Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Mais la race hollandaise multiplie d'une manière extraordinaire dans le Sud-Africain, où elle s'est complètement acclimatée depuis trois siècles, tandis que la race anglaise y multiplie très lentement.

Les Anglais, en effet, sont allés relativement nombreux au Cap. Nous avons vu trois mouvements d'immigration en masse, amenant chacun d'eux environ 5,000 immigrants. Cela ferait déjà 15,000. De 1895 à 1899, les chiffres cités plus haut donnent 44,007 nouveaux colons. De 1875 à 1884, ce nombre a été de 59,789 arrivés 1, dont certainement 20,000 ont dû rester au Cap; en 1893 et 1894, de 13,177 et 20,234, total 33,411, avec environ 10,000 qui s'y sont établis définitivement.

Nous n'avons pas d'autres chiffres certains. Mais tout nous autorise à supposer au moins 15,000 colons définitifs de 1885 à 1892. Gela ferait au total 89,000 colons anglais établis dans l'Afrique du Sud depuis 1875, c'est-à-dire pendant vingt-trois ans.

Exagérerait-on beaucoup, en en supposant un nombre à peu près égal pendant les trois premiers quarts de siècle? Probablement non. N'en comptons que 60,000, c'est-à-dire 45,000 en plus des 15,000 que nous connaissons. Cela nous fera 150,000 Anglais venus d'Angleterre et établis dans l'Afrique du Sud, 150,000 Anglais adultes qui sont devenus aujourd'hui un peu plus de 300,000. C'est-à-dire qu'ils ont à peine doublé.

Quant aux Hollandais, ils sont tous descendus d'un premier noyau de quelques centaines à peine, établis au Cap, après 1652. Un peu moins de 1,400 en 1679, 15,000 en 1780, de 25 à 26,000 en 1805, 42,000 en 1819, ils sont aujourd'hui au moins 475,000. C'est-à-dire qu'ils ont doublé en vingt-neuf ans de 1679 à 1780; en vingt-six ans de 1780 à 1819; et en vingt-quatre ans depuis 1819. Supposons ce dernier chiffre pour l'avenir. A ce compte, ils seront 950,000 en 1924, 1,900,000 en 1948; 3,800,000 en 1972 et 7,600,000 en 1996. C'est-à-dire qu'ils submergeront la race anglosaxonne, au lieu d'être submergés par elle et qu'ils redeviendront les maîtres du Sud-Africain.

Bientôt, en effet, le Transvaal et l'Orange auront leur autonomie; et alors, dans ces deux régions, aussi bien que dans la colonie du Cap, le Parlement représentera l'élément le plus nombreux du pays. Donc, là comme dans la colonie du Cap, c'est-à-dire dans la plus grande partie du Sud-Africain, la majorité du Parlement sera hollandaise, et cette majorité grandira de plus en plus jusqu'à annihiler la minorité anglaise.

Et si, comme cela est probable, tous les Etats du Sud-Africain

'Cf. La France hors de France, par J.-B. Piolet, Alcan, 1900, p. 606-607.

forment une vaste confédération à l'instar de la confédération australienne, la majorité du Parlement fédéral sera sûrement hollandaise, en face d'une minorité anglaise de plus en plus faible.

Il se passera là, beaucoup plus rapidement et dans une proportion beaucoup plus considérable, ce qui se passe au Canada, avec une différence cependant, c'est que le Sud-Africain n'aura pas à côté de lui un Etat puissant tout prêt à l'absorber, et dont la crainte assurera sa fidélité vis-à-vis de l'Angleterre. Les Hollandais, dans le sud de l'Afrique, n'auront qu'un désir et qu'une ambition, c'est de rendre le lien qui les rattache à la GrandeBretagne de plus en plus lâche, c'est de le rompre dès qu'ils seront les plus forts. Et cela arrivera dans un nombre d'années relativement restreint.

Donc l'avenir, dans le Sud-Africain, est à la race hollandaise plutôt qu'à la race anglo-saxonne, pourvu cependant que les Hollandais restent unis et sachent s'entendre.

Mais peut-être ne sera-t-il ni à l'une ni à l'autre.

Elles ne sont pas les seules, en effet, sur ces vastes territoires. A côté d'elles se trouve, en particulier, cette race bantou dont nous avons parlé au commencement de ce travail, déjà très nombreuse puisqu'elle compte près de 4,000,000 de membres contre 767,000 blancs, six contre un; forte, vigoureuse, fière, intelligente, capable de s'élever, de se gouverner, de se défendre, surtout douée d'une force d'expansion et d'une fécondité merveilleuse. Les Bantous doublent en moins de vingt ans. 4 millions aujourd'hui, ils seront 8 millions en 1920, 16 en 1940, 32 en 1960, 64 en 1980, etc. Comment résister à une pareille multiplication, ou comment l'empêcher?

Ils se défendront, au besoin par la force, contre toute mesure oppressive, comme ont fait les Basutos quand on a voulu leur enlever leurs armes; ils sont déjà assez avancés pour se protéger contre les vices qui ruineraient leur race; ils sont assez travailleurs, assez intelligents et assez avisés pour s'enrichir et parvenir à tous les emplois; surtout ils ont, dans la colonie du Cap, sous certaines conditions de cens et d'instruction qu'ils rempliront de plus en plus nombreux, le droit de vote; ce droit de vote, ils l'acquerront ailleurs, et fatalement. Comme une marée chaque jour grossissante et irrésistible, ils submergeront et la race hollandaise et la race anglaise.

Donc, l'avenir, dans le Sud-Africain, est plutôt aux noirs.

J.-B. PIOLET.

MGR PAVY ET LA QUESTION ARABE

D'APRÈS UNE PUBLICATION PROCHAINE 1

Si pour ceux qui sont morts la gloire terrestre gardait une valeur, il ne devrait point leur plaire d'être, dans leurs fonctions, remplacés par de trop grands hommes. Avec un successeur moins illustre que le cardinal Lavigerie, les deux premiers évêques d'Alger, Adolphe Dupuch et Louis Pavy, verraient leurs noms briller d'un vif éclat dans l'histoire de la renaissance chrétienne de l'Afrique; peut-être même le second, qui égala Mgr Dupuch en pieuse activité sans tomber, comme lui, dans des imprudences financières, nous apparaîtrait-il comme une des plus belles figures de l'Eglise de France au milieu du dix-neuvième siècle. C'est là une hypothèse dont ne se contente pas le prêtre très distingué qui s'est fait l'historien de Mgr Pavy; il demande qu'on reconnaisse en fait les rares mérites de son héros, et, s'il disait toute sa pensée, il ne voudrait pas qu'en ce qui concerne l'administration diocésaine de l'Algérie, Mgr Lavigerie restât placé dans l'admiration publique au-dessus de son prédécesseur. Plusieurs peut-être de ceux qui liront l'excellent ouvrage de M. Ribolet partageront cet avis.

D'un intérêt tout à fait primordial en ce qui touche à l'histoire de l'Afrique chrétienne, la biographie de Mgr Pavy se trouve également mêlée à des questions d'une importance plus générale, et il est tel problème, comme celui de l'assimilation arabe, qui peut y rencontrer, ainsi que nous le verrons, de précieux éléments de solution ou tout au moins d'éclaircissement.

M. Ribolet n'a pas entrepris de raconter la jeunesse de Mgr Pavy, déjà retracée par un frère du prélat. Il le prend en 1846, dans sa quarante et unième année, au commencement de l'épiscopat. Comme les Lavigerie, les Hugonin, les Perraud et d'autres qui

En préparation : Un grand Evêque ou Vingt ans de l'Eglise d'Afrique sous l'administration de Mgr Pavy, deuxième évêque d'Alger, par Mgr Ribolet, vicaire général, prélat de Sa Sainteté. Paraitra chez Jourdan, à Alger.

ne sont pas les moindres, le choix du Pape et du gouvernement l'alla chercher dans l'enseignement supérieur, qui comprenait alors des facultés catholiques de théologie; il était doyen de celle de Lyon. Louis-Philippe, qui voulait confier à l'un de ses fils l'administration de l'Algérie, désirait sans doute, comme le fait remarquer M. Ribolet, que la colonie fût, au spirituel comme au temporel, gouvernée avec éclat. Par son élégance de parole et sa science sérieuse, par son charme et son savoir-faire, par la fermeté de sa foi et de sa vertu, le nouvel évêque justifia promptement toutes les espérances qu'on avait établies sur lui.

Sous son impulsion pratique et hardie, la vie catholique, à peine reparue sur cette terre d'Afrique où quinze siècles plus tôt elle avait régné avec tant d'honneur, se propagea, on peut le dire, comme par une sorte de miracle. Petit et grand séminaire, communautés religieuses et, ce qui importait encore davantage, églises paroissiales, sortirent de terre avec une étonnante rapidité; le clergé vit assurer son recrutement et régler sa discipline; aucun secours spirituel ne manqua, sinon par leur faute, aux colons ni aux soldats.

La nouvelle église d'Algérie était dans une situation des plus obérées lorsque la laissa Mgr Dupuch, qui avait dû, au reste, démissionner pour cette raison même. Mgr Pavy régla les dettes anciennes et se garda d'en contracter d'autres. Des ressources mises à sa disposition et de celles qu'il sut obtenir de la charité catholique il fit un tel usage qu'au moment de sa mort, vingt ans après son arrivée, les paroisses étaient montées de 29 à 187 et les vicariats de 8 à 44; les prêtres séculiers, de 48 à 273; les prêtres réguliers, de 24 à 54; les grands-séminaristes, de 11 à 60; les Frères, de 6 à 70; les religieuses, de 87 à 800; les enfants qui recevaient l'instruction chrétienne étaient passés de quelques centaines à près de 18,000.

A Oran et à Constantine étaient établis des vicariats généraux, que Mgr Pavy avait l'intention de faire confier à des évêques auxiliaires. Pie IX préférant y ériger des diocèses distincts, l'évêque d'Alger servit, à regret mais avec zèle, ce dessein du Pape et, très peu de temps avant sa mort, il devint archevêque de deux suffragants. C'était le couronnement de l'œuvre accomplie. Du christianisme ressuscité sur la terre de saint Augustin, il semblait bien qu'il fût permis de dire que, cette fois, il ne mourrait plus, et la devise de Mgr Pavy était justifiée: Resurgens jam non moritur.

Mgr Lavigerie pouvait arriver. Il trouverait dans toute l'Algérie une Eglise fortement constituée et prête, en quelque sorte, à marcher d'elle-même; ses opérations d'apôtre conquérant posséderaient là une base solide et rien ne les empêcherait de s'étendre

bien au delà de notre première colonie, jusqu'aux limites du Sahara, du Soudan, de la Tunisie, jusqu'aux grands lacs de l'EstAfricain.

Le peu qu'on vient de lire fait assez entrevoir l'ampleur des entreprises racontées, avec une parfaite compétence, par M. Ribolet, pour que nous n'ayons pas à nous excuser de ne les point résumer toutes. Mieux vaut, dans les questions qui sollicitèrent le zèle de Mgr Pavy, en chercher une dont l'importance et l'intérêt subsistent aujourd'hui encore. Telle est bien, semble-t-il, et à beaucoup de titres, celle que l'on continue d'appeler, comme au temps de son épiscopat, la question arabe.

De même qu'un certain nombre d'autres, la question arabe est plus facile à poser qu'à résoudre. Etant donné que nous possédons comme sujets dans l'Afrique du Nord plusieurs millions d'hommes qui nous sont foncièrement étrangers et hostiles, quelles doivent être envers eux notre attitude et notre manière d'agir?

Trois sortes de rapports se montrent possibles : la domination pure et simple, l'octroi d'une autonomie, l'assimilation.

Le premier système ne peut pas être définitif. Bon pour la période de conquête, il constituerait, à la longue, une tyrannie et une exploitation. C'est dire qu'il irait à l'encontre du génie français. Il ne serait pas, du reste, moins opposé à nos intérêts durables. Si elle voit toujours en nous des envahisseurs, la forte race qui peuple l'Algérie et qui, sous notre régime d'ordre, va sans cesse en augmentant, restera bien comprimée en temps de paix par le sentiment qu'elle aura de notre puissance, - encore que puissent surgir, à certains moments, des embarras sérieux. Mais il est évident qu'à la première chance de revanche elle essaiera de secouer notre joug; en temps de guerre, comme elle fit en 1871, elle courra aux armes et elle mettra en péril nos colons ou nous obligera d'employer contre elle une partie des forces qui nous seront nécessaires ailleurs. Habilement conduite, une insurrection générale de l'Algérie ne serait pas loin d'immobiliser une centaine de mille hommes.

A l'antipode du système oppressif se présente le système de l'autonomie, ou, comme on disait sous le second Empire, l'idée du royaume arabe, qui consisterait à tenir les indigènes, religieusement et administrativement, bien séparés de la population européenne, et à faire d'eux une sorte de nation amie, des alliés de la France. Il faut laisser le soin d'exposer cette utopie à celui qui en fut le plus illustre partisan et qui l'eût appliquée, si elle avait été applicable. Napoléon III, toujours en rêve de mesures chimériques,

« ÖncekiDevam »