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CHAPITRE V

SOMMAIRE.

LES PREMIÈRES DIFFICULTÉS DE M. ÉMERY

AVEC LE GOUVERNEMENT

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Son refus
M. Émery

M. Emery est nommé à l'évêché d'Arras. motivé et sa lettre à Portalis. Nouvelle lettre à Bernier. refuse les évêchés d'Autun et de Troyes. Son dévouement à la Compagnie. Négociations du cardinal Fesch pour le sacre de l'empereur. Voyage de Pie VII à Paris. Le mariage de l'impératrice. Rôle du cardinal Fesch. Lettre de M. Emery à M. de Bausset. La cérémonie du sacre. Déceptions de la cour romaine. Visite de M. Emery à Pie VII.

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I

Bernier redoutait l'influence considérable et méritée de son ancien directeur, M. Emery, sur le clergé de France et sur les membres les plus importants de l'épiscopat. Il voyait grandir tous les jours, cette influence qui pouvait, à une heure, peut-être prochaine, s'exercer dans les conseils du gouvernement, et devenir un obstacle à l'accomplissement de ses propres desseins. Il avait reconnu déjà l'opposition secrète et puissante de l'ancien supérieur du grand séminaire d'Angers dans les difficultés si graves que l'Église de France venait de traverser. Le triste rôle qu'il venait de jouer luimême dans l'affaire des constitutionnels, lui rendait

plus pénible encore la présence d'un prêtre dont la dignité vivante était un reproche infligé à sa politique tortueuse. Il conçut le dessein d'éloigner de Paris M. Émery, et de se soustraire à son influence gênante. Aidé de Talleyrand, il décida le premier consul à nommer M. Émery à l'évêché d'Arras. Le décret fut signé le 10 avril 1802.

M. Émery était trop dévoué à la Compagnie de Saint-Sulpice et à l'œuvre des séminaires pour accepter l'honneur redoutable de l'épiscopat. Il n'avait jamais eu qu'une pensée : servir l'Église, et rester fidèle à l'esprit comme aux enseignements de M. Olier. Après avoir prié, médité, pris l'avis des Messieurs de Saint-Sulpice, il écrivit à Portalis, chargé des affaires des cultes, une lettre dont nous avons le projet sous les yeux :

« J'ai reçu », dit M. Émery, << la lettre que vous

m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je suis on ne peut plus touché de la marque d'estime et de confiance que daigne me donner le premier consul en me nommant à l'évêché d'Arras. C'est à vous, sans doute, que je suis redevable de l'opinion qui l'engage à me croire propre à l'épiscopat.

« Je vous prie de lui présenter mes très humbles actions de grâces; mais je vous supplie en même temps de lui faire trouver bon que je n'accepte pas. Je me détermine à cette démarche, après y avoir bien réfléchi et avoir invoqué les lumières de l'Esprit-Saint. Une multitude de raisons m'en font un devoir; je ne vous en exprimerai qu'une.

<< J'étais supérieur du séminaire de Saint-Sulpice et de la congrégation qui porte ce nom, chargé par conséquent de former les jeunes gens qu'on y élevait aux vertus de leur état, et particulièrement à l'éloignement pour les dignités ecclésiastiques : car vous savez que l'ambition était un vice trop commun dans le clergé des derniers temps, et contre lequel il était bien nécessaire de prémunir l'esprit et le cœur des jeunes gens. Dans cette vue, il fallait que les supérieurs, qui donnaient des leçons sur la crainte et la fuite des dignités, en fournissent euxmêmes l'exemple.

<< En conséquence, mes prédécesseurs ont touiours refusé les évêchés qui leur ont été offerts. Héritier de leur office, j'ai dû l'être aussi de leurs sentiments, et mon éloignement pour l'épiscopat est arrivé au plus haut point. Très certainement, si on m'avait, sous l'ancien régime, nommé à un évêché, je ne l'aurais pas accepté. Comment pourrais-je, à l'âge de soixante-dix ans, ne pouvant donc prudemment compter que sur trois ou quatre ans de vie, et ayant à peine le temps de connaître seulement de vue le troupeau immense qui me serait confié; comment, dis-je, pourrais-je réussir à arracher de mon cœur un sentiment si ancien et si profondément enraciné? Les violences qu'il faudrait me faire, ne pourraient que compromettre ma santé et ma vie.

« Mais, de plus, que penseraient de moi tant d'ecclésiastiques devant qui j'ai fait pendant si

longtemps une haute profession à cet égard? Ne soupçonneraient-ils pas que cette profession n'était de ma part qu'un acte d'hypocrisie; qu'au fond j'avais autant d'ambition qu'un autre; que, dans les disputes agitées entre les catholiques en France, au sujet des formules exigées pour le libre exercice du culte, je n'ai embrassé les sentiments favorables à ces formules que dans le dessein de plaire au gouvernement et de favoriser mon ambition ?

« Et de là, les leçons que je leur ai données sur les devoirs de leur état, ne seraient-elles pas discréditées, et ne perdraient-elles pas dans leur esprit tout le poids qu'elles avaient reçu de mon autorité? Quel avantage surtout ne tireraient pas de mon acceptation tant d'ecclésiastiques, soit au dedans, soit au dehors de la France, opposés à la soumission, et qui, parce que je lui étais favorable, m'ont traduit partout comme un homme infidèle à ses anciens principes, et qui était dévoré d'ambition? Loin d'être étonné qu'un supérieur de Saint-Sulpice, nommé à un évêché, le refuse, on devrait plutôt être étonné de son acceptation.

<< Ce serait bien injustement qu'on regarderait mon refus comme une marque d'opposition au nouvel ordre de choses, et comme pouvant servir de motif à d'autres refus. Aucun autre ne se trouve dans le même cas que moi; et je ne crains pas de dire que je servirai mieux cet ordre de choses en n'acceptant pas. Il y aura sûrement, dans les diocèses où l'on place des constitutionnels, et dans ceux

dont les évêques n'ont pas donné leur démission, de nombreux opposants. Si j'accepte, et si ensuite on me consulte, mes conseils ne seront comptés pour rien, comme n'étant point ceux d'une personne désintéressée; au lieu que, dans la supposition contraire, j'aurai quelque poids pour les déterminer à l'obéissance et lever leurs scrupules, et sûrement je serai consulté de différents endroits.

« Je dis plus je servirai mieux la religion et l'Église en persévérant dans ma première vocation. Le plus grand et le plus pressant besoin de la religion aujourd'hui est de former des prêtres, et de bons prêtres. Il y a au moins une lacune de douze années à remplir. Les ouvriers propres à cette œuvre et qui voudraient s'y consacrer, seront pour les évêques assez difficiles à trouver. J'étais chef d'une Compagnie exclusivement dévouée à l'éducation ecclésiastique; plusieurs membres de cette Compagnie vivent encore, ou en France ou dans les pays étrangers; je connais les lieux de leur demeure, et je conserve assez d'ascendant sur eux, pour les engager à reprendre leurs premières fonctions, si ingrates et si pénibles qu'elles puissent être. Je puis les indiquer aux évêques, et concourir à l'établissement de leurs séminaires. »

Portalis, accoutumé à l'empressement obséquieux des constitutionnels, qui sollicitaient avec tant d'ardeur, et au prix des marchés les moins honorables pour leur conscience, la dignité épiscopale, s'étonna de cette parole fière et désintéressée. Il n'avait pas

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