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bientôt la réputation du peuple le plus hardi dans ses initiatives politiques. L'élaboration lente, insensible, quasi inconsciente des institutions et des lois y fait place à une activité impatiente qui ne s'effraie d'aucune audace. Voilà bientôt quarante ans que le mouvement s'est dessiné; il s'est précipité dans ces dernières années. Sur le continent, le public non averti s'en aperçoit seulement; encore est-il plus frappé des épisodes retentissants qui marquent la rivalité des Communes et des Lords ou la lutte des nationalistes et des unionistes, que des réformes profondes, radicales qui les ont provoqués.

L'Institut de sociologie Solvay a voulu faire connaître les grandes lignes de cette politique de Réforme Sociale. Il s'est adressé à ceux-là même qui l'ont élaborée et il a été assez heureux d'obtenir le concours d'une puissante organisation politique du Royaume-Uni, The Eighty Club, présidée actuellement par M. Lloyd George, chancelier de l'Échiquier. Quatre conférences ont été données par des personnalités autorisées du monde parlementaire et politique d'Angleterre (1) », M. Philip Morrell, membre du Parlement, M. A. G. Gardiner, directeur des Daily News, M. John Brunnen, membre du Parlement et M. Charles Mallet, ancien membre du Gouvernement.

Ces hommes politiques, mêlés aux polémiques de presse et aux luttes ardentes des partis, étaient-ils particulièrement qualifiés pour apprécier l'œuvre dont ils ont été et restent encore les ouvriers les plus actifs? M. Charles Mallet, au début de sa conférence sur la politique fiscale, déclarait tout net : « Je vous parle en partisan du gouvernement libéral britannique » ; et il ajoutait : « bien rares sont ceux qui peuvent se soustraire à toute partialité ». Il faut reconnaitre toutefois que les Anglais, par le tour réaliste de leur esprit, atteignent plus souvent que d'autres à cette rare vertu et qu'en général, dans le cas présent, les orateurs ont su faire le départ entre les faits, les actes et leurs appréciations.

Dans l'Introduction qui sert de préface au texte des conférences, la Direction de l'Institut Solvay témoigne à l'œuvre de ses invités une sympathie qui s'explique par des motifs d'ordre divers. (D'aucuns, à l'époque où ces conférences se sont données, ont cru discerner dans le choix du sujet, des conférenciers et du moment, une préoccupation à laquelle la politique belge n'était pas étrangère.) Sans doute, on n'a guère vu d'action plus

(1) Introduction, V-VI.

suivie, plus coordonnée, s'inspirant davantage de vues d'ensemble et marquant une conscience plus claire d'un plan général. Mais cette action a-t-elle été assez souple, assez soucieuse d'épargner au pays qu'elle travaillait les heurts et les secousses? Surtout a-t-elle su, dans la défense de ses principes et de ses projets devant les masses populaires, s'abstenir de certaines excitations dont les effets sont plus redoutables que les réformes elles-mêmes? C'est une question.

Quoi qu'il en soit de la réponse, ces quatre conférences et le compte rendu des discussions qui les ont suivies donnent sur la politique agraire, industrielle, sociale et fiscale du gouvernement anglais une vue très intéressante et très suggestive; les principales lois votées en ces derniers temps y sont analysées de manière à dégager les principes dont elles s'inspirent et les grands traits qui les caractérisent. A cet égard, ce petit volume sera bien accueilli par tous ceux qui s'intéressent à l'évolution de la vieille Angleterre et qui voudraient chercher outre Manche des exemples à suivre ou des fautes à éviter.

V. FALLON, S. J.

XV

CURSUS PHILOSOPHIAE NATURALIS, par J. DE LA VAISSIÈRE. 2 vol. petit in-8', cartonné de XIX-343 et XIX-399 pages. — Paris, Beauchesne, 1912.

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Voici un manuel qui dépasse, et de beaucoup, la valeur moyenne de ses congénères. En le parcourant, on n'éprouve rien de ces tentations constantes de scepticisme, de ces retours anxieux vers les réalités les plus proches et les plus palpables que provoque immanquablement la lecture de certaines Cosmologies » dont les thèses, temples sereins interdits au doute, dorment et continueront à dormir longtemps encore au milieu d'un désert de faits. Si une psychologie sans âme est une chimère, une Cosmologie sans chimie et sans physique risque et risquera de plus en plus de n'être qu'un rève cohérent.

Le R. P. de la Vaissière nous présente une « Philosophie Naturelle » qui n'ignore rien, ni de la science faite, ni de celle qui se fait tous les jours; c'est ce qui constitue à la fois le prix et la nouveauté de ces deux volumes, où l'érudition la plus

solide et la plus étendue s'unissent au savoir scientifique le plus varié. C'est bien une philosophie de toute la nature visible qu'a entrepris de nous donner l'auteur. Négligeant la division Wolffienne de la Philosophie et revenant à une conception plus ancienne du rôle dévolu au « Philosophus Naturalis », il procède à l'inventaire des richesses de l'être matériel, allant du caillou au brin d'herbe, du brin d'herbe à l'animal, de l'animal à l'homme, de l'homme, ce Microcosme, au Macrocosme, c'està-dire au Monde envisagé comme totalité des phénomènes, dans lequel l'auteur reconnait l'objet matériel de la Philosophie Naturelle, prise dans toute son étendue. Cette ample et riche matière qui embrasse ainsi tous les phénomènes vitaux présentant encore un lien de dépendance par rapport à l'étendue, se trouve répartie en six livres qui traitent successivement du corps organique, de la vie végétative, de la vie sensible (Tome 1), de la vie intellectuelle, du composé humain et du Monde (Tome II). Les matières du livre troisième sont partagées entre les deux tomes de l'ouvrage, le premier analysant les états représentatifs de la vie sensible, le second ses états appétitifs ainsi que le pouvoir locomoteur, fondé sur la connaissance sensible. L'étude du sens intime qui témoigne également de l'une et l'autre série de phénomènes termine logiquement ce traité.

Au cours de ce voyage d'exploration philosophique, très fréquemment on s'aperçoit, à l'allure spéciale des questions, que l'auteur de ces pages instructives a visé à se faire lire non seulement par les métaphysiciens mais aussi par les savants de profession et les amis de la science expérimentale; à ceux-ci les thèses du R. P. de la Vaissière réservent plus d'une agréable surprise. Les mathématiciens liront avec une curiosité sympathique les pages que le R. P. consacre aux lois mathématiques, à l'objectivité du nombre, à la valeur spéculative de la géométrie (T. I, p. 33-45). Le Physicien accordera volontiers un regard au chapitre sur les lois de la Cinématique et à la thèse qui estime le problème cinématique objectivement et absolument résoluble pour la pratique (T. I, pp. 63-65). Les disciples de Bergson, les • partisans de l'intuitionnisme, les lecteurs de James, tous ceux qu'intéresse l'étude de la mystique voudront prendre connaissance de l'article de non existentia cognitionum supra intellectualium (T. II, pp. 119, sq.).

Nous n'aurions rendu qu'à moitié justice aux brillantes qualités de l'auteur, si nous ne disions rien de sa méthode. Celle-ci est excellente et se caractérise par quelques innovations très

heureuses. On ne peut qu'applaudir par exemple, quand on voit le R. P. indiquer avec soin le degré de certitude de chacune de ses assertions par le moyen d'une note appréciative : « physice certa, metaphysice certa » et qui rappelle les notes dogmatiques en usage en Théologie. Les objections sont, le plus souvent, textuellement empruntées à leurs auteurs et citées d'après les originaux. Cette probité scientifique parfaite qui respecte jusqu'à l'expression matérielle de la pensée d'un adversaire, en rassurant le lecteur le moins candide », donnerait, au besoin, un surcroit de crédit à la réponse. Le même procédé, très loyal et très objectif, est employé dans l'exposé des « Opiniones adversae ». C'est un réel plaisir de parcourir les notes érudites annexées, à titre de complément d'information, aux thèses elles-mêmes, mais rejetées sagement à la fin de chaque volume, afin sans doute de ne pas appesantir la marche du raisonnement proprement dit. La note 36-37 par exemple, du premier volume, ne contient pas moins de seize textes concernant la nature du Temps Platon, Aristote, Averroès, Plotin, St Augustin, Albert le Grand, St Thomas sont admis successivement à témoigner de leur pensée authentique; les modernes ont leur tour de parole avec Suarez, Descartes, Clarke, Leibniz, Berkeley, Kant, Spencer, Renouvier et Bergson. Nous sommes loin, comme on le voit, de ces invraisemblables mais trop réels manuels où fourmillent les contre-vérités historiques, où des Péripatétitiens tels qu'Averroès et Avicenne sont présentés comme des négateurs des relations réelles et où on prête à Wolff une thèse sur les possibles qui est tout juste le contre-pied de sa thèse réelle. La bonne habitude d'aller aux sources préserve le R. P. de la Vaissière de ces grossières bévues. Elle vaut à son lecteur tous les avantages d'une lecture des «Morceaux choisis des grands Philosophes ». Pour permettre à celui-ci de le contrôler jusqu'au bout, le R. P. a pris soin de munir chaque volume de cet ouvrage, déjà si substantiel, d'un « Index Bibliographicus » de lectures à faire; établi avec précision et rigueur, cet ensemble de références sera pour le maitre et l'élève un excellent instrument de travail.

Les tendances doctrinales qui se manifestent au long de ces six livres, si riches de faits et d'enseignements positifs, nous ont paru celles d'un Péripatétisme très large et très accueillant. Au moins celui du P. de la Vaissière n'a-t-il rien de trop exclusif; son choix s'arrête tantôt à St Thomas, tantôt à Suarez, parfois même à Henri de Gand. Avec Suarez, le R. P. voit dans la matière

première (T. I, p. 130, 133) un principe réel doué d'existence. Ne serait-ce pas parce qu'on continue à tort d'après nous à concevoir toute puissance réelle et subjective comme nécessairement existante, ce qui est se fermer toute voie vers la doctrine Thomiste qui distingue dans l'être créé l'essence de son actualité? Rien n'empêcherait dès lors le péripatétisme du R. P. de s'accommoder de la pluralité des formes dans le composé, doctrine qu'il rejette formellement, lorsqu'il s'agit de l'homme. Pour nous, l'existence ne saurait appartenir qu'à un principe spécifié déjà; l'acte formel en limitant l'indéfini de la matière devient principe. d'une existence simple pour un sujet qui ne l'est pas.

A plusieurs reprises (T. II, p. 181; T. I, p. 132) l'auteur emploie l'expression Materia prima major minorve »; de quelles parties entend-on parler? De parties substantielles ? Cela suppose des formes numériquement distinctes. De parties à dimensions? Alors il faut dire avec St Thomas : « Materia jam intellecta sub corporeitate et dimensionibus potest intelligi ut distincta in diversas partes, ut sic accipiat diversas formas secundum altiores perfectionis gradus » (1, q. 76, a. 6, ad 2). Quand done on écrit : « Ontologiquement, la masse est la quantité de matière » (T. I, p. 275), il faudrait préciser; mème en donnant à la matière première un acte entitatif, on ne la conçoit pas susceptible par elle-même de division... à moins de la doter, avec Averroes, de dimensions indéfinies, ou de l'identifier à la quantité, comme Philopon et Arriaga, ou d'en faire, à la suite de Zabarella, un corps de la catégorie de la substance... toutes choses bien éloignées évidemment de la pensée du R. P. de la Vaissière. Scot lui-même écrit expressément : la matière venant à subsister seule, par miracle, n'aurait qu'une présence circonscriptive (In II. Sent. D. 12, q. 2). Songeait-il à prévenir les confusions possibles?

Nous doutons fort que le R. P. de la Vaissière parvienne à rallier son lecteur philosophe à son système minimiste concernant les facteurs indispensables à la production du verbe intellectuel (T. II, p. 86-94). Avec Henri de Gand, Guillaume d'Auvergne, Durand, Auriol etc., le R. P. élimine comme superflue l'espèce impresse intelligible des Thomistes. Qui dénombrera les méfaits nominalistes commis au nom du Principe d'économie : « Non sunt multiplicanda... » ? Dans l'acte de sentir, l'àme communie déjà à l'objet, cela est hors de doute, mais celui-ci n'est donné encore que sous les espèces sensibles. Dans l'acte de penser, l'âme arrive à exprimer ce même objet en termes de pure intelligi

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