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» tout homme sensé de concevoir ni d'admettre. » Que faire au milieu de toutes ces contradic» tions? Etre toujours modeste et circonspect, » mon enfant : respecter en silence ce qu'on ne » saurait ni rejeter ni comprendre, et s'humilier » devant le grand Etre qui seul sait la vérité *. » Quand Rousseau fait presque de Socrate un sophiste, quand il abaisse la philosophie pour élever la religion, il ne s'entend pas lui-même; il ne voit pas qu'en ravalant l'esprit humain sous une face, il s'attaque à la cause universelle des choses, toujours sacrée et toujours la même à des dégrés différens.

De la religion, je passe à la politique du philosophe. L'homme est primitivement dans l'état de nature; s'il en sort, c'est par son consentement, par un acte de sa volonté. Donc toute société est fondée sur un contrat, sur un pacte; et l'homme est sociable parce qu'il veut l'être. Si la volonté est le fondement de la sociabilité individuelle, elle est aussi la base de l'état. Toutes les volontés individuelles consentant à la société formeront une volonté générale qui constituera la souveraineté : souveraineté une et indivisible

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dans son expression, incommunicable, et qui ne saurait se déléguer. Jean-Jacques a pris soin lui-même de résumer sa politique dans la sixième des Lettres de la montagne : « Qu'est-ce qui fait » que l'état est un? c'est l'union de ses membres. » Et d'où naît l'union de ses membres? de l'obligation qui les lie. Tout est d'accord jusqu'ici. Mais quel est le fondement de cette obli>> gation? Voilà où les auteurs se divisent. Selon » les uns, c'est la force; selon d'autres, l'autorité >> paternelle; selon d'autres, la volonté de Dieu. » Chacun établit son principe et attaque celui » des autres. Je n'ai pas moi-même fait autre>> ment; et, suivant la plus saine partie de ceux

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qui ont discuté ces matières, j'ai posé pour >> fondement du corps politique la convention » de ses membres; j'ai réfuté les principes dif»férens du mien....... L'établissement du con» trat social est un pacte d'une espèce particu>>lière, par lequel chacun s'engage avec tous; >> d'où s'ensuit l'engagement réciproque de tous » envers chacun, qui est l'objet immédiat de >> l'union. Je dis que cet engagement est d'une espèce particulière, en ce qu'étant absolu, sans >> condition, sans réserve, il ne peut toutefois » être injuste, ni susceptible d'abus, puisqu'il

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>> n'est pas possible que le corps se veuille nuire » à lui-même, tant que le tout ne veut que pour » tous..... La volonté de tous est donc l'ordre, » la règle suprême, et cette règle générale et per» sonnifiée est ce que j'appelle le souverain. Il >> suit de là que la souveraineté est indivisible, >> inaliénable, et qu'elle réside essentielleemnt >> dans tous les membres du corps. Mais com>> ment agit cet être abstrait et collectif? Il agit » par des lois, et il ne saurait agir autrement. » Et qu'est-ce qu'une loi? c'est une déclaration publique et solennelle de la volonté générale » sur un objet d'intérêt commun..... Mais l'application de la loi tombe sur des objets parti>> culiers et individuels. Le pouvoir législatif, qui >> est le souverain, a donc besoin d'un autre pou» voir qui exécute, c'est-à-dire qui réduise la loi » en acte particulier..... Ici vient l'institution du » gouvernement. Qu'est-ce que le gouverne>> ment? c'est un corps intermédiaire, établi >> entre les sujets et le souverain pour leur mu>>>tuelle correspondance, chargé de l'exécution » des lois et du maintien de la liberté, tant civile >> que politique. Le gouvernement, comme par» tie intégrante du corps politique, participe à » la volonté générale qui le constitue; comme

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» corps lui-même, il a sa volonté propre. Ces » deux volontés quelquefois s'accordent, et quelquefois se combattent. C'est de l'effet combiné » de ce concours et de ce conflit que résulte le » jeu de toute la machine. Le principe qui con»stitue les diverses formes du gouvernement » consiste dans le nombre des membres qui le >> composent..... Les diverses formes dont le gou» vernement est susceptible se réduisent à trois principales. Après les avoir comparées par leurs » avantages et par leurs inconvéniens, je donne » la préférence à celle qui est intermédiaire entre >> les deux extrêmes, et qui porte le nom d'aris>>tocratie..... Enfin dans le dernier livre, j'exa» mine par voie de comparaison avec le meilleur » gouvernement qui ait existé, savoir celui de » Rome, la police la plus favorable à la bonne » constitution de l'état. Puis je termine ce livre » et tout l'ouvrage par des recherches sur la ma»> nière dont la religion peut et doit entrer comme » partie constitutive dans la composition du » corps politique. Que pensiez-vous, monsieur, >> en lisant cette analyse courte et fidèle de mon >> livre? Je le devine; vous disiez en vous-même: » Voilà l'histoire du gouvernement de Genève. » C'est ce qu'ont dit, à la lecture du même ou

vrage, tous ceux qui connaissent votre consti>>tution..... J'ai donc pris votre constitution, que » je trouvais belle, pour modèle des institutions » politiques; et vous proposant en exemple à » l'Europe, loin de chercher à vous détruire, » j'exposai les moyens de vous conserver. Etc. »

Il est historiquement remarquable que Rous seau ait considéré comme exemple et comme modèle la constitution aristocratique de Genève; ainsi Aristote avait derrière lui Alexandre, Pla ton, l'Orient; Spinosa, la république hébraïque; Machiavel, l'Italie du quinzième siècle; Locke, l'Angleterre de 1688 tant la philosophie sociale, quelque idéaliste et indépendante qu'elle se puisse concevoir, doit toujours s'appuyer sur la réalité! Le conseil est au surplus à peu près inutile; il n'en saurait être autrement. Mais si Rousseau songeait à Genève en construisant ses théories, ses théories allèrent plus loin que sa pensées et ce publiciste, qui se disait ou se croyait aristocratique, s'est fait le législateur de la démocratie.

Quel est véritablement le début historique du pouvoir législatif? Les sociétés ne commencent pas par le contact et l'équation de volontés indépendantes et égales, mais par la soumission

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