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LA RELIGION EN FACE DE LA SCIENCE.

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Voici l'ordre des objets que nous examinerons successivement: 1o Nature de la création : Que faut-il entendre par ce mot création ? En quoi consiste l'acte créateur? 2o Epoque de la création; combien y a-t-il de temps que la matière existe ? 3o Etat primordial de la matière: quelle forme avait la matière au moment de sa création ?

Nous nous occuperons aujourd'hui des deux premières questions.

I. Nature de la création.

Il s'agit ici de savoir précisément et exactement ce que c'est que la création, d'en examiner la nature et la possibilité, et de voir si les objections qu'on a faites contre elle sont sérieuses et solides.

1° La création considérée en elle-même.

Tout le monde (1) est d'accord pour définir la créa

(1) J'entends par tout le monde tous ceux qui ne sont ni matérialistes, ni athées, ni dualistes, ni émanatistes, ni panthéistes, puisque nous avons écarté tous ces systèmes dans les leçons précédentes.

C'est pourquoi il ne faut pas admettre la définition que M. Cousin donne de la création, en disant que Dieu ne tire pas le monde du néant, mais de lui-même, ce qui mène au panthéisme. (Introd. à l'hist. de la philos., 4 édition. Paris, 1861, page 100.)

tion: l'acte instantané par lequel Dieu tire une substance du néant.

Il y a plusieurs choses à examiner dans cette définition.

Et d'abord nous disons que la création consiste à produire une substance. Examinons ce qu'il faut entendre par ce mot substance.

Je ne veux pas reproduire ici toutes les définitions qu'on a données de la substance (1). Etymologiquement ce mot vient de deux mots latins: sub, stare, se tenir dessous. La substance est donc ce qui se tient sous les modes, sous les formes sensibles, sous les apparences. Quelques exemples vous feront saisir ce qu'il faut entendre par la substance. Voici un bloc de glace: elle est blanchâtre, dure, froide; je place cette glace sur un foyer; elle se fond, devient liquide, transparente, chaude; est-ce que la substance qui constituait la glace a changé ? Nullement. Aucune matière nouvelle n'a été ajoutée à celle qui formait la glace; aucune particule de glace n'a disparu : les formes seules ont changé. Les formes, ce sont la couleur, la dureté, la mollesse, le poids, la température, l'aspect extérieur, etc. On peut faire varier à l'infini toutes ces circonstances de la matière, sans

(1) On sait que Spinoza a déduit son système d'une définition ambiguë de la substance, empruntée à Descartes. (Voir pour ces définitions les manuels de philosophie, surtout Tongiorgi, Liberatore, Zigliara, etc.)

altérer, sans modifier la substance: la substance de l'eau est la même que celle de la glace. Je puis pousser plus loin l'expérience: cette eau, qui n'est autre chose que de la glace fondue, je puis la faire bouillir; à 100 degrés elle entrera en vapeur; elle deviendra alors incolore, sans forme déterminée, très-chaude, etc. Mais ici encore la substance de la glace et de l'eau sera la même dans la vapeur, et si vous refroidissez cette vapeur, vous retrouvez la même eau, et plus tard la même glace.

Or ce qui ne change pas dans l'eau, dans la glace, dans la vapeur, quand je fais subir à ce corps ces diverses transformations, c'est ce qu'on appelle la substance. Cette substance peut prendre diverses formes, subir des modifications nombreuses, mais elle ne change pas, dans sa nature intime. Ce qu'on appelle modes, ce sont les apparences multiples que peut revêtir tour à tour la matière. Ce papier pourrait être coupé en morceaux, coloré de diverses façons, être réduit en pâte ou moulé en une statue; mais ce serait toujours du papier, sa substance serait demeurée la même.

Nos sens ne nous révèlent rien de la substance; à peine la chimie a-t-elle entrevu quelque chose de sa nature, comme j'essaierai de vous le faire comprendre plus tard; nous devinons, nous sentons, nous supposons nécessairement la substance, mais nous ne voyons, nous ne percevons que les apparences;

ce qui frappe mes regards, dans ce papier, ce n'est pas la substance, c'est la couleur blanche, couleur qui existe aussi bien sur la neige, sur la faïence, etc.; ce que j'éprouve quand je promène ma plume sur ce papier, c'est une résistance due à la dureté, aux aspérités du papier; je ne sens pas le papier; je sens ses qualités; quand je soulève ce papier, c'est son poids que j'apprécie, ce n'est pas le papier. Et cependant la raison nous dit que pour qu'il y ait de la blancheur, de la résistance ou du poids, il faut nécessairement quelque chose qui soit blanc, résistant, pesant; ces propriétés ne sont pas attachées à rien; elles supposent quelque chose à quoi elles soient liées; ce quelque chose, c'est encore la substance.

Voilà pourquoi la substance peut se définir : ce qui supporte les modes, ce qui existe sous les apparences (sub-stat) (1).

Cette distinction de la substance d'avec le mode nous suffit pour l'explication de la création.

L'homme peut créer le mode, mais il ne saurait créer la substance. Créer le mode veut dire simplement faire subir un changement aux apparences des corps. Tous les jours l'homme crée

(1) Les sensualistes en général et Condillac en particulier, en définissant la substance : l'ensemble des propriétés, en dénaturent complétement l'idée et vont contre le sens commun, qui ne peut concevoir des propriétés sans un sujet auquel ces propriétés sont appliquées.

des modes. Quand vous prenez un crayon et que vous dessinez une figure, vous créez un mode, c'està-dire que vous faites subir au papier sur lequel vous dessinez, et au crayon dont vous vous servez, diverses modifications; vous faites adhérer au papier, selon de certaines directions, une certaine quantité de la substance du crayon; mais vous n'avez créé ni la substance du crayon ni celle du papier. Ce papier lui-même a été formé par l'homme, mais non créé, comme substance: pour faire ce papier il a fallu avoir des chiffons, lesquels provenaient de substances végétales, coton, lin, etc., que l'homme n'avait pas créées; le crayon est un composé de diverses substances, graphite, graisse, etc., dont aucune n'a été créée par l'homme; celui-ci s'est borné à réunir, dans de certaines conditions, certaines substances qu'il a trouvées toutes faites; mais jamais l'homme n'a créé un seul atome d'une seule substance.

Et si nous allons plus loin, et que nous descendions jusque dans la composition intime des corps, nous retrouvons toujours l'homme dans la même impuissance de rien créer. La chimie décompose l'eau; elle y trouve deux gaz, de l'hydrogène et de l'oxygène; ces deux gaz n'ont, ni l'un ni l'autre, aucune analogie avec l'eau ; ils ne sont de l'eau ni l'un ni l'autre; que certaines forces interviennent et voici que ces deux gaz se combineront entre eux selon cer

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