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Petit et décida que ce droit redoutable n'appartient qu'à la nation, et que ceux-là seuls qui ont institué le pouvoir peuvent le retirer (1). Les ultramontains conseillaient de n'user du droit de déposer le tyran qu'avec prudence et s'il ne devait pas en résulter un mal plus considérable à la communauté; ils n'admettaient pas qu'on contestât le principe; quand on leur objectait l'exemple des chrétiens qui avaient supporté sans se révolter les Néron, les Dioclétien et les Julien l'Apostat, ils ripostaient les chrétiens ne se sont pas révoltés, parce que les forces leur manquaient; ils l'eussent fait s'ils en avaient eu le pouvoir (2).

Lorsque les intérêts spirituels du peuple sont menacés ou atteints, un autre justicier s'élève au-dessus du peuple ou à côté de lui, et, au besoin, supplée à son inertie ou à son impuissance, le Pape. Le Pape représente la société spirituelle, c'est-à-dire l'âme; il a le droit de veiller sur la société temporelle, c'est-à-dire sur le corps. Directement il ne peut intervenir dans le maniement des affaires temporelles, car elles ne sont pas l'objet de sa mission; il le peut indirectement, par voie de conséquence, d'une manière secondaire, si

(1) Suarez, Defensio, 1. VI, c. iv, no 15: Respublica tota, publico et communi consilio civitatum et procerum.

(2) BELLARMIN, Rom. pontef., 1. V, c. vu: «.Quod si Cristiani olim non deposuerunt Neronem et Diocletianum, et Julianum Apostatam, ac Valentem Arianum et similes, id fuit quia deerant vires temporales Cristianis. Nam quod alioqui jure potuissent id facere, patet ex, Apostolo 1, Cor., 6, ubi jubet constitui novos judices a Cristianis temporalium causarum, ne cogerentur Cristiani causam dicere coram judice, Christi persecutore. Sicut enim novi judices constitui potue runt, ita et novi principes et reges propter eamdem, causam, si vires

adfuissent. »

l'impulsion donnée aux affaires temporelles trouble les âmes et compromet les intérêts supérieurs dont il est le gardien. Dans ce cas, il peut avertir les chefs du pouvoir politique, les reprendre, les frapper de l'excommunication, et, s'ils ne se corrigent pas, les déposer, leur enlever un trône qu'ils ne méritent plus de conserver (1).

Le Pape n'a pas seulement action sur les princes, il peut aussi modérer le droit des peuples, leur prescrire de ne pas s'insurger, de ne pas déposer leur roi avant qu'il ait examiné leurs griefs, afin qu'ils soient préservés des maux auxquels les âmes s'exposent dans les séditions et dans les rébellions injustes (2).

Remarquons, toutefois, que si le pouvoir indirect du Pape est une partie considérable de la théorie politique de l'ultramontanisme, elle ne la constitue pas tout entière.

L'ultramontain entendu, écoutons maintenant le gallican et admirons une fois encore l'inconséquence de l'esprit humain. Ce gallican que nous venons de voir si libéral contre le Pape, si préoccupé de prévenir ses abus de pouvoir en le liant aux canons, si ferme à établir la suprématie du concile, n'a plus que confiance, soumission et servilité dès qu'il s'agit du roi. Il commence par repousser le pouvoir indirect du spirituel sur le temporel, par lequel toutes les souverainetés de la terre se trouveraient abattues d'un seul coup et

(1) SUAREZ, Defens., 1. III, c. xx1, no 2 : Dirigere præcipiendo, cogere puniendo, etiam usque ad privationem regni. BELLARMIN, Rom. pontef., 1. V, c. v et seq. - De Potestate summi pontificis in rebus temporalibus.

(2) SUAREZ, Defensio, 1. VI, c. iv, no 17.

totalement anéanties. Il revendique fièrement l'indépendance de l'État laïque. Mais comment constituet-il cet état laïque? Il vient de démontrer à force d'arguments et d'objurgations qu'il y aurait péril à laisser le Pape absolu et à ne pas le subordonner au concile. Va-t-il se rappeler ces préceptes quand il s'agit du roi? Du tout. Le roi est absolu; il ne doit compte à personne de ce qu'il ordonne. Sa parole est toute-puissante et personne ne peut lui dire pourquoi faitesvous cela? Sa volonté est la seule règle de son pouvoir, personne ne peut donner de bornes à son autorité; les états généraux ne sont qu'une réunion de sujets; ils peuvent présenter des doléances pourvu qu'elles ne soient pas pleines d'aigreur et de murmure, ce qui serait un commencement de sédition; le roi demeure seul juge de ces doléances.

Mais si ce roi ainsi tout-puissant et absolu gère mal la chose publique, s'il opprime ses sujets, s'il préfère son intérêt particulier à l'intérêt général, n'y aura-t-il pas un recours? Non. Aucun recours; contre l'auto rité du roi il ne peut y avoir de remède que dans son autorité. Même s'il commande contre Dieu? Même s'il commande contre Dieu; même s'il est persécuteur et hérétique. Nul prétexte, nulle raison ne peuvent autoriser la révolte (1). Seulement, si l'ordre du roi est contre la conscience, l'obéissance étant due à Dieu plutôt qu'aux hommes, on refusera d'obéir à la loi sacrilège, on résistera passivement, on subira patiemment les peines de la désobéissances sans en venir jusqu'à se soulever contre l'autorité souveraine.

(1) Assemblée du clergé de 1765.

.

Tant de pouvoir à un homme! il y avait de quoi choquer le bon sens. On avisa. Encore du temps. d'Henri IV les gallicans étaient d'accord avec les ultramontains sur l'origine purement humaine du pouvoir politique. Nous en trouvons la preuve dans un curieux passage de Guy Coquille. « Charles Martel et son fils Pépin, dit-il, sont des usurpateurs de la couronne de France. Aussi la lignée de Charlemagne pendant les deux cent quarante ans environ qu'elle dura n'eut pas longue prospérité. Elle n'eut que le tiers en prospérité, et encore, en ce premier tiers, les enfants firent outrage à leur père et, après sa mort, combattirent en bataille l'un contre l'autre. L'autre tiers fut en abaissement et en déclination précipitée, et le dernier tiers en pure misère et abjection du tout éloignée d'une majesté royale. Tandis que la lignée de Hugues Capet, qui eut sa légitime vocation par les États du Royaume, a duré six cents ans et dure encore, a eu des afflictions, mais Dieu l'a toujours relevée (1). »

Sous Richelieu, une autre théorie apparaît pour la première fois l'autorité royale n'a pas été créée par les suffrages de la communauté; le souverain a reçu immédiatement son pouvoir de la puissance divine, sans aucun intermédiaire. C'est Pierre Marca qui lance la nouveauté dans son livre De Concordia sacerdotii et imperii (1641). Bossuet et tous les gallicans ecclésiastiques ou laïques suivent, et sous Louis XIV le droit divin devient définitivement le dogme politique du

(1) Discours de M. Guy Coquille, Des droits ecclésiastiques et libertés de l'Église gallicane, et les raisons et moyens d'abus contre les bulles décernées par le pape Grégoire XIV contre la France, 1591.

gallicanisme. Les princes agissent comme ministres de Dieu et ses lieutenants sur la terre; ils sont les représentants de la majesté divine, députés par sa providence à l'exécution de ses desseins; la sainteté inhérente au caractère royal ne peut être effacée par aucun crime. De là chez les princes la religion de seconde majesté qui s'attache à leur personne et qui est comme un écoulement de la première. Ils sont des dieux et participent à l'indépendance divine. L'idolâtrie monarchique est constituée. Au-dessus du Pape-Pontife trône le Roi-Pape.

Vous savez maintenant en quoi l'ultramontanisme diffère du gallicanismc. Selon les ultramontains, dans l'ordre ecclésiastique, le gouvernement est absolu, sans contrôle; dans l'ordre politique, il est tempéré, contenu par le peuple et par le Pape. Selon les gallicans, dans 'ordre ecclésiastique le gouvernement est tempéré par les canons et contenu par l'épiscopat; dans l'ordre politique, il est absolu et sans contrôle de personne.

Les deux théories sur la nature du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir politique ne sont ni dans l'ultramontanisme ni dans le gallicanisme unies par un lien nécessaire. On peut très bien être à la fois ultramontain dans l'Église et gallican dans l'État et réciproquement. Ainsi François de Sales est certainement un infaillibiliste résolu, et cependant il ne voulut jamais, je ne dis pas soutenir, mais même examiner la thèse ultramontaine du pouvoir indirect. Il déplorait qu'on fìt de cette dispute périlleuse un jouet et un sujet de parlerie; quoiqu'il chérît tendrement et vénérât selon ses mérites le cardinal Bellarmin, il le blâmait de s'être engagé dans cette controverse. « La

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