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L'armée française, destinée dans la pensée du premier consul à ce coup hardi, se rassemblait à Dijon. Elle avait reçu le nom d'armée de réserve, et paraissait, dans cette qualité, ne devoir être employée qu'en seconde ligne. Elle renfermait plus de nouveaux que d'anciens soldats; elle était composée, en grande partie, de jeunes gens qu'on venait de lever tout récemment en vertu de cette loi de la conscription, devenue si fameuse depuis, qui mettait à la disposition du gouvernement toute la jeunesse française depuis l'âge de vingt-un ans jusqu'à celui de vingt-cinq. Cette armée montrait au reste la plus grande ardeur, et comptait aussi dans ses rangs, des volontaires qui avaient réellement pris les armes de leur plein gré, et par un élan de valeur et de patriotisme.

Bientôt elle fila vers les Alpes, pendant qu'une division de l'armée du Rhin recevait l'ordre de prendre, de son côté, la même route. Bonaparte, parti de Paris le 6 mai, arriva le 8 à Genève. Là il fit appeler le général du génie Marescot, qui avait été chargé de reconnaître le Saint-Bernard: «Général, lui dit-il, peut-on passer? Oui, répondit Marescot. Eh bien partons, « Ainsi parlaient les Spartiates: Bonaparte les imita aussi dans leur manière d'agir; l'armée s'engagea aussitôt dans les montagnes, sur les pas du général Lannes, l'homme peut-être la plus intrépide de notre temps.

Les Alpes séparent l'Italie, de l'Allemagne et de

la Suisse. Au milieu de cette longue chaîne de montagnes s'élève le Mont-Blanc; à gauche et à droite du Mont-Blanc. sont le grand et le petit SaintBernard. Dans le premier de ces passages est situé un couvent, fondé au dixième siècle par un habitant de la Savoie, nommé Bernard de Menthon, et dont les moines sont chargés de recueillir et d'héberger tous les voyageurs qui se présentent, comme aussi d'aller à la recherche de ceux qui s'égarent ou s'enfoncent dans les neiges dont ces monts demeurent éternellement couverts. Bonaparte avait envoyé par avance une somme d'argent à ces respectables solitaires, afin qu'ils tinssent des vivres prêts pour les soldats de l'armée française. Ceux-ci trouvèrent effectivement des tables dressées sur la neige à l'approche du couvent, et ils y firent un repas nécessaire pour réparer leurs forces: ils gravissaient depuis cinq heures la montagne par une route presqu'impraticable.

Il fallut ensuite descendre du mont Saint-Bernard à Verney, premier village du Piémont, par un chemin si étroit, qu'un cavalier est obligé d'y précéder ou d'y suivre son cheval; il ne saurait marcher à côté de lui, sans risquer de tomber dans des précipices affreux. A l'opposé de ces précipices le chemin est borné par des montagnes de neige qui semblent comme suspendues sur la tête du voyageur. Pendant l'été, ces masses glacées se détachent quelquefois, roulent du haut de la montagne, et

écrasent, engloutissent tout ce quelles rencontrent. On nomme Avalanches, ces terribles éboulemens : pendant le passage de l'artillerie, un d'eux emporta un canon de huit et trois canonniers.

L'armée française passa le mont Saint-Bernard dans les journées des 17, 18 et 19 mai. Les soldats avaient fini par se faire un plaisir de ce voyage périlleux; ayant une fois atteint le sommet de la montagne, pour la descendre plus vite, ils se laissaient glisser sur la neige, et arrivaient ainsi en bas avec une grande rapidité. Le premier consul les imita lui-même dans cette plaisanterie qui faisait gagner beaucoup de temps.

Le plus difficile était le transport de l'artillerię. On'se servit pour cela de deux moyens. Le premier fut de creuser des arbres en forme d'auges; on y plaçait les pièces de huit et les obusiers cent hommes, attelés à un câble, traînaient la pièce dans cet état, d'autres la dirigeaient et la retenaient surles abîmes avec des leviers. Pour second moyen on s'était procuré des traîneaux sur roulettes que le général Gassendi avait inventés; on chargeait dessus les pièces, après les avoir démontées. On portait les affûts pièce à pièce, excepté ceux des pièces de quatre qu'on mettait sur des brancards confiés à dix hommes, Les caissons avaient été vidés, et l'on avait renfermé les munitions dans des caisses que portaient des hommes ou des mulets. En deux jours l'artillerie eut traversé le

mont Saint-Bernard. Pour exciter à l'activité, Bonaparte avait offert mille francs par pièce de canon tout le monde témoigna le plus grand empressement, mais l'ouvrage fait chacun en refusa noblement le prix.

Bientôt l'avant-garde commandée par le général Lannes, arriva dans la vallée d'Aoste. A quelques lieues de la ville qui porte ce nom, sur le chemin d'Ivrée, les montagnes se rapprochent, ne laissant entre elles qu'un espace de vingt-cinq toises, occupé par la Dora-Baltea. Dans ce détroit, sur un plateau, est située la petite ville de Bard: son château, bien fortifié, commande le passage. L'armée française surmonta cependant ce nouvel obstacle. Elle sut même, en peu de temps, se rendre maîtresse du fort, qu'elle battit en brèche avec des canons montés à force de bras sur des hauteurs qui semblaient inaccessibles.

Se répandant dans l'Italie comme un torrent qui renverse tout ce qu'il rencontre sur son passage, cette armée, destinée à de si grandes choses, se fut bientôt mise en possession de tout le pays qui appartenait précédemment à la république italienne, entre la Sesia et le Serio. Bonaparte entra le 1er juin dans Milan, et le lendemain il y fit chanter un Te Deum.

L'ardeur était portée jusqu'à l'exaltation parmi les soldats, et leur chef faisait tout pour entretenir ces dispositions héroïques. Dans une occasion, il

dit à une des demi-brigades qui montraient le plus de zèle : Voilà deux ans que vous passez sur les montagnes, souvent privés de tout, et vous êtes toujours à votre devoir sans murmurer; c'est la première qualité du bon soldat. Je sais qu'il vous était dû il y a huit jours huit mois de prêt, et que cependant il n'y a pas eu une seule plainte. Pour preuve de ma satisfaction de votre bonne conduite, à la première affaire, vous marcherez à la tête de l'avant-garde. Ces paroles ont été critiquées dans une suite de l'histoire de France d'Anquetil, assez mal pensée; elles n'en produisirent pas moins leur effet le poste le plus périlleux est, dans le fait, celui auquel aspirent les vrais braves, et ils doivent le regarder comme une récompense.

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Le comte de Mélas, qui commandait les Autrichiens en Italie, ne pouvait croire au passage des Alpes par une armée française. Il traitait comme des plaisanteries toutes les nouvelles qu'on lui donnait à ce sujet, et croyait avoir tout au plus affaire à une seule division destinée à troubler par des inquiétudes le siége de Gênes. Le 28 mai, il écrivait à une personne qu'il avait laissée à Pavie: Je sais que l'on dit en Lombardie qu'une armée française arrive: ne craignez rien; je vous défends de partir. Il finit néanmoins par être mieux informé; `et épouvanté de ce qu'il apprenait, le jour même de l'entrée de nos troupes à Milan, il quitta Turin, et songea sérieusement à rassembler les siennes et

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