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lui demander son concours pour la création de la Faculté Catholique de Médecine. Le Dr H. Desplats l'accueillit simplement et vivement en lui disant : « Je vous attendais, je suis votre homme ». Tout ému de cette réponse, où il reconnaissait les desseins de la Providence, M. Feron-Vrau le pria aussitôt de vouloir bien s'associer à ses recherches et de collaborer à la création et à l'organisation de la Faculté de Médecine. Sa vie devint alors d'une activité dévorante, partagée entre les Hôpitaux, sa clientèle et les nombreux voyages dans les villes universitaires; en mars 1876, cette période préparatoire était terminée, et le nouveau Professeur, quittant définitivement Paris, venait s'installer à Lille avec sa famille déjà nombreuse. Il brisait sans regret un avenir brillant, une carrière professorale presque assurée, il abandonnait une clientèle nombreuse et très fidèle, que sa notoriété professionnelle et de brillantes relations ne pouvaient qu'augmenter chaque jour; il répondait simplement, avec toute sa foi et toute la puissance de ses convictions, à l'appel que sa conscience lui dictait ce noble geste restera l'honneur de toute sa vie.

L'ouverture de la Faculté de Médecine eut lieu le 1er octobre 1876; au milieu de difficultés de toutes sortes, le Professeur Henri Desplats inaugura alors cette admirable carrière professorale, qu'il devait, pendant trente-sept années, parcourir avec tant d'éclat, et durant laquelle la confiance de ses collègues l'appela à plusieures reprises aux hautes fonctions du décanat. Par sa notion toujours très exacte des indications ou des nécessités de chaque instant, par son rare esprit d'organisation, par son initiative toujours clairement raisonnée, par son énergique persévérance et son inépuisable dévouement, il prit une part prépondérante à l'organisation et au développement de la Faculté de Médecine et l'histoire de ces longues années de labeur

est intimement liée à celle de l'Université Catholique. Il ne m'appartient pas d'écrire ces pages: elles seront dites plus tard, en leur lieu et place, par la voix fidèle d'un ami de la première heure qui, les ayant vécues avec lui, nous montrera dans son ampleur magnifique, la riche moisson accumulée.

Je voudrais cependant parler ici du Professeur; il fut, dans la pleine acception du mot, un « Maître ». Son esprit parfaitement ordonné savait apporter dans son enseignement cette lucidité parfaite, cette merveilleuse synthèse d'idées générales, qui était sa caractéristique, et d'où découlait naturellement une clinique logiquement thérapeutique; un sens clinique très sûr et particulièrement avisé, une érudition très étendue puisée autrefois à l'école des Maîtres les plus éminents, une parole toujours élégante et facile contribuaient au succès d'un enseignement dont l'organisation solide imprima une empreinte si forte et si durable aux générations nombreuses d'étudiants qui se succédèrent depuis la fondation de l'Université. Le Professeur H. Desplats avait au plus haut point le don parfait de la parole, et ses cliniques étaient particulièrement suivies. Elles avaient lieu deux fois par semaine et, malgré l'heure matinale, elles réunissaient toujours une assistance régulière et très nombreuse : toujours brillantes, elles étaient parfois incomparables, tant par l'élégance de la parole et leur documentation rigoureuse que par la vie véritable qui les animait. Après un exposé, toujours d'une méthode et d'une clarté parfaites, après une discussion où la rigueur scientifique le disputait à la précision des investigations cliniques, le Maître arrivait au point culminant de son argumentation, qu'il appuyait presque toujours d'un fait de sa pratique, exactement adapté au cas étudié. Il vivait alors réellement son sujet : sa voix, dont les inflexions se pliaient merveilleusement aux diverses phases de la

narration, son geste qui soulignait étroitement la parole vive et colorée, son regard qui allait chercher et subjuguer le regard de l'auditeur, tout, et l'expression même de son visage, nous faisaient revivre, dans une fidélité saisissante, « le drame pathologique >> avec toutes ses surprises, ses craintes, ses angoisses et ses espérances, ses déceptions et ses victoires.

L'enseignement clinique au lit du malade retenait pareillement toute sa vive sollicitude, et il en avait fait l'objet principal de ses constantes préoccupations. Donnant lui-même l'exemple d'une rigoureuse ponctualité, il demandait à tous une assiduité invariable, exigeant une rédaction exacte des observations des malades confiés à chacun et s'assurant, par des interrogations fréquentes, qu'elles étaient régulièrement suivies. Une mémoire exceptionnelle lui permettait de n'omettre aucun détail de traitement, aucune prescription, même la plus infime, ce qui ne laissait de surprendre... à leurs dépens ses internes même les plus attentifs. Novateur souvent hardi, esprit toujours ouvert à toutes les recherches scientifiques nouvelles, il gardait cependant une défiance instinctive vis-à-vis de nouveautés trop incomplètement ou trop hâtivement étudiées, que sa méthode persévérante et sûre et sa haute conscience ne pouvaient accepter; parfois, devant une théorie plus audacieuse ou plus incertaine, il s'abstenait de prononcer aucun jugement, mais sa lèvre se plissait d'un fin sourire sceptique, dont l'indulgente ironie était toute une leçon.

Les jours de clinique exceptés, il choisissait généralement, pendant sa visite, au hasard de ses deux services, toujours largement pourvus, un malade dont l'état clinique lui paraissait particulièrement instructif : aussitôt le cercle se formait, empressé et attentif, autour du Maître qui, simplement, empruntait la chaise du malade qu'une main rapide avait opportuné

ment débarrassée. Ce n'était plus alors la démonstration brillante de la salle de clinique, mais bien une leçon et un exercice pratiques infiniment précieux où, en des causeries familières, l'étude des symptômes était poussée dans ses moindres détails, où l'étudiant était initié aux difficultés de l'examen du malade et à la pratique de tous les modes d'investigation clinique. Ces leçons au lit du malade sont restées fidèlement gravées dans la mémoire de tous ses élèves: il leur donnait là le meilleur de sa science, il leur donnait aussi tout son cœur. Car il connaissait et aimait tous ses chers étudiants, qui étaient pour lui des fils; sa psychologie très affinée lui donnait très rapidement la clef des âmes qu'il voulait aussi bien diriger qu'instruire, et il ne manquait aucune occasion de le faire ; jamais il ne perdit de vue ce double but d'éducation morale autant que professionnelle, qui resta toujours sa constante préoccupation. Il gagnait ainsi la confiance absolue de ses élèves, et je n'ai pas le souvenir que jamais ce principe d'autorité, qu'il avait si solidement assis, eût été jamais transgressé, même d'une façon minime; sa sévérité nécessaire n'était-elle pas toujours tempérée par ce bon sourire indulgent que nous lui connaissions tous, et souvent ne fut-il pas le premier à faire des démarches officieuses auprès de l'autorité académique pour tempérer ou effacer les rigueurs d'une sanction cependant très méritée ?

Il paraît superflu d'ajouter qu'il était adoré de tous ses malades; ceux-ci lui gardaient une vive reconnaissance, non seulement pour ses soins médicaux si éclairés, mais aussi pour les paroles consolatrices que sa voix, infiniment persuasive, laissait tomber doucement au chevet de ceux qui, dans la souffrance, semblaient ne plus pouvoir espérer. Aussi, lorsqu'à l'issue de la cérémonie religieuse, le funèbre cortège passa devant l'Hôpital Sainte-Eugénie, les malades avaient encombré les fenêtres de son service et s'y

pressaient en vraies grappes humaines ; immobiles et recueillis dans un impressionnant silence, ils rendaient ainsi un muet et saisissant hommage à celui qui, dans la tristesse du matin sombre, passait lentement pour la dernière fois.

L'activité scientifique du Professeur Desplats fut considérable; en 1878-1879 il avait été l'un des promoteurs et des fondateurs de la Société des Sciences Médicales, dont il fut le président à deux reprises, en 1882 et 1892. Il manquait bien rarement les réunions de la Société, et en ceci donnait à de beaucoup plus jeunes un exemple de constante assiduité, à un tel point que ses absences à nos deux dernières réunions nous avaient paru d'un fâcheux indice. Il aimait à se mêler aux discussions avec son ardeur habituelle, mais alors que les opinions contradictoires semblaient le plus confusément se heurter, il savait souvent avec un merveilleux-à-propos, tirer la conclusion exacte des faits qui venaient d'être exposés devant lui. Il fut également l'un des fondateurs, en 1879, du JOURNAL DES SCIENCES MÉDICALES DE LILLE, où il ne cessa de donner, pendant 37 années, une collaboration des plus importantes. Entre-temps, il collaborait à plusieurs Revues étrangères, participait aux Congrès et faisait en France ou à l'étranger des Conférences d'une haute tenue scientifique et morale (1).

(1) Qu'il nous soit permis de rappeler ici ce que le Dr Henri Desplats fut pour la Société scientifique de Bruxelles. Membre de notre Société depuis 1878, il présida à plusieurs reprises les travaux de la IVe Section des sciences médicales, et fut Président général en 1885-1886 et en 1910-1911. Nous eùmes quatre fois l'honneur de le compter parmi les conférenciers de nos assemblées générales. Il enrichit nos ANNALES d'une dizaine de mémoires ou de communications présentés à la IVe Section: citons en particulier son magistral rapport sur la dépopulation et l'infécondité voulue. Sa collaboration à cette REVUE nous fut aussi des plus précieuses: nous ne lui devons pas moins d'une dizaine d'articles de longue haleine sur des sujets médicaux. Sa bonne amitié et ses sages conseils ne nous firent jamais défaut, et nous gardons le souvenir reconnaissant du cordial accueil que le Pr Desplats et ses collègues de l'Université catholique voulurent bien nous faire lors de nos congrès de Lille (N. D. L. R.).

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