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concession. Bossuet en vient enfin à accorder même l'infaillibilité ex cathedra.Il ne s'accroche plus au gallicanisme que par une subtilité. Vous admettez, dit-il aux ultramontains, que l'infaillibilité ne s'attache ni à l'homme, ni au docteur privé, ni au chef de la société spirituelle, qu'elle appartient uniquement au docteur parlant ex cathedra. A quoi reconnaîtra-t-on que le Pape a parlé ex cathedra? quels en seront les signes certains? Un concile n'est réputé avoir été œcuménique que si le consentement de l'Église l'a reconnu tel. Pourquoi ne ferait-on pas dépendre aussi du consentement de l'Église le caractère ex cathedra des décisions sur la foi et les mœurs. La décision infaillible serait celle que l'Église universelle aurait acceptée comme rendue ex cathedra.

Bossuet espérait avoir rejeté ainsi toute la controverse sur l'infaillibilité au nombre des questions spéculatives et vides (1). En effet, aucune décision des Papes en matière dogmatique n'ayant été contestée par l'épiscopat, l'intérêt pratique n'était plus considérable; l'intérêt théorique n'en subsistait pas moins. Aussi les ultramontains ne conclurent-ils pas la transaction qu'on leur offrait. D'abord ils n'admirent pas que l'œcuménicité d'un concile dépendît du consentement de l'Église : la confirmation pontificale suffisait à la mettre hors de doute. Ensuite, ils ne voulurent pas reconnaître que l'infaillibilité fût subordonnée à une autre assistance qu'à celle de Jésus-Christ. Le Pape était infaillible selon eux, ex sese, par lui-même, indépendamment de toute intervention quelconque de l'É

(1) Corollarium Defens., § 8.

glise. Le dissentiment subsista donc. Il s'agissait, au fond, d'une question de forme de gouvernement, pour employer le langage moderne. Selon les ultramontains, la Papauté était une monarchie de droit divin, absolue. Selon les gallicans, elle était aussi une monarchie de droit divin, mais tempérée par les canons et contrôlée par l'épiscopat, une monarchie constitutionnelle, comme on dirait aujourd'hui.

Examinons maintenant la conception que les deux écoles s'étaient faite de la nature et de la constitution du pouvoir politique. Adressons-nous d'abord à l'ultramontain. Il nous répondra par un axiome bien souvent oublié dans ces discussions: que le pouvoir ecclésiastique est distinct du pouvoir politique et régi par d'autres lois (1).

De ce point de départ, il conclura aussitôt que, par opposition au pouvoir ecclésiastique, dont l'origine est de droit divin, l'origine des pouvoirs politiques est purement humaine (2). Entendons-nous bien cependant. Dieu, en créant l'homme et en établissant des sociétés, a mis dans les sociétés comme une nécessité et dans l'homme comme un instinct, cette croyance qu'une multitude ne peut pas vivré sans un chef. Une multitude qui ne serait pas tenue par ce lien plus ou moins resserré, qu'on appelle un gouvernement, ressemblerait à des épis de blé qu'une attache vigoureuse n'a pas réunis en gerbes; elle s'en irait de tous les côtés, se

(1) Non esse eamdem rationem politici et ecclesiastici regiminis. BELLARMIN, Rom. pontef., 1. I, c. 1x.

(2) Dominia et principatus politicos non esse de jure divino sed de jure humano. SAINT THOMAS, II, 2, quæst. X, art. 10; quæst. XII,

art. 2.

dispersant, sans consistance et sans unité. Dans ce sens, Dieu a créé la souveraineté, Omnis potestas a Deo.

Mais quelle sera la forme de cette souveraineté? En quels hommes se personnifiera-t-elle? Voilà qui est de droit purement humain. Dieu a confié le pouvoir au peuple, à la multitude; je ne modernise pas mon langage, je me sers des expressions mêmes des théologiens (1). Au peuple seul de déterminer, entre les diverses formes de gouvernement possibles, celle qui convient le mieux à son tempérament, à ses désirs, à ses intérêts. République, monarchie, aristocratie sont également licites et acceptables; et pas plus un roi qu'un président de république ou qu'un président de sénat n'a le droit de dire: Je parle au nom de Dieu, j'ai reçu de lui l'investiture, je suis son représentant. C'est le peuple qui fait le roi, populus facit regem (2). Aucun gouvernement n'est, en particulier, d'origine divine; c'est l'excellent axiome de la théologie (3).

Les ultramontains ne se contentent pas d'établir le droit du peuple à choisir entre les divers gouvernements dont l'histoire leur offre le développement plus ou moins heureux; il en est un qu'ils préfèrent et qu'ils lui proposent. C'est la monarchie tempérée

Defensio, lib. III,

(1) SUAREZ, De Legibus, lib. III. cap. iv, § 5. cap. 11. BELLARMIN, De Laicis, lib. III, cap. vi. De Potestate summi pontificis in rebus temporalibus, cap. 111 et v.

(2) BELLARMIN, De Conciliis, 1. 11, c. xvi. De Romano pontef., lib. I, cap. vi; lib. V, cap. vii.

(3) Suarez, Defensio, l. III, c. 11, § 10: « Nullum regem vel monarchum habere vel habuisse immediate a Deo, vel ex divina institutione politicum principatum, sed mediante humana voluntate et institutione. Hoc est egregium theologiæ axioma. »

d'aristocratie et de démocratie. Au sommet, un chef suprême nommé rex; au-dessous, des princes, principes, préposés au gouvernement d'une cité ou d'une province, dépendants quoique ayant un droit propre. Ce roi et ces principes; - ce qui surprendra tant de déclamateurs superficiels qui se déchaînent contre l'ultramontanisme sans savoir en quoi il consiste, — ce roi et ces principes, au lieu d'être désignés par l'hérédité seraient élus par tout le peuple, car le gouvernement le plus utile et le plus agréable à tous, utilior et gratior, est celui auquel tous participent, cujus omnes participes esse possunt (1).

Tel est le type libéral et populaire que l'ultramontanisme donne de la monarchie. Il est néanmoins loisible au

(1) BELLARMIN, De Romano pontef., l. I, c. 1: « Regimen temperatum ex omnibus tribus formis, propter naturae humanae corruptionem, utilius est quam simplex monarchia, quae sane gubernatio id requirit, ut si quidem in repub. summus aliquis Princeps, qui et omnibus imperet, et nulli subjiciatur: Praesides tamen provinciarum vel civitatum, non sint regis vicarii, sive annui judices, sed veri Principes, qui et imperio summi Principis obediant, et interim provin ciam vel civitatem suam, non tanquam alienam, sed ut propriam moderentur. Ita locum haberet in republica tam regia quaedam Monarchia, quam etiam principum optimatium Aristocratia. Quod si his adderetur, ut neque summus ille Rex, neque Principes minores haereditaria successione dignitates illas acquirerent, sed ex universo populo optimi quiq. ad eas eveherentur: jam esset etiam suus quidem locus Democratiae in repub. attributus, futuram autem in omnibus gratiorem, ex eo percipi potest quod omnes illud genus regiminis magis amant, cujus participes esse possunt: quale sine dubio est hoc nostrum, cum virtuti, non generi deferatur. » — SUAREZ, De Fide, disp. IX, sect. vi, no 10 : « Quamvis contendamus monarchicum esse optimum, non tamen negamus homines, propter eorum imbecilitatem, necesse esse supremum monarcham subordinatis sibi potestatibus adjuvari, atque adeo monarchiam quodammodo per democratiam temperari. · Voir aussi De Legibus, 1. III, c. iv. SAINT THOMAS, quæstio XCV, et De Regimine principum, 1. I, c. vi.

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peuple de placer au-dessus de lui un monarque héréditaire. Toutefois qu'il réfléchisse bien avant de s'y résoudre, car l'acte qu'il accomplira est sérieux. Ce ne sera pas une simple délégation, delegatio, qu'il pourra reprendre à son gré, ce sera une alienatio, une aliénanation de sa souveraineté. Rien ne l'obligeait à établir une royauté; il pouvait se régir en république ; il s'est décidé pour un roi, il est lié, il doit une perpétuelle obéissance. Y manque-t-il, il devient un séditieux qu'on réprime.

Le roi seul peut lui rendre sa liberté, s'il manque au pacte, aujourd'hui nous dirions à la constitution, out s'il devient tyran. De nos jours, on a singulièrement abusé du mot tyran, et il est devenu le synonyme de roi; l'ultramontanisme en a donné une définition classique et fort belle, celle de saint Thomas d'Aquin : « Le tyran est celui qui préfère son intérêt particulier à l'intérêt du peuple qu'il gouverne (1). »

Quel est le droit du peuple si le roi héréditaire devient tyran? Bellarmin répond avec sa parfaite netteté : Deponi et eligi alium, qu'il le dépose et en élise un autre (2). Aucun ultramontain n'a contesté cette solution. Quelques-uns même étaient allés jusqu'à reconnaître à un individu quelconque, à ses risques et périls, le droit de punir le tyran. Au concile de Constance, l'Église condamna cette thèse dans la personne de Jean.

(1) Tyrannus qui sua commoda ex regimine quaerat, non autem bonum multitudinis sibi subjectae. De Regim. princip., 1. I, c. 1. (2) De Conciliis, 1. II, c. XIX. SUAREZ, Defensio, 1. III, c. 11, SAINT THOMAS, 22, quæst. XLII, art. 2 et 3. Bellarmin ne croit pas que le cas soit rare: Tyranni sunt plerumque (De Rom. pontef., l. I, c. 1x).

§ 3.

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