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(Nous reproduisons ici la déclaration faite par M. Cousin l'année dernière, et qui est rappelée p. 61.)

SÉANCE DU LUNDI 15 MAI 1843.

M. COUSIN. Monsieur le Chancelier, j'ai plusieurs fois demandé la parole, et toujours en vain; et je le regrette peu, M. le ministre de l'instruction publique ayant dignement défendu l'Université. Il ne me reste qu'à soumettre à la Chambre de courtes observations sur l'état précis de la question.

Sur quoi la Chambre va-t-elle voter? Est-ce, comme l'a pensé mon honorable ami, M. le baron Dupin, non pas seulement sur la demande d'une loi nouvelle qui règle et organise la liberté d'enseignement dans l'instruction secondaire, mais aussi sur la demande nouvelle de rétablir des corporations religieuses auxquelles serait confié l'enseignement ? Ce sont là deux questions bien distinctes.

Si la dernière de ces deux questions est directement ou indirectement engagée dans celle qui est soumise à la Chambre, je suis bien décidé à me joindre à mon honorable ami pour réclamer l'ordre du jour.

Je ne reviendrai pas sur les raisons puissantes qu'il a données. Si parmi les corporations religieuses enseignantes dont on invoque le retour, est cachée une société fameuse, supprimée au milieu du dernier siècle; si tel est le but mystérieux des pétitionnaires, je suis prêt à le combattre avec énergie, et, si j'y suis forcé, à exposer et à défendre les graves motifs qui ont décidé nos pères à ce grand acte, ratifié d'ailleurs par l'assemblée constituante, et qui est comme le fondement de la législation actuelle.

Mais je n'ai pas compris que les pétitionnaires eussent osé porter devant vous une demande aussi hardie; j'avais cru seulement

que, parmi toutes les raisons bonnes ou mauvaises qu'ils avaient exposées pour autoriser leur demande unique, la demande d'une loi nouvelle, fondée sur le principe de la liberté, se rencontrait aussi celle de la prétendue aptitude des corporations religieuses à l'enseignement. Cette raison est très-mauvaise, et M. le rapporteur l'a très justement combattue. Mais comme nous ne votons pas, ce me semble, sur les motifs allégués par les pétitionnaires, mais bien sur le fond même de ces pétitions, il m'a paru que tous les motifs, quels qu'ils soient, étant écartés et négligés, nous n'avions à voter que sur ce point : faut-il, oui ou non, renvoyer au ministre de l'instruction publique toutes les pétitions qui réclament la réalisation de la promesse de la Charte relativement à la liberté d'enseignement?

La question sur laquelle nous avons à voter étant ainsi dégagée, M. le ministre ne s'est pas opposé au renvoi proposé par votre comité des pétitions, bien entendu sous le bénéfice des observations fermes et judicieuses présentées par l'honorable rapporteur; et moi-même alors, je ne m'opposerai pas plus au renvoi que M. le ministre de l'instruction publique.

Maintenant, Messieurs, puisque j'ai la parole, permettezmoi de répondre quelques mots presque personnels à une accusation que M. le marquis de Barthelemy a jetée dans ce débat. J'ai été surpris de voir mon noble collègue prononcer devant cette chambre des noms de systèmes métaphysiques qui lui sont peu familiers, je suppose, mettre ces systèmes en opposition avec la religion catholique, et transformer ainsi la chambre en une sorte d'Académie des sciences morales et politiques. Non, Messieurs, vous n'êtes point une académie où s'agitent des questions de philosophie; vous êtes des hommes d'État qui renvoyez tous les systèmes à d'autres discussions et ne demandez qu'une chose, mais la demandez fortement; à savoir que tout enseignement, quel qu'il soit, philosophique ou non, donne à la société des garanties sérieuses; vous demandez qu'il serve et qu'il ne nuise pas, que, loin d'être contraire, il soit hautement favorable à la cause générale de l'ordre. C'est sur ce point, mais sur ce point seul, que je dois à la chambre une explication simple et catégorique.

Oui, l'enseignement général de l'Université a pour base la religion catholique; voilà bien ce que dit l'article 38 du décret

de 1808 (1); mais j'ignore où M. le marquis de Barthélemy a pris que la religion catholique devait être le fondement de l'enseignement de cette science particulière qu'on appelle la philosophie. Une telle prescription n'existe pas et ne peut pas exister. La philosophie enseigne ces grandes vérités que, grâce à Dieu, la raison nous découvre, et sur lesquelles reposent partout et la famille, et la morale publique et privée, et la dignité de la vie humaine et la sûreté des États. Ces grandes vérités composent un corps de doctrine ferme et solide, qui n'est pas et qui ne peut pas être l'enseignement religieux lui-même, mais qui s'y lie heureusement. Encore une fois, Messieurs, vous êtes des hommes d'État qui ne devez pas entrer dans des détails d'école; mais j'ai besoin de répondre à la conscience de cette assemblée, en vous déclarant ici, avec la connaissance intime des faits, qu'à l'heure où nous parlons, il ne s'enseigne dans aucune classe de philosophie d'aucun collége du royaume, aucune proposition qui directement ou indirectement puisse porter atteinte à la religion catholique. (Vive sensation.) J'ajoute, et je désire que mes paroles soient entendues hors de cette enceinte, j'ajoute que si un seul professeur de philosophie de l'Université s'écartait un seul instant du respect profond et sincère qu'il doit à la religion catholique, il y serait énergiquement rappelé. Mais, grâce à Dieu, ni M. le ministre, ni moi, qui suis chargé au conseil royal de la surveillance de l'enseignement philosophique, nous n'avons besoin de tant d'énergie; nous trouvons partout un concours intelligent. L'Université est accoutumée à puiser la philosophie qu'elle enseigne aux sources les plus pures auxquelles la religion vient souvent puiser ellemême. Descartes, Leibnitz, Malebranche, Fénelon, Bossuet, voilà les maîtres vénérés qui président à l'enseignement de nos écoles. Inspirée par de tels maîtres, fidèle à l'esprit du dixseptième siècle, tout en suivant les progrès de notre temps, la philosophie de l'Université a droit à quelque reconnaissance; elle était loin de s'attendre à d'outrageantes calomnies.

Sans entrer dans aucun détail qui serait ici déplacé, voulezvous me permettre de vous présenter une preuve démonstrative de l'entière sécurité que doit vous inspirer l'enseignement phi

(1) Le sens vrai de cet article a été donné p. 152.

losophique donné par l'Université? Cet enseignement repose sur deux fondements: 1° le programme détaillé des questions dans lesquelles doit se renfermer cet enseignement; 2o la liste des auteurs qui seuls doivent être mis entre les mains des élèves. Or, Messieurs, dès mon entrée au conseil royal, il y a plus de douze ans, j'ai dressé moi-même comme conseiller le programme de l'enseignement philosophique, et il y a trois ans, je l'ai perfectionné encore quand j'étais ministre de l'instruction publique. Eh bien, ce programme officiel, universellement suivi et qui dirige partout l'enseignement, ce programme n'a été attaqué dans aucune de ses parties. Enfin, lorsqu'il y a deux ans, je rentrai au conseil, mon premier acte a été de proposer au conseil et à M. le ministre, qui a bien voulu l'approuver, une liste d'auteurs philosophiques à mettre entre les mains des élèves, liste tellement irréprochable et remplie de noms si purs et si grands que beaucoup d'évêques ont applaudi à un pareil choix.

Ainsi, que la chambre se repose sur la vigilance de M. le ministre de l'instruction publique et, j'ose le dire aussi, sur la mienne pas une parole ne sera prononcée dans un cours de philosophie qui puisse donner la plus légère inquiétude à des pères de famille et à des hommes d'État. L'Université connaît son devoir, et elle le remplit: elle le remplit aujourd'hui au milieu des mêmes difficultés qu'elle a traversées en 1815, et je me flatte qu'elle sortira de cette nouvelle épreuve plus forte et plus glorieuse. ( Adhésion. )

Après ces brèves explications, que me commandaient les paroles de M. le marquis de Barthélemy, disons un mot sur le fond même de la question soulevée par les pétitionnaires De quoi s'agit-il? De la demande d'une loi nouvelle qui donnerait la liberté d'enseignement promise par la Charte. Dans mon opinion, la vraie liberté d'enseignement n'est pas aussi méconnue qu'on veut bien le dire par la législation existante, cette législation fondée par Napoléon, et que la Restauration a respectée. On pourrait fort bien défendre, au point de vue le plus libéral, la nécessité et la légitimité de l'autorisation préalable de l'État pour fonder un établissement d'instruction publique. Mais la Charte a parlé, et je pense, Messieurs, je l'ai même déclaré à cette tribune, il y a trois ans, quand je tenais le por

tefeuille de l'instruction publique, que l'autorisation préalable pouvait sans danger être remplacée par des conditions nouvelles : je l'ai pensé et je le pense encore. Oui, mais pourvu que, sous ces conditions nouvelles, comme sous l'autorisation préalable, demeure intact le droit de l'État d'intervenir dans l'éducation des jeunes générations. Ce droit de l'État, c'est le droit même de l'Université; car l'État parmi nous, en matière d'éducation, s'appelle l'Université. Je ne m'oppose donc point à ce que, conformément à la demande des pétitionnaires, M. le ministre vous apporte une loi qui substitue à l'autorisation préalable d'autres conditions. Nous examinerons ces conditions; mais pour moi, je déclare d'avance que l'année prochaine, comme cette année et comme toujours, je maintiendrai le principe à mes yeux sacré de l'intervention de l'État.

Mais, me répondra-t-on, personne ne conteste à l'État le droit de réprimer les abus que la liberté ferait naître. J'avertis que ce droit de répression ne me suffit point, parce qu'il n'est pas assez efficace. Comment! dans une discussion récente et mémorable vous avez soumis la liberté en matière de culte non pas seulement à la répression, mais à un pouvoir préventif; et quand il s'agit d'éducation, là où la prédication religieuse peut se retrouver et s'exercer avec le plus de péril, vous ôteriez à l'État tout pouvoir préventif; vous lui enlèveriez toute intervention dans les conditions nouvelles qu'il s'agit de substituer à l'autorisation préalable! Une telle contradiction serait trop choquante. D'ailleurs, vous n'avez pas agi ainsi dans la belle loi de 1833 sur l'instruction primaire : vous avez ôté l'autorisation préalable pour tenir une école privée, mais à cette autorisation préalable vous avez substitué un brevet de capacité, lequel est conféré par une commission nommée par le ministre de l'instruction publique; de sorte que sous une autre forme subsiste dans une juste mesure le droit de l'État.

Et remarquez que, dans l'instruction secondaire, désarmer l'État, lui ôter toute intervention préventive, serait tout autrement grave que dans l'instruction primaire; là en effet, passez-moi ce détail un peu technique, les écoles privées ne reçoivent que des externes, tandis que dans l'instruction secondaire, les écoles privées seront presque partout des pensionnats qui

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