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renoncer à l'enseignement, et poursuivait, avec une force d'âme invincible et un succès croissant, ses travaux sur la statique des liquides soustraits à l'action de la pesanteur (1).

Cette époque est pleine d'intérêt pour la science en Belgique, et glorieuse pour l'Université de Gand. Elle nous offre ce spectacle, unique peut-être dans les annales de la physique, d'un savant que la perte de la vue aurait dû, semble-t-il, fatalement arracher à la carrière scientifique, réalisant des merveilles dans le domaine des recherches expérimentales grâce à l'aide désintéressée de collègues et d'amis dévoués, mettant leurs talents, leurs yeux exercés et leurs mains habiles au service de cette glorieuse infirmité. Parmi ces hommes de cœur, il faut citer ici, au nombre des disparus, les noms de F. Duprez, Lamarle et Donny, si dignes de reconnaissance et de respect. G. Van der Mensbrugghe devait bientôt se joindre à eux dans le cabinet de travail de Plateau et, après s'être montré infiniment secourable, il allait devenir, a la grande joie du maître, le continuateur de son œuvre.

Notre ami était encore étudiant quand, en 1856, il fut mis en rapport avec J. Plateau et s'offrit à l'aider dans ses recherches sur les lames liquides minces; un tel rôle convenait à la fois à sa généreuse nature et à son goût inné pour la physique.

On ne peut songer sans émotion à la première rencontre de ces deux hommes unis désormais pour la vie.

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Il y a, dans la jeunesse de tout homme de science et, sans doute, de tout homme de lettres, a écrit Pasteur, un jour inoubliable où il a connu à plein esprit et à plein cœur des émotions si généreuses, où il s'est senti vivre avec un tel mélange de fierté et

(1) Voir, sur l'œuvre de J. Plateau, les articles du P. Delsaulx : Les travaux scientifiques de J. Plateau, publiés dans la REVUE DES QUEST. SCIENT. t. XV, pp. 114 et 518; et t. XVI, p. 383.

de reconnaissance que le reste de son existence en est éclairé à jamais.Ce jour-là, c'est le jour où il s'approche du Maître à qui il doit ses premiers enthousiasmes, dont le nom n'a cessé de lui apparaître dans un rayonnement de gloire. Voir enfin ces allumeurs d'âmes,... les entendre, leur parler, leur vouer de près, à côté d'eux, le culte secret que nous leur avions si longtemps gardé dans le silence de notre jeunesse obscure, nous dire leur disciple et ne pas nous sentir trop indigne de l'être ! Oh! quel est donc le moment, quelle que soit la fortune de notre carrière, qui vaille ce moment-là et qui nous laisse des émotions aussi profondes (1) ? »

L'impérissable souvenir que notre regretté collègue en avait gardé s'affirmait en termes émus dans ses conversations intimes; tous ses écrits nous en apportent l'écho et il circule à travers toutes les pages de la notice qu'il a consacrée à celui qui, en retour de ses services excellents, fut le conseil et l'appui de ses premiers pas dans la carrière scientifique, l'inspirateur de ses travaux et le modèle de toute sa vie.

Au déclin de ses jours, sur une liste qui énumère les fonctions qu'il a exercées et les honneurs qu'il a reçus répétiteur de physique à l'École du Génie civil (1859); professeur de physique mathématique et de mécanique céleste à la Faculté des sciences de Gand (1872); professeur de physique expérimentale à l'École normale des sciences (1880); chargé du cours de géographie physique aux sections normales d'histoire et de langues germaniques (1883); recteur de l'Université (1900-1903); correspondant (1875) et plus tard (1883) membre titulaire de l'Académie royale de Belgique; directeur de la classe des sciences (1895); membre de la Société batave de Physique de Rotterdam

(1) Réponse de Pasteur au discours de réception de J. Bertrand à l'Aca démie française: J. Bertrand, Éloges académiques, t. 1, pp. 25-26.

(1880), de la Société des Sciences de Cherbourg (1876), de la Société des Sciences de Liége (1876), de la Société hollandaise des Sciences (1884); membre honoraire de l'Institution royale de Londres (1889) et de l'Académie pontificale des Nuovi Lincei (1902); lauréat du prix décennal des sciences physiques et chimiques (1910); commandeur de l'ordre de Léopold, etc., Van der Mensbrugghe a ajouté de sa main ce titre, le plus beau à ses yeux et le plus cher à son cœur « a été l'aide de Joseph Plateau pendant 27 ans, de 1856 à 1883 ».

Nous ne songeons pas à placer sur le même rang l'initiateur de génie et son digne collaborateur notre collègue surtout se fût élevé contre cette pensée ; mais nous songeons encore moins à séparer ces deux amis si rapprochés dans les souvenirs de ceux qui les ont vus à l'œuvre, si étroitement unis par l'intelligence et par le coeur dans leur effort commun vers la conquête de la vérité et dans l'intimité des relations familiales : en 1871, Van der Mensbrugghe avait épousé Me Alice Plateau et fondé un foyer où devaient se perpétuer les traditions de l'illustre ancêtre.

C'est au cours de cette collaboration charitable que Van der Mensbrugghe a trouvé sa voie et s'est vu ouvrir l'entrée du monde nouveau dont Plateau avait pris possession; c'est aux leçons de ce maître excellent qu'il s'est initié aux méthodes de travail et aux idées directrices qui lui ont permis de développer et de couronner leur oeuvre commune.

Plateau eut tôt fait d'apprécier l'habileté expérimentale de son disciple: c'est à lui qu'il confiait le plus volontiers le soin de reproduire, devant les sociétés savantes désireuses de les admirer, ses expériences célèbres dont l'importance et la beauté furent si promptement et si universellement proclamées.

Mais c'est dans des circonstances plus modestes qu'il convient de voir notre collègue à l'œuvre.

En se prêtant à la réalisation des expériences de Plateau dans son cabinet de travail, loin des ressources d'un laboratoire abondamment outillé, Van der Mensbrugghe avait acquis à un degré peu commun le don de l'observation attentive et sagace à laquelle nul détail n'échappe de la manipulation la plus complexe et la faculté plus rare encore d'appliquer les instruments les plus vulgaires aux recherches les plus délicates. C'était un jeu pour ses mains habiles de faire réapparaître le même fait sous les formes les plus variées où l'originalité des idées s'alliait à une simplicité invraisemblable des moyens mis en œuvre.

Nous nous souvenons d'une après-midi passée à la campagne un jour de mauvais temps. Notre collègue, toujours de joyeuse humeur, offrit, pour nous distraire, d'improviser une causerie agrémentée d'expériences.

Mais nous n'avons rien, objections-nous, qui puisse remplacer vos appareils.

Et notre ami de répondre : - Mes appareils! Vos armoires en sont pleines!

Et le voilà qui se met en quête du nécessaire de l'eau claire, de l'eau de savon et quelques autres liquides qui lui tombent sous la main; des bouts de fil de fer et de soie, une feuille de papier, de vulgaires ustensiles de ménage ;... la conférence fut charmante et les expériences des plus intéressantes. Les petits ébahis s'en amusèrent beaucoup jamais la science ne leur parut plus accessible; les aînés, en s'instruisant aux idées générales, aux vues élevées et aux applications inattendues qui jaillissaient de ces humbles ressources, ne se lassèrent d'admirer l'habileté singulière de l'expérimentateur, et tous prirent part à la joie communicative dont la physionomie de notre ami s'illuminait quand la nature, docile à ses appels, trompait notre

attente et donnait raison à ses prévisions. Volontiers il eût, à l'exemple de Faraday dans son laboratoire, esquissé une ronde autour de ses modestes appareils.

Il me semble l'entendre encore nous rappeler, sur un ton quelque peu solennel qu'il affectionnait parfois mais que corrigeait son bon sourire, maints principes qui lui étaient familiers, écho sans doute des leçons de son maître :

<< La curiosité est la première vertu du savant, c'est d'elle qu'il faut apprendre l'art infiniment précieux de s'étonner à propos » ; et il en appelait à l'exemple de Plateau. Une observation banale fut, en effet, l'occasion, en 1840, de ses plus belles recherches: son préparateur avait, par mégarde, versé un peu d'huile grasse dans un vase qui contenait de l'eau mêlée d'alcool. Le professeur vit avec étonnement les petites masses d'huile prendre la forme sphérique... Deux ans plus tard, l'habile et ingénieux physicien présentait à l'Académie son célèbre mémoire sur les phénomènes d'une masse liquide libre et soustraite à l'action de la pesanteur.

<< Aucune observation attentive n'est inutile, ajoutait notre ami, un détail presqu'insensible, considéré avec soin, contrôlé avec précision, poursuivi dans ses conséquences peut être l'origine d'une découverte capitale. N'est-ce pas de la contemplation d'une bulle de savon que sont sorties les plus importantes conquêtes de Newton en optique ?... >>

Mais c'est dans son laboratoire qu'il faut le voir exercer la patience - « la seconde vertu du physicien » et recommencer dix fois la même recherche. « Toute expérience bien conduite doit réussir, disait-il; de nombreux échecs peuvent en retarder le succès : il ne faut y voir que d'utiles indications sur la nécessité de

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