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Mais passons, et revenons à l'objet principal de l'article V, la division décimale du degré de la circonférence. Ce qui y frappe tout d'abord, c'est l'exposé des avantages réciproques que présentent les divisions décimales et sexagésimales. Vu la date où elle est écrite, on ne saurait assez l'admirer. Stevin y devance son siècle. Aussi, quand, sortant de la théorie pure, il passera à l'application, devrons-nous lui pardonner quelques hésitations, voire quelques défaillances d'ailleurs très excusables et trop compréhensibles. Ainsi, il publia des tables numériques dans son Astronomie, qui parut, en 1608, dans les Wisconstige Gedachtenissen ('). Or, dans les plus importantes de ces tables, celles des lignes trigonométriques naturelles, il semble oublier sa promesse. C'est que tenir parole eût été bien difficile. Il aurait dû construire de nouvelles tables, de dixième de degré en dixième de degré, et même de centième en centième; travail énorme, écrasant, devant lequel il recula. Il se contenta de rééditer les anciennes tables calculées de minute en minute. Stevin n'avait pas le tempérament d'un Rheticus, d'un Viète, ni d'un Van Ceulen.

Mais, il y a un autre défaut dans la décimalisation de la circonférence telle que la préconise Stevin. Pourquoi scinder le degré en dix parties égales, et non pas la circonférence entière, ou mieux encore, le quadrant?

Que si on nous répond : C'est pour pouvoir utiliser les tables trigonométriques en usage; nous répliquerons Pourquoi alors ne pas appliquer plutôt la division décimale à la minute, comme nous l'appliquons aujourd'hui à la seconde, puisque toutes les tables

(1) Wisconstige Gedachtenissen inhoudende t'ghene daer hem in gheoeffent heeft Den Doorlvchtichsten Hoochgheboren Vorst ende Heere, Mavrits Prince van Oraengien,. Beschreven deur Simon Stevin van Brugghe. Tot Leyden, Inde Druckerye van lan Bouwensz. Int laer M.DC.VIII. T. I. pp. 21-57, 63-99, et 103-139.

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employées couramment étaient calculées de minute en minute?

Et en effet, les interpolations nécessaires pour pouvoir se passer des lignes correspondantes aux minutes données par les tables, prêtaient bien plus à l'erreur que les calculs, somme toute assez simples, que l'on effectuait sur les degrés, les minutes et les secondes des arcs.

Mais, ce ne sont là, encore une fois, que des défaillances d'application dans l'emploi d'une méthode, en soi excellente, et qui, nous le répétons, fit de Stevin un précurseur.

IV

Le caractère du dernier Article diffère assez bien de celui des cinq précédents. Stevin nous y expose des règles générales et des avis valables pour toutes les mesures. « Chasque fameuse Chasque fameuse espece d'icelle », dit-il, (elcke vermaerde specie van dien), se nommera Commencement. Nous dirions aujourd'hui : Dans chaque ordre de grandeur, on prendra comme unité un étalon, choisi parmi les mieux appropriés et les plus connus ; car c'est là le sens qu'il faut attacher aux « fameuses especes» de Stevin.

Chaque unité se divisera en dixièmes, centièmes et millièmes.

Et ici Stevin lance de nouveau une idée inattendue. Non seulement il propose la division décimale de toutes les unités, mais il suggère encore l'idée de leur donner des noms rappelant la hiérarchie de ces divisions. Chaque dixième de l'unité se nommera Prime, chaque centième Seconde, chaque millième Tierce; comme « Prime de marc, Seconde de marc, Seconde de livre, Seconde d'aulne, etc...

>> Il nous est notoire, ajoute-t-il, que seconde multipliée

par Tierce donne produict Quinte, parce que 2 et 3 font 5, comme il est dict ci dessus. »

En si beau chemin, à si allègre allure, on s'attendrait à voir Stevin aller plus loin encore et nous proposer une nomenclature décimale applicable aux multiples des unités. Mais, hélas! il s'arrête, sans nous ménager cette satisfaction.

Il ne semble pas non plus avoir entrevu l'utilité de ramener toutes les mesures à un étalon, à un mètre unique. Mais, c'eût été vraiment trop lui demander.

Dans l'intérêt de l'histoire, il importe de connaître en tout cela la pensée même de Stevin avec ses nuances. Écoutons-le donc de nouveau. Le texte flamand de la Thiende et le texte français de la Disme que je cite, sont tous deux de 1585. Que le lecteur me pardonne de le lui rappeler si souvent ! Pour bien juger Stevin, on ne peut pas perdre cette date de vue.

« Article VI.

» Des comptes des maistres des monnoies,
marchans et de tous estats en general.

» Afin de dire, en brief et en general, la somme et contenu de cest article, faut sçavoir qu'on partira toutes mesures, comme Longue, Humide, Seiche, Argent, etc., par la precedente dixiesme progression ; et chasque fameuse espece d'icelles se nommera Commencement; comme Marc, Commencement des pois par lesquels se poise l'or et l'argent; Livre, Commencement des autres pois communs; Livre de gros en Flandre, Livre Esterlain en Angleterre, Ducat en Hispaigne, etc., Commencement de monnoie. Le plus haut signe de Marc sera (4), car 1 (4) pesera environ la moitié d'un Es d'Anvers. La (3) suffira pour le plus haut signe de la Livre de gros, veu que telle 1 (3) faict moins que le quart d'un d.

» Les soubdivisions des pois pour peser toutes choses seront (au lieu de demilivre, quart, demiquart, once, demionce, esterlin, grain, es, etc.) de chasque signe 5, 3, 2, 1; c'est-à-dire, qu'apres la livre, ou 1 (0), 1 suivera un pois de 5 (1), (faisant Lb), puis de 3 (1), puis de 2 (1), puis de 1 (1); et semblables soubdivisions aura aussi la 1 (1) et autres suivans.

>> Nous estimons aussi utile que chasque soubdivision, voire de quelle matiere fust son subject, soit nommé Prime, Seconde, Tierce, etc. ; et cela à cause qu'il nous est notoire que Seconde multipliée par Tierce donne produict Quinte, (parce que 2 et 3 font 5, comme il est dict ci dessus). Item, que Tierce divisée par Seconde donne quotient Prime, etc.; ce qui ne se pourroit faire si proprement (') par autres noms. Mais, quand on les veut nommer par distinction des matieres (comme l'on dict demie aulne, demie livre, demie pinte, etc.) nous les pouvons nommer, Prime de Marc, Seconde de Marc, Seconde de Livre, Seconde d'Aulne, etc. » (2). Stevin développe ici deux applications, puis il continue :

<< Nous pourrions donner autres exemples en toutes les vulgaires regles d'Arithmetique se rencontrans souvent es traffiques des hommes, comme la regle de Compaignie, d'Interest, de Change, etc., demonstrans comment elles se peuvent toutes expedier par nombres entiers; aussi ceste facile operation par les gettons; mais veu qu'il est assez notoire par les precedens, nous n'en ferons point de mention.

» Nous sçaurions aussi demonstrer plus amplement, par comparaison de facheux exemples en rompuz, la grande difference de facilité qu'il y a de ceux-ci à ceuxla; mais nous le passons outre à cause de briefvetė. »

(1) « Si proprement », soo merckelick, si remarquablement.
(2) Marcxeerste, Marcxstweede, Pondtstweede, Ellenstweede.

A l'exécution, Stevin prévoit une difficulté et cherche tant bien que mal à l'écarter. Dans les grandeurs qui font l'objet des cinq premiers articles, dit-il, « chascune personne peut exercer pour soi» les mesures décimales, « sans qu'il sera mestier (sans qu'il soit nécessaire) d'en estre donné par le Magistrat quelque ordre generale. »

Pourquoi ?

Parce que l'Arpenteur, le « Stereometrien », l'Astronome, après avoir effectué décimalement à part soi les calculs, convertira le résultat final obtenu, en mesures ordinaires, pour le livrer au public en un langage auquel ce public est habitué.

Dans l'Arpenterie, la Stéréométrie, l'Astronomie, le résultat numérique seul importe. Mais, si l'on venait à décimaliser, les mesures et les poids eux-mêmes, le Magistrat devrait s'en mêler et déclarer l'innovation bonne et légitime.

Ce vœu à peine formulé, l'homme de la vie réelle reprend, comme toujours, le dessus sur le spéculateur de génie. Stevin ne se berce d'aucune illusion et sait qu'il vient d'émettre un souhait platonique. Que lui importe? Quand même « tout ceci ne fust pas mis en œuvre si tost, comme nous le pourrions souhaiter », dit-il, ce n'est jamais un mince service rendu à l'humanité que de lui avoir montré clairement un grand progrès réalisable. Or, celui-ci est tellement évident, que si les hommes restent dans l'avenir ce qu'ils furent dans le passé, ils accepteront certainement ce progrès un jour ou l'autre.

C'était une vue très juste, mais la prophétie devait tarder deux siècles à se réaliser !

Sur ce, notre immortel Brugeois dépose la plume. Prenons congé de lui en lisant sa dernière page dans sa langue savoureuse.

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