Sayfadaki görseller
PDF
ePub

HISTOIRE DE LA COLONIE FRANÇAISE EN

CANADA.

DEUXIEME PARTIE.

LA SOCIÉTÉ DE NOTRE-DAME DE MONTRÉAL COMMENCE A RÉALISER LES RELIGIEUX DESSEINS DES ROIS DE FRANCE.

CHAPITRE IX.

SUITE DE LA GUERRE; PAIX AVEC LES ONNEIOUTS, ET SUSPENSION D'ARMES
AVEC LES AGNIERS. M. DE MAISONNEUVE ARRIVE DE FRANCE
AVEC UNE RECRUE DE PLUS DE CENT HOMMES.
DE 1852 A 1853.

(Suite.)

XXIX.

Inquiétude qu'on éprouve à Québec de ne pas voir arriver M. de Maisonneuve et sa

recrue.

Mais comme on ne comptait guère sur la durée de cette paix, que les Iroquois ne firent, en effet, que dans l'intention de surprendre les Français quand ils en auraient l'occasion favorable, tout le monde à Québec était dans une grande anxiété de ne pas voir arriver M. de Maisonneuve. On avait lieu de craindre les derniers malheurs, s'il ne paraissait pas cette année; et dans ces circonstances, la Mère de l'Incarnation écrivait: "Les "Iroquois ont tant fait de ravages en ces quartiers, qu'on a cru quelque "temps qu'il fallait repasser en France. L'habitation de Montréal leur a

66

puissamment résisté et donné la chasse avec la perte de leurs gens. "Maintenant on fait les récoltes, qui sont belles; outre cela, il nous vient "du secours de France, ce qui console tout le pays. C'eût été une chose "déplorable, s'il eût fallu venir à cette extrémité que d'abandonner le pays; et, de plus, les sauvages (chrétiens), n'ayant pas assez de forces pour résister aux Iroquois, eussent été dans des hasards continuels de "perdre la vie et peut-être la foi. Mais enfin nous attendons du secours

66

[ocr errors]

66

que M. de Maisonneuve, Gouverneur de Montréal, amène de France, "où il est allé exprès." Cette Religieuse s'exprimait de la sorte le 12 août; et comme M. de Maisonneuve tardait toujours d'arriver, on multiplia les prières et les exercices religieux, pour obtenir son prompt retour (*), qui n'eut lieu enfin que le 22 de septembre. Ce grand retard vint d'abord de la difficulté de former sa nouvelle recrue, et les avaries qu'il essuya sur la mer.

XXX.

Nombre, qualités et lieux de naissance des hommes enrôlés par M. de Maisonneuve.

Le dessein de M. de Maisonneuve étant de repousser les Iroquois et d'établir solidement la colonie de Villemarie, il ne voulut conduire avec lui que des hommes jeunes, robustes et courageux, tous propres au métier des armes, exercés chacun dans quelque profession nécessaire ou utile au nouvel établissement, et tous sincèrement catholiques. Il exigea de plus qu'ils fussent gens de bien et de mœurs irréprochables, afin qu'ils ne gâtassent pas le reste du troupeau, en quoi, dit la Soeur Morin, il a parfaitemant réussi. Pour s'aider dans ce choix, il se servit de M. de la Dauversière; et l'un et l'autre levèrent ainsi des hommes, dans la Picardie, la Champagne, la Normandie, l'Ile-de-France, la Touraine, la Bourgogne, mais principalement dans le Maine et l'Anjou, surtout aux environs de la Flèche, d'où M. de la Dauversière les tira presque tous. Dans le courant des mois de mars, avril et mai 1653, ces hommes passèrent, par devant des notaires, leurs actes d'engagement avec la Compagnie de Montréal; et ceux qui s'engagèrent de cette manière à la Flèche furent au nombre de cent dix-huit, ainsi que le montrent encore aujourd'hui leurs actes d'engagement, conservés en original dans les minutes du notaire de Lafousse, qui les écrivit. En outre, trente-six autres passèrent aussi ailleurs des contrats semblables, en sorte que le nombre total de ces hommes, tous propres à porter les armes, s'éleva à cent cinquante-quatre. Nous en donnons le rôle détaillé à la page 770, désignant les pays d'où la plupart furent tirés. Quelques-uns cependant se désistèrent; d'autres moururent dans la traversée; et, au témoignage de M. de Belmont, il n'en arriva que cent cinq à Villemarie.

(*) On fit pour cela une Procession à Québec, le 7 septembre, où marchait quatre cents mousquetaires bien armés, qui firent diverses décharges, et on ajoute qu'ils donnèrent par là de l'épouvante aux Iroquois, qui se trouvaient alors à Québec pour la paix On doit supposer que la plupart des hommes armés de la sorte étaient des sauvages de Sillery ou de l'Ile d'Orléans, et que ces quatre cents mousquetaires n'étaient pas capables d'inspirer une grande terreur, puisque ces cent hommes que M. de Maisonneuve conduisait étaient regardés et furent, en effet, comme les sauveurs du pays, ainsi que la suite le montrera.

XXXI.

Actes d'engagement des hommes de la recrue de M. de Maisonneuve.

Leurs actes d'engagement sont semblables les uns aux autres, et ne varient guère que pour le nom des engagés et les sommes que leur assurait à chacun la Compagnie de Montréal. Celui d'Etienne Bouchard, que nous rapporterons ici, fera connaître tous les autres. "Paul de Chomedey, "sieur de Maisonneuve, Gouverneur de l'île et Fort de Montréal et terres "en dépendant; noble homme Jérôme le Royer, sieur de la Dauversière, "procureur de la Compagnie des Associés pour la conversion des sauvages "en la dite île, et Etienne Bouchard, maître chirurgien, natif de la ville "de Paris, paroisse Saint Paul, ont fait entre eux l'accord qui suit: Le "dit Bouchard s'est obligé d'aller servir de son art de chirurgie en l'île "de Montréal, sous le commandement de sieur Maisonneuve, pendant cinq "années entières et consécutives, à commencer du jour où il entrera dans "cette île; et, pour cet effet, il a promis de se rendre dans la ville de "Nantes le quinzième jour de ce mois, pour s'embarquer. Au moyen de

66

[ocr errors]

quoi, les sieurs de Maisonneuve et de la Dauversière ont promis, au nom "des Associés de Montréal, de le nourrir, loger et coucher, tant pendant "le voyage que durant les cinq années de son service, comme aussi de lui "fournir tous les instruments nécessaires pour exercer son art de chirurgie; en outre de lui payer, chaque année, la somme de cent cinquante "livres de gages, et enfin, les cinq années finies, de le faire reconduire en "France, à leurs frais et dépens, sans qu'il en coûte rien au dit Bouchard." Comme on le voit dans cet acte, la Compagnie de Montréal transportait ces hommes dans son fle, les nourrissait et les togeait à ses propres frais pendant cinq ans, et leur fournissait les outils et la matière nécessaires à l'exercice de leur art ou de leur profession particulière. Elle ne se chargeait pas de les vêtir; mais, pour qu'ils pussent se pourvoir eux-mêmes de linge et d'habits, elle assurait à chacun des gages proportionnés à l'importance des services qu'il pouvait rendre, par le métier ou l'art qu'il avait à exercer. Plusieurs n'étant pas assez fournis de hardes et d'autres objets qu'ils étaient bien aises d'emporter de France, elle fit des avances sur leurs gages à cent trois d'entre eux, et leur donna ainsi, avant leur départ, plus de onze mille livres, quoique les gages de ceux qui partirent ne dussent pas s'élever au-dessus de la somme de sept mille cinq cents livres par an.

XXXII.

Mademoiselle Bourgeois. Désir qu'elle éprouve de passer à Villemarie.

Avant le départ, fixé au 20 du mois de juin de cette année 1653, M. de Maisonneuve désira d'aller à Troyes pour y saluer ses parents, spécialement sa sœur, Religieuse de la Congrégation de Notre-Dame, qu'il avait toujours visitée dans ses autres voyages; et nous ne pouvons nous dispen

ser de raconter ici comment cette visite fut l'occasion qui procura à Villemarie un secours non moins avantageux que celui de la recrue, quoique d'un genre différent. Chaque fois que M. de Maisonneuve paraissait à Troyes, les Religieuses de la Congrégation le suppliaient avec instances de conduire quelques-unes d'elles à Villemarie, pour qu'elles s'y livrassent à l'instruction chrétienne des enfants. Jusqu'alors il avait persisté à refuser leurs services, en leur représentant que sa petite colonie n'était pas encore assez formée, et que d'ailleurs des Religieuses cloîtrées, telles qu'étaient celles de la Congrégation de Notre-Dame, seraient d'un trop faible avantage pour un pays nouveau. Une jeune personne, membre de la Congrégation externe que ces Dames dirigeaient à Troyes, ayant entendu parler depuis plusieurs années de la fondation de Villemarie, avait elle-même conçu le dessein d'y aller et de s'y consacrer à l'éducation de l'enfance. C'était Mademoiselle Marguerite Bourgeois, singulièrement favorisée de la grâce, et toute consumée du désir de faire connaître et aimer l'auguste Mère de Dieu, envers laquelle elle faisait profession d'un entier dévouement; et comme le zèle qui l'animait était toujours dirigé par la prudence, il l'avait portée à faire part de ce désir à la sœur Louise de Sainte Marie, sœur de M. de Maisonneuve, pour savoir d'elle ce qu'elle devait en penser. Cette Religieuse et ses compagnes connaissaient mieux que personne le mérite et les vertus solides de ce rare sujet, le modèle et la règle vivante de leur Congrégation externe, et ne doutant pas que son désir ne fût un attrait divin, elles l'engagèrent à le nourrir soigneusement, et lui offrirent même de la recevoir dans leur institut, lorsqu'elles iraient s'établir à Villemarie, comme déjà elles en avaient formé le projet. La jeune personne accepta de grand coeur la proposition, et leur promit que, lorsqu'elles seraient prêtes à partir, elle serait ellemême du voyage.

XXXIII.

Mademoiselle Bourgeoys reconnait M. de Maisonneuve, qu'elle avait vu en songe.

Peu de jours avant que M. de Maisonneuve se présentât chez ces Religieuses, cette année 1653, mademoiselle Bourgeoys, alors âgée de trentetrois ans, eut un songe qui la frappa beaucoup. Il lui sembla voir un homme grave et vénérable, dont l'habit simple et de couleur brune ressemblait assez à celui que portaient alors les prêtres lorsqu'ils allaient à la campagne, et crut comprendre qu'un jour elle aurait avec lui des rapports particuliers, que Dieu ferait naître pour sa gloire. Vivement touchée de ce songe, elle en fit part, le lendemain, à quelques personnes en qui elle avait une confiance particulière, sans savoir encore ce qu'il signifait. Deux ou trois jours après, M. de Maisonneuve, arrivant à Troyes pour prendre congé de sa sœur et des Religieuses de la Congrégation de Notre-Dame, elles ne manquent pas de lui réitérer leurs instances; et comme sans doute il

objectait leur clôture, elles lui parlent de cette jeune personne, en faisant connaître son mérite et sa rare vertu. Bien plus, elles l'envoient chercher à l'instant même, pour la présenter à M. de Maisonneuve, et pour qu'elle vienne, de son côté, prendre part à une conversation qui ne pouvait manquer de lui procurer quelque agrément. Mais, à peine mademoiselle Buurgeoys est-elle entrée dans le parloir, qu'elle s'écrie, par un premier mouvement d'étonnement et de surprise: "Voici mon prêtre, voici celui que j'ai vu dans mon sommeil." C'était la première fois qu'elle voyait M. de Maisonneuve: aussi ces Religieuses, surprises d'une exclamation si singulière, la prient toutes, à l'envi, de raconter le songe qu'elle avait eu ; et, sans attendre qu'on la pressât davantage, elle en fait aussitôt le récit avec simplicité et candeur.

XXXIV.

M. de Maisonneuve veut condaire mademoiselle Bourgeys à Villemarie.

Ce songe ne fut d'abord, pour toute la compagnie, qu'une agréable récréation; mais bientot la chose devint plus sérieuse qu'on ne l'avait cru d'abord; car M. de Maisonneuve, adressant la parole à la jeune personne, lui demande si elle serait disposée à le suivre à Villemarie, pour y faire l'école et élever chrétiennement les enfants; à quoi elle répond avec modestie et assurance qu'elle est prête à partir, si elle obtient l'approbation de ses supérieurs ecclésiastiques. A ce dénoument inattendu, les Religieuses se récrient et lui disent qu'elle ne doit y aller que dans leur compagnie, conformément à la promesse qu'on lui a faite de l'y conduire. Elle, de son côté, prenant un air enjoué, leur répond que, sans doute, elle a promis d'être de la partie lorsqu'elles iront à Villemarie, mais qu'elle ne s'est pas engagée, si elles tardaient trop, à ne pas y aller sans elles. Cependant, malgré les témoignages si avantageux que les Religieuses lui avaient donnés de la vertu de cette jeune personne, M. de Maisonneuve, par un effet de sa prudence ordinaire, va trouver le confesseur qui la dirigeait, et dont il honorait lui-même les lumières et la vertu, pour savoir son sentiment sur ce voyage. Le confesseur, déjà instruit du songe, répond que, si la chose dépendait de lui, il donnerait volontiers les mains au départ de la jeune personne, étant tout à fait convaincu, par la parfaite connaissance qu'il a de toute sa vie, que le dessein de ce voyage vient de Dieu. De son côté, Marguerite Bourgeoys, voyant que M. de Maisonneuve songeait sérieusement à la conduire avec lui, va consulter le confesseur, puis un autre prêtre, et enfin le Grand-Vicaire de Troyes: et tous, après avoir pris chacun trois jours pour réfléchir, lui font la même réponse.

XXXV.

Mademoiselle Bourgeoys fixée dans sa vocation pour Villemarie.

Etonnée elle-même de ce parfait accord, elle représente à son confesseur la peine qu'elle éprouve de s'abandonner ainsi à la conduite d'un

« ÖncekiDevam »