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L'ÉGLISE

NOTES

SUR

DE BEAUVAL.

Au moment où il est question de consolider ou reconstruire le chœur de l'ancienne église de Beauval, nous avons pensé qu'il serait à propos de donner quelques détails sur cette église, afin qu'elle fut mieux connue. On verra, par ce que nous allons dire, quel est l'intérêt qu'elle peut présenter sous le double rapport de l'histoire et de l'archéologie.

Le voyageur qui se rend d'Amiens à Doullens aperçoit lorsqu'il descend la côte au bas de laquelle est situé le grand village de Beauval, une église de modeste apparence, semblant au premier aspect n'offrir rien qui soit digne d'arrêter ses regards, de fixer son attention; mais s'il considère pendant un instant cet édifice religieux, il y distingue bientôt des caractères architectoniques remarquables et qui indiquent une assez haute antiquité. L'église de Beauval remonte en effet au XIIe siècle ; seulement elle n'a conservé que peu de vestiges de ce temps là. Les murs de la nef sont la partie la plus ancienne; les fenêtres aveugles et à gradins qu'on voit au-dessus des travées et les colonnes annelées de l'abside paraissent appartenir aux styles roman et ogival. La belle tour carrée en pierre qui se

T. XV.

trouve à gauche du portail ne date guère que du commencement du XVIe siècle; ses fenêtres géminées se terminent en ogive et au dessus règne une plate-forme entourée d'une galerie légère; au milieu s'élève une flèche pyramidale en pierre, percée d'une foule de jours qui offre de loin un coup d'œil fort pittoresque. Près de la galerie ou plate-forme dont on vient de parler on lit à l'intérieur une inscription en lettres capitales, faisant connaître que la tour de l'église de Beauval fut réparée ainsi que la flèche en 1662, par les soins de Philippe Seré, sieur de la Forest, natif de Beauval. Cette inscription est ainsi conçue :

Les réparations de ceste tour
Avecq l'esguille et la galerie,

Ont esté faites des deniers
De Philippe Seré, sieur de la Forest.
Escuier de Monseigneur Fouquet,
Surintendant des finances et ministre d'Estat,
En 1662,

Priez Dieu pour son âme.

L'inscription que nous venons de citer rappelle à la mémoire. un trait peu connu de la vie du fameux surintendant Fouquet. Un jour que ce ministre fastueux, passait par Beauval, en revenant d'Arras, il rencontra sur la route un petit berger dont la bonne mine et les réparties pleines de gentillesses et de naïveté lui plurent infiniment. Il lui proposa de le suivre dans son carosse à Paris, et l'emmena, en effet, avec lui dans la capitale, après en avoir obtenu le consentement de ses parents. Là, le surintendant fit instruire son jeune protégé, se l'attacha en qualité d'écuyer et lui donna de quoi acheter quelques petites terres et seigneuries. Philippe Seré, le pauvre berger de Beauval, méritait bien cette haute fortune. Il montra, en effet, dans la suite un dévouement sans borne, envers son bienfaiteur et ne l'abandonna pas à l'heure du danger, quand le malheur vint fondre sur lui. Il se fit même gloire, comme on le voit par l'inscription du clocher de l'église de

Beauval, de se qualifier du titre d'écuyer d'un ministre proscrit (1).

On ajoute que le surintendant lui dût peut-être même la vie, car c'est par lui que la famille et l'amie de Fouquet eurent la première nouvelle de son arrestation à Nantes, et qu'ils purent faire disparaître ses papiers les plus compromettants.

Voici, au reste, comment l'abbé Dechoisy rapporte le fait dans ses Mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV (2). « La Forest, dès qu'il vit son maître arrêté, sans prendre l'ordre de personne, s'en alla à pied à deux lieues de Nantes, où il sçavoit qu'étoit le premier relai. Il poussa tous les relais, et porta la nouvelle de la prise de son maître à Madame Du Plessis- Bellière, son amie intime. Elle envoya chercher aussitôt l'abbé Fouquet et Brevant, ils tinrent conseil. L'abbé était d'avis de mettre le feu à la maison de Saint-Mandé, et de brûler par ce moyen-là tous les papiers qui pouvoient faire tort à son frère, mais Madame Du PlessisBellière s'y opposa et dit que c'étoit le perdre absolument ; qu'on ne le condamneroit pas sans l'entendre; que c'étoit se défier de son innocence; qu'on n'avait rien à lui reprocher depuis que le roi gouvernoit par lui-même, et que pour le temps précédent, il n'avoit rien fait que par l'ordre du cardinal. Brevant, sans opiner les quitta, et alla ramasser ses papiers et quelque argent, et se cacher dans un couvent où on ne le trouva jamais. Il passa ensuite dans les païs étrangers. C'est ce Brevant qui a été longtemps résident du roi à Liége. » La Forest alla, aussi, chez Madame Fouquet, la mère, dont la vertu et la sainteté méritaient l'attention. Elle ne s'était point élevée de la fortune de son fils, toujours occupée de la prière et du soin des pauvres. « Madame, lui dit brusquement La Forest, Monsieur le surintendant est arrêté

(1) Fouquet avait en effet, été arrêté à Nantes le 5 septembre 1661, et l'inscription est de 1662.

(2) Utrecht (Rouen), 1727, in-12, t. ler, p. 183 et suiv.

à Nantes. » Elle se jeta à ses pieds et dit : « Je vous remercie, mon Dieu; je vous ai toujours demandé son salul, en voilà le chemin. » Elle était aussi humble que la femme du surintendant était fière et insolente.

Près de la principale porte de l'église de Beauval, on remarque un bas-relief dont la bordure où l'encadrement, orné d'élégantes arabesques, indique un ouvrage du XVIe siècle. Les personnages que contenait ce bas-relief ont été mutilés, et c'est avec peine que l'on y distingue encore aujourd'hui la Vierge tenant le Christ mort sur ses genoux, les donateurs et les membres de leur famille. Il est bon de noter en passant que dans le département de la Somme, on trouve beaucoup de ces sortes de descentes de croix, aux portails ou dans l'intérieur des églises de 1500 à 1650.

Une litre seigneuriale décorée d'écussons armories, mais effacés par le temps ou la main des hommes, ceint le tour extérieur de l'édifice, et chose assez étrange, on ne remarque aucune trace de cette litre à l'intérieur de l'édifice qu'elle devait également orner. Peut-être les écussons ont-ils disparus à la suite de la déclaration, peu connue, de plusieurs gentilshommes chrétiens sur l'abus des litres el ceintures funèbres (1). Ces gentilshommes rappellent, dans cette déclaration que regrettant « d'avoir arboré aux églises les trophées de l'orgueil du monde, avec tout son appareil, c'est-àdire des écussons garnis de tygres, de lyons, de léopards, de dragons, de satyres, jusqu'à de sales nuditez et autres spectacles horribles, plus convenables aux temples des ydolâtres quà l'habitation des fidèles et aux palais de l'oraison.

>> Ils out tous promis et solennellement juré de faire biffer, rompre et supprimer toutes les peintures vulgairement appelées litres et autres ceintures indécentes, dont eux ou leurs prédécesseurs avaient souillé et diffamé le dedans des églises, lesquelles

(1) On trouve cette déclaration dans le Pédagogue des familles chrétiennes, in-8, Rouen, 1600, J.-B. Besogne, p 297.

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