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Hier soir, au Salut de la Cathédrale, je ne pouvais me défendre d'une émotion profonde en voyant, autour de l'autel, s'incliner devant le Dieu hostie, les drapeaux de toutes vos corporations ouvrières.

Parmi eux, au centre, se trouvait le drapeau national. Or, le drapeau, c'est la France elle-même, et lui aussi s'inclinait devant le Dieu de l'Eucharistie. Je le salue, Messieurs, comme un gage d'invincible espérance et je vous propose d'associer dans un commun témoignage d'affection les drapeaux corporatifs. Chacun d'eux est le drapeau d'un des régiment de l'armée catholique et c'est pourquoi leur union formera toujours le faisceau inébranlable sur lequel pourra s'appuyer, en toute confiance, le drapeau national.

Il était temps de courir à un léger repas pour être prêt à se retrouver au Salut de huit heures à Saint-Joseph. Monseigneur remercie avec effusion M. de la Guillonnière; on se sépare: mais dès huit heures les portes de l'église Saint-Joseph, malgré une pluie assez forte, sont assiégées par une foule considérable, et l'édifice, brillamment illuminé, est rempli depuis le bas de la nef jusqu'aux marches du grand autel.

C'est devant les Évêques présents, et les mêmes personnages qui ont présidé l'Assemblée générale; c'est devant la foule la plus recueillie tout ensemble et la plus enthousiaste, que le R. P. Bruno, gardien du Couvent des Capucins du Mans, d'une voix puissante, avec beaucoup d'action oratoire, glorifie le dogme et les fruits du Saint-Sacrifice de la Messe.

Sermon du R. P. Bruno

In omni loco sacrificatur et offertur nomini meo oblatio munda. (Malach., I.)

En tous lieux on sacrifie et l'on présente en l'honneur de mon nom une oblation toute pure.

MESSEIGNEURS,

MES RÉVÉRENDISSIMES PÈRES,

MES TRÈS CHERS FRÈRES,

Vous connaissez, sans doute, ce trait rapporté en nos chroniques religieuses. Quand le pape Urbain IV voulut instituer des fêtes solennelles en l'honneur du Très Saint-Sacrement de l'autel, il songea à léguer aux âges futurs un véritable monument de science et de piété : quels en seraient les constructeurs? Quelle plume tracerait les hymnes, les antiennes, tout cet ensemble de prières que la sainte liturgie met sur les lèvres des Prêtres ? Deux hommes furent mandés, Thomas et Bonaventure, l'un enfant de saint Dominique, l'autre disciple de saint Francois d'Assise. La pureté merveilleuse du Docteur Angélique, les ardeurs brûlantes du Séraphique Docteur, semblaient au Pontife dignes d'entrer en lice pour chanter les grandeurs du mystère Eucharistique. Au jour dit, en présence du Pape, au milieu des cardinaux réunis les deux concurrents sont à leur poste. Thomas d'Aquin le premier prend la parole; il dit et tous les esprits demeurent en suspens; le poème se déroule, les pages se succèdent, on croit entendre la Jérusalem céleste chanter sur la terre, le Sauveur des Hommes, le chef des peuples, le pasteur des âmes: Lauda Sion Salvatorem, lauda Ducem et Pastorem in hymnis et canticis. Or, ajoute la même tradition, pendant cette lecture, on voyait tomber sur le sol, les uns après les autres, les lambeaux d'un manuscrit froissés par la main de Bonaventure. En son humilité profonde le fils du Séraphin de l'Alverne se trouvait indigne de chanter l'Eucharistie après que Thomas d'Aquin avait si bien parlé de Jésus. Il ne savait balbutier que la parole de son pieux émule: Quantum

potes tantum aude, quia major omni laude nec laudare sufficis : ose tant que pourras, tu ne saurais assez louer un sacrement plus grand que toute louange. Son tour venu, Bonaventure se récusa donc. Bonaventure, mon frère, laissez-moi regretter cet anéantissement volontaire; comme elles devaient être belles vos strophes marquées au coin de l'amour séraphique; comme elles devaient être ardentes les effluves d'un cœur transpercé, vous l'aviez vous même demandé à Jésus, des flèches du plus pénétrant amour: Transfige dulcissime Domine Jesu medullas et viscera animæ meæ suavissimo amoris tui vulnere. Votre effroi je le comprends; vos craintes sont les miennes en présence d'une tâche trop lourde pour les épaules humaines. Mais comment garder le silence au sein de la joie universelle? Vous êtes heureux, Monseigneur, soyez fier aussi, vos désirs sont satisfaits; portée aux quatre coins de l'horizon votre parole a trouvé un écho non pas seulement en notre France aimée mais encore au sol étranger. Vous aviez bien voulu me confier ce travail, parler ce soir à cette magnifique assistance, malgré ma faiblesse j'entreprends ce labeur. Au-dessus de Vous, au-dessus du prélat à qui, avec votre coutumière délicatesse, vous laissiez tout à l'heure le privilège de bénir votre prédicateur, je vois Jésus, je vois la Vierge sainte; il me semble alors que réconfortée par les bénédictions du ciel et de la terre ma parole sera moins impuissante pour chanter le sacrifice eucharistique.

J'ai dit le sacrifice eucharistique : ce sera, en effet, le thème de ce discours.

I

Quand Jésus vint sur la terre, son plan fut, vous le savez, Mes Frères, de rétablir l'ordre troublé par l'homme coupable. En tout Dieu veut ordre et harmonie, disposition heureuse des parties formant un tout, équilibre des forces. Une voix magistrale vous disait hier les admirables convenances de l'Eucharistie, cette présence réelle correspondant à la fois à un désir de Dieu. qui prend plaisir à cohabiter avec les enfants des hommes, et à cette soif instinctive de l'humanité qui lui fait chercher un Dieu mis, pour ainsi parler, tout près, à sa portée. C'est encore une de ces harmonies que nous rencontrons ce soir, et que nous

méditerons. Dieu, avons-nous dit, veut l'ordre, et l'ordre a été troublé. Quel ordre ? Quel trouble? Vous n'ignorez point ces choses. Dieu occupe le sommet dans l'échelle des êtres, il est celui qui est, les autres créatures ne sont que par lui ; leur existence est une existence d'emprunt. Parcourir les diverses catégories de ces êtres multiples n'est point ici de circonstance. Parmi ces êtres, les plus nobles ont prévariqué; fiers de leur supériorité, ils ont voulu traiter d'égal à égal avec le Maitre non serviam. Je n'obéirai pas, ont-ils déclaré ; les anges d'abord, l'homme ensuite, ont accepté ce cri de ralliement. L'équilibre alors est rompu, Dieu cesse d'occuper dans les intelligences, les volontés et les cœurs, la première place, le concert harmonieux est troublé par ces notes discordantes, l'ordre n'est plus. Alors encore, par un terrible contre-coup, le fol orgueil de l'homme appelle la vengeance divine: au dehors, comme au dedans de lui, cet être si noble sent des révoltes étranges : l'homme était libre, il a choisi le mal, le châtiment suit la faute. Pour les éléments étrangers, Dieu maintenant les laisse faire leur œuvre. Le dernier mot est-il dit? Faut-il renoncer pour jamais à ces grandioses merveilles, éblouissantes en ce printemps de la vie? Non, Mes Frères, Dieu ne peut, laissez-moi employer une expression vulgaire, voir de gaité de cœur, se désagréger son chef-d'œuvre. L'homme est tombé; à son front reste quand même un vestige des grandeurs passées : ne peut-on avec des ruines reconstituer un majestueux édifice? Et le Verbe se fait entendre, le Verbe, seconde personne de la Trinité sainte; le Verbe parle à son Père et son discours vous le savez: me voici, je viens pour accomplir votre volonté. C'est un engagement sacré, une promesse divine, quand ce Verbe fait chair jettera du haut du Golgotha son consummatum est, tout est accompli, le Verbe aura tenu ses engagements.

Mais en attendant, il faut qu'il rétablisse l'ordre, et ce travail ne peut s'opérer sans douleur. Des liens rattachaient l'homme à son Créateur, les chaînes de la religion. L'homme devait faire acte de dépendance, d'adoration prières et offrandes étaient autant d'actes de sujétion; il présentait à Dieu le sacrifice latreutique. A l'adoration se joint un autre devoir, obligation d'un cœur qui reconnait le bienfait reçu l'homme rendra grâce à Dieu, son sacrifice revêt la forme eucharistique. Les besoins de

l'homme ne sont pas pour Dieu un mystère, mais Dieu a bien le droit d'exiger que cet homme se fasse par humilité mendiant volontaire; pour lui-même et pour les autres, l'homme va donc réclamer la provende quotidienne, nécessités du corps, désirs intimes de l'âme, il exposera tout à son Dieu, son oblation présentée pour gagner plus sûrement sa cause sera le sacrifice impétratoire. Au lendemain de la chute, quand sous la feuillée les pauvres coupables se cachaient apeurés, à côté de l'anathème, Dieu laissait une place à la miséricorde, il assurait le pardon, il faisait entrevoir la réparation, mais ce pardon comme cette réparation appelaient un nouveau sacrifice, celui de l'expiation, ce devait être l'oblation propitiatoire. Nous n'avons pas à raconter ici les phases diverses des cérémonies saintes, les offrandes toutes simples des premiers pasteurs, les prémices des moissons, les brebis ou les génisses immolées. Moins encore raconteronsnous les déviations dans l'ordre réglé par Dieu lui-même en cette matière, les victimes indignes présentées par des mains plus indignes encore, les prêtres prévaricateurs et, pour clore ces déchéances, le sang coulant sur les autels en l'honneur de fausses divinités. Une constatation seulement, les hommes pourront corrompre leurs voies ainsi parlent nos saints Livres, en leur cœur reste la notion du sacrifice, ils pourront bien adorer des êtres chimériques ou même dégradés, errer dans le mode, l'idée substantielle persiste; qu'ils présentent à ces idoles les fruits de leurs vergers, les légumes de leurs jardins ou le bétail de leurs étables, nous retrouvons les mêmes buts : adorer, remercier, réclamer des faveurs, implorer des pardons.

Plus la divinité est puissante, plus ils accumulent les offrandes, plus la faute semble énorme, plus l'oblation revêt un caractère de retranchement complet: en pareil cas il faut du sang.

Dieu lui-même avait ratifié ces sacrifices, il daignait accepter ces substitutions d'un être représentant le vrai coupable pour expier des prévarications ou mériter des faveurs grandes, l'holocauste était offert, la victime toute entière était passée par le feu sans qu'aucune part fût réservée, soit au prêtre, soit à l'impétrant. Et c'était là le moyen de compenser les désordres, d'affirmer à nouveau le souverain domaine de Dieu. Hélas! les mains sont devenues impures, Jéhovah détourne sa face. Je viens, je vais accomplir votre volonté : ainsi parle le Verbe, dès cet instant

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