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HENRI POINCARE

1854-1912

Tout récemment, les RENDICONTI DEL CIRCOLO MATEMATICO DI PALERMO contenaient un mémoire de M. Poincaré, dont la préface résonnait comme un glas funèbre.

Jamais, disait l'illustre auteur, je n'ai publié un travail aussi inachevé, mais plusieurs années, peutêtre, seraient nécessaires pour arriver au terme, et à mon âge saurait-on répondre de l'avenir?... C'était un bien douloureux pressentiment et, hélas, peu de temps après, M. Henri Poincaré rendait le dernier soupir, épuisé par la maladie qui s'était déclarée à Rome, en 1908, pendant le Congrès International des Mathématiciens.

Sa mort a été très vivement ressentie par les savants du monde entier, qui acclamaient en lui le « prince des géomètres ». Les Français ont été tout particulièrement éprouvės, tant ils ont compris, à cet instant, quelle force morale c'est pour une nation que de posséder l'homme le plus éminent, le plus compétent, le plus génial dans un domaine du savoir, dans une direction de la pensée.

Plus nous le trouvons grand et plus difficile est la tâche de rendre hommage à un savant illustre.

Peu d'esprits sont de taille à mesurer ce grand esprit. On pourrait même dire que M. Poincaré avait,

IIIe SÉRIE. T. XXII.

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sur certains horizons très mystérieux de la science, des intuitions qu'aucun autre homme, peut-être, ne saurait, présentement, revivre et reconstituer dans leur obscur bourdonnement, dans leur pâle et chaude lumière, dans leur murmure lointain comme celui d'un écho incertain, dans leur réalité souple et fuyante, dans leur fluide palpitation...

Nul ne sait exactement ce que contenait cette tête algébrique.

Dès lors, qu'importe que le génial penseur soit apprécié par un savant ou par un étudiant de vingtième année ?

Tel est le sentiment qui me justifie à mes propres yeux lorsque je vais essayer de parler de l'oeuvre de M. Poincaré, ou bien plutôt, lorsque je vais donner libre carrière à mes sentiments d'admiration devant cette œuvre ample et profonde, étincelante.

Avant d'analyser brièvement - l'œuvre, que dire de l'homme? Chacun sait que M. Poincaré est sorti de l'École Polytechnique, le premier de sa promotion, qu'il appartenait au « Corps des Mines », mais qu'il n'inspecta pas très souvent le sous-sol, une remarquable thèse d'Analyse mathématique l'ayant introduit, tout jeune ingénieur, dans l'Université et, presque d'emblée, en Sorbonne.

J'ai écouté des leçons de lui, sur la Mécanique céleste. Dès le début, en un instant, le tableau noir était couvert de formules et on avait une impression extraordinaire de puissance; le débit était rapide et sûr. Je ne puis m'empêcher de préférer la manière de M. Emile Picard... La leçon de M. Picard est une conférence, une causerie, qui commence toujours par un résumé synthétique des résultats précédents ou des faits admis, puis, doucement, insensiblement, avee beaucoup d'art, M. Picard nous élève très haut et nous entraîne très loin, sans fatigue, tant il a soin d'éviter ce qui, n'étant pas essentiel, pourrait ralentir la

marche et obscurcir l'horizon, sans aucun profit essentiel. C'est exquis.

Les leçons de M. Picard ont une élégance, un aspect esthétique et pittoresque tout à fait remarquables ; celles de M. Poincaré étaient infiniment plus austères. N'avait-il donc pas le sens esthétique développé ? Non certes!

M. Poincaré a parlé plusieurs fois, d'une manière admirable, de « l'art dans la science ». Mais M. Poincaré gardait ses impressions pour lui, se livrait fort peu, même avec ses confrères de l'Institut, à plus forte raison quand il était dans sa chaire.

Il était cependant, à ses heures, un très brillant et agréable causeur et je me rappelle avoir assisté à une réunion (1) où M. Poincaré soutint, avec beaucoup d'animation, une conversation géographique avec le Prince Roland Bonaparte, après quoi il nous dit les choses les plus fines sur les examens, les concours et sur les candidats féminins aux diplômes universitaires. Il me parut plutôt anti-féministe; peut-être était-ce pour être agréable à la maîtresse de maison...

M. Poincaré était très bienveillant envers les étudiants qui lui demandaient des conseils, à la condition. expresse, bien entendu, qu'ils n'entrassent pas chez lui, dépourvus de toute originalité et de quelque prépa

ration.

Pour obtenir une réponse, encore fallait-il lui poser une question très précise.

M. Poincaré réservait, dit-on, ses rigueurs pour les affaires de candidatures académiques, mais s'il était sévère c'est parce qu'il plaçait très haut les droits supérieurs de la science. N'est-ce point très naturel? M. Poincaré était très désintéressé; jamais il n'a songé, comme Berthelot, à profiter de son prestige de grand savant en vue de jouer un rôle politique.

(1) Chez Madame d'Ocagne.

Ni les questions politiques ni les questions religieuses (1) ne l'ont passionné, au moins en apparence. Chez lui la pensée absorbait toutes les puissances de la vie. Quelle était donc cette pensée ?

Quoique l'œuvre scientifique de M. Poincaré soit infiniment plus importante, on n'en trouvera ici qu'une brève analyse et, au contraire, l'œuvre philosophique nous retiendra plus longuement.

TRAVAUX SCIENTIFIQUES

Dans sa thèse, M. Poincaré a établi un théorème fondamental sur les fonctions implicites. Soit une fonction définie par la relation analytique :

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Si, en un point, les dérivées, par rapport à , sont nulles jusqu'à l'ordre p 1, celle d'ordre p n'étant pas nulle, on est ramené aux fonctions algébriques, c'està-dire que satisfait à une relation du type suivant :

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Grâce à ce théorème, M. Poincaré pousse la discussion des équations linéaires aux dérivées partielles infiniment plus loin que Cauchy, Mme Kowaleska, Fuchs, Briot et Bouquet (2).

...

(1) Je ne saurais mieux faire que de reproduire les pieuses paroles prononcées par M. Bigourdan aux funérailles d'Henri Poincaré : « Et vous, bien cher et regretté Confrère, vous qui avez taut exploré le domaine de l'inconscient, vous avez laissé ignorer quelle était au juste l'idée que votre puissant esprit s'était faite du monde mystérieux où vous venez d'entrer. C'est parce qu'on n'y fait pas acception des personnes, que vous comptiez pour si peu les honneurs qui sont venus vous chercher en foule. Mais l'amour sincère de la vérité et de la justice, la bonté, le vrai désintéressement, toutes les vertus enfin que nous vous avons connues, vous y ont fait cortège. Aussi, je ne vous dis pas adieu, mais au revoir dans cet au delà que la raison entrevoit, que le cœur devine, et où la paix est promise aux hommes de bonne volonté.» (BULL. ASTRON., t. XXIX, septembre 1912, p. 364).

(2) Traité d'Analyse de M. E. Picard, tome III.

Nous suivrons l'ordre historique en parlant, maintenant, de la création capitale de M. Poincaré, du « chefd'œuvre ».

Fonctions fuchsiennes et abéliennes

Considérons une équation différentielle ordinaire, d'ordre quelconque, à coefficients algébriques, (c'està-dire fonctions dex et y, avec une relation P(x, y) =0, P désignant un polynome). M. Poincaré intègre toutes ces équations, grâce aux fonctions fuchsiennes, découvertes par lui (1) de la manière suivante. Les fonctions. elliptiques et abéliennes sont des fonctions bipériodiques, c'est-à-dire satisfaisant aux relations :

f(2) = f(z + w1) = f(2 + w2)

(w, et w, sont les périodes).

Pour élargir cet horizon, M. Poincaré cherche des fonctions satisfaisant à la relation :

[blocks in formation]

a, b, c, d étant des constantes.

On aura alors une subdivision du plan de la variable complexe, non plus en parallelogrammes (comme pour les fonctions bipériodiques), mais en polygones curvilignes et la connaissance de la fonction dans l'un des polygones entraînera sa connaissance dans tout le plan. Comment ce plan est-il pavé par de tels polygones; est-il pavé plusieurs fois ou une seule fois ?

Question rude! Et c'est la géométrie non-euclidienne qui tire d'embarras M. Poincaré. Ressource tout à fait inattendue, inspiration extraordinaire. On sait que, dans les fonctions elliptiques, on arrive à construire la double périodicité par le quotient de deux fonctions

(1) ACTA MATHEMATICA, tomes 1, 3, 4, 5.

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