livres dont on a parlé, la Providence lui en offrit une toute naturelle. "Ayant appris que l'une de mes sœurs, rapporte M. de Mai"sonneuve, était en procès avec Madame de Bullion, je m'offris de lui "donner la main pour aller chez elle; et sachant que cette dame n'igno"rait pas mon nom, à cause du Gouvernement de Montréal, je me fis (6 nommer en entrant, afin que mon nom lui renouvelât le souvenir du "Canada. Dieu donna sa bénédiction à ma ruse; car, après que je l'eus "saluée, et que ma sœur lui eut parlé de ses affaires, elle s'enquit de moi "si j'étais le Gouverneur de Montréal, qu'on disait être dans la Nouvelle "France. Je lui répondis que c'était moi-même, et que j'en étais revenu "depuis peu.-Apprenez-nous, me dit-elle, des nouvelles de ce pays-là : "quelles sont les personnes qui y demeurent, ce qu'on y fait, comment on y vit. Dites-le-nous, s'il vous plaît: je suis curieuse de savoir tout ce qui se passe dans les pays étrangers.

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"Madame, lui dis-je, je suis venu chercher du secours pour tâcher "de délivrer ce pays des dernières calamités où les guerres des Iroquois "l'ont réduit, et de tenter si je pourrai trouver le moyen de prévenir sa "ruine. L'aveuglement est extrême parmi les sauvages; néanmoins on "ne laisse pas d'en gagner toujours quelques-uns à Dieu. Ce pays est "grand; le Montréal est une île fort avancée dans les terres, très-propre pour en être la frontière ; et ce nous sera une extrémité bien fâcheuse "s'il faut abandonner ces contrées, sans qu'il y reste personne pour annon"cer les louanges de Celui qui en est le créateur. Au reste, cette terre "est un lieu de bénédiction pour ceux qui vont l'habiter; la solitude, jointe au péril de la mort où la guerre nous met à tout moment, fait que les plus grands pécheurs y vivent avec édification, et sont des " modèles de vertu.

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XXXIII.

M. de Maisonneuve expose à Madame de Bullion la nécessité d'abandonner Montréal, s'il n'y conduit an renfort.

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"Cependant, s'il faut tout abandonner, je ne sais ce que deviendra "cette colonie, ni quel sera le sort d'une bonne fille, qu'on appelle made"moiselle Mance, et c'est ce qui me fait le plas de peine. Si je n'ai un puissant secours à amener dans cette colonie, je ne puis me résoudre à "y retourner, d'autant que mon retour serait inutile; et si je n'y retourne 46 pas, je ne sais ce que deviendra cette bonne demoiselle, ni quel sera le "sort d'une certaine fondation qu'une Dame charitable, que je ne connais point, y a faite pour un hôpital, dont elle a établi cette bonne demoiselle "administratrice; car, enfin, si je ne vas les secourir, il faut que tout “échoue et quitte le pays. A ces mots, elle m'interrompit et dit:

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-"Comment s'appelle cette Dame?-Hélas! lui répondis-je, elle a « défendu à mademoiselle Mance de la nommer. Au reste, cette demoi"selle assure que sa Dame est si généreuse, qu'on aurait lieu de tout espérer d'elle, si elle peuvait avoir l'honneur de lui parler; mais qu'é"tant si éloignée, elle n'a aucun moyen de lui exposer les choses. Qu'au“trefois elle avait, près de sa bienfaitrice, un bon Religieux qui les lui eût "fait connaître et eût bien négocié cette affaire; mais que, maintenant que ce Religieux est mort, elle ne peut lui parler ni lui faire parler, pas “même lui écrire, cette Dame lui ayant défendu de mettre son nom sur "l'adresse d'aucune de ses lettres. Quand ce Religieux vivait, elle lui envoyait ses lettres, qu'il portait lui-même à la Dame; à présent, elle "ne peut plus lui écrire; si elle mettait seulement son nom, pour servir "d'adresse, sur une lettre, elle assure qu'elle tomberait dans sa disgrâce, "et qu'elle aime mieux laisser le tout à la sainte Providence, que fâcher une personne à qui elle est tant obligée, elle et toute la Compagnie de "Montréal."

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XXXIV.

M. de Maisonneuve fait connaître à Madame de Bullion l'affaire des vingt-deux

mille livres.

"Voilà, madame, l'état où sont les choses. On est même si pressé de secours que la demoiselle, voyant que tous les desseins de sa fondatrice "sont prêts à être mis à néant, m'a donné pouvoir de prendre, en échange de cent arpents de terres défrichées que la Compagnie lui donne, vingt-deux milles livres de la fondation de l'Hôtel-Dieu, qui sont << placées à Paris. Il vaut mieux, dit-elle, qu'une partie de la fondation "périsse que le total; servez-vous de cet argent pour lever des hommes, "afin de garantir tout le pays en sauvant le Montréal. Je ne crains point, "a-t-elle ajouté, d'engager ma conscience; je connais les dispositions de "ma bonne Dame; si elle savait les angoisses où nous sommes, elle ne se

"contenterait pas de cela. Voilà l'offre que m'a faite cette Demoiselle. "J'avais de la peine à l'accepter; mais enfin, en ayant été vivement "pressé par elle, qui m'assurait toujours qu'elle pouvait hardiment inter"préter la volonté de sa bonne Dame, en cette rencontre, j'ai fait un "concordat avec elle, pour les cent arpents de terre, en échange des " vingt-deux mille livres, qu'elle espère pouvoir beaucoup aider à garantir "le pays, et c'est l'unique vue de ce concordat. Telle est donc, Madame, "la situation où nous sommes."

XXXV.

Madame de Bullion donne quarante-deux mille livres pour secourir Montréal.

Dans

Après cet exposé, qu'elle écoutait avec l'intérêt le plus vif, madame de Bullion pria M. de Maisonneuve de venir la revoir, pour lui parler encore du Canada. Il le lui promit volontiers et la visita plusieurs fois. ces visites, elle témoignait toujours le même empressement à l'entendre ; elle prenait même plaisir à le faire entrer dans son cabinet, pour qu'il pût l'entretenir à loisir, de toutes les particularités de la colonie; et, ce qui est un bel éloge de sa rare humilité et de la pureté de ses intentions, jamais elle ne lui découvrit ni ne lui donna à entendre qu'elle fut elle-même la fondatrice de l'Hôpital. Non-seulement elle ne fit rien pour le détourner d'employer les vingt-deux milles livres à lever une nouvelle recrue; mais, pleinement informée, après ces entretiens, du triste état de Villemarie, elle donna en outre vingt mille livres, pour que cette somme servît à lever un plus grand nombre de soldats. On eut lieu d'admirer encore ici les saintes industries de son humilité à fuir le regard des hommes. Pour pratiquer à la lettre le précepte de Notre Seigneur: "Que, dans “vos aumônes, votre main gauche ignore ce que fait votre main droite," elle voulut que les Associés ne pussent savoir de qui venait ce don, et remit les vingt mille livres à M. le Président de Lamoignon, en lui disant qu'une personne de qualité faisait ce présent à messieurs de la Compagnie de Montréal, afin de les aider à lever des hommes, pour secourir cette île, sous la conduite de M. de Maisonneuve. Enfin, elle fit tout ce qu'elle put pour que M. de Lamoignon lui-même demeurât persuadé que ces fonds venaient d'une autre main que la sienne, quoique pourtant, malgré les précautions qu'elle prit, elle ne pût empêcher qu'on ne sût que c'était elle-même qui faisait ce don. Ainsi, comme mademoiselle Mance l'avait assuré à M. de Maisonneuve, madame de Bullion donna beaucoup plus que la somme de vingt-deux milles livres; elle en fournit elle seule quarante-deux mille pour cette nouvelle recrue, qui se composa d'environ cent quinze hommes et coûta en tout soixante-quinze mille livres à la Compagnie, comme nous le dirons après que nous aurons exposé la suite des événements qui eurent lieu en Canada avant le retour de M. de Maison

neuve

CHAPITRE IX.

SUITE DE LA GUERRE; PAIX AVEC LES ONNEIOUTS, ET SUSPENSION D'ARMES AVEC LES AGNIERS. M. DE MAISONNEUVE ARRIVE

DE FRANCE AVEC UNE RECRUE DE PLUS DE CENT

HOMMES. DE 1652 A 1653.

L.

Martine Messier, frappée à coups de hache par trois Iroquois, se délivre de leurs mains.

Avant le retour de M. de Maisonneuve en Canada, qui n'eut lieu que seize mois après le voyage de mademoiselle Mance à Québec, il y eut bien du sang répandu à Villemarie. M. Closse, à son arrivée des TroisRivières, où nous avons dit qu'il était allé accompagner mademoiselle Mance, apprit un trait de cruauté, arrivé récemment, bien propre à glacer d'effroi tous les cœurs. Le 29 juillet de cette année 1652, une très-vertueuse mère de famille, Martine Messier, femme d'Antoine Primot, fut attaquée par trois Iroquois, qui s'étaient glissés dans les blés pour tomber sur elle à l'improviste et la massacrer. Ces barbares, éloignés seulement de deux portées de fusil du Fort, l'ayant assaillie tout à coup, elle pousse à l'instant un grand cri; et, à ce cri, trois bandes d'Iroquois cachés en embuscade, se lèvent et paraissent en armes. Mais les trois assassins se croyant assez forts pour massacrer une femme sans défense, se jettent incontinent sur elle, s'efforçant de la tuer à coups de hache; tandis que, de son côté, elle se défend comme une lionne, bien qu'elle n'eût pour les repousser que ses pieds et ses mains. Après trois ou quatre coups de hache, elle tombe cependant par terre, et alors un de ces Iroquois, la croyant morte, se jette sur elle pour lui enlever sa chevelure et s'enfuir avec cette marque de trophée. de trophée. Mais cette femme, vraiment forte, se sentant saisir, reprend tout à coup ses sens, se relève et, plus furieuse qu'auparavant, elle saisit cet assassin avec tant de violence qu'il ne peut se dégager de ses mains, quoiqu'il continuât, durant ce temps, de lui décharger des coups de hache sur la tête. Enfin, elle tombe de nouveau par terre évanouie, et, par sa chute, donne à son assassin la liberté de s'enfuir, ce qu'il fait au plus vite, pour mettre sa propre vie en sûreté, se voyant sur le point d'être joint par des colons qui accouraient de toute part.

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Les Français, qui venaient au secours de Martine Messier, la voyant baignée dans son sang, l'aident à se relever; et dans ce moment même l'un d'eux l'embrasse, par un sentiment naturel de compassion. Mais cette femme, en qui la vertu n'était point inférieure au courage, revenant

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