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que nos provinces de l'ouest ont été soumises au régime anglais pendant de longues années, et qu'un nombre considérable de pièces intéressant leur histoire sont en Angleterre. De plus dom Pitra espérait faire dans ce pays une découverte dont les résultats eussent été des plus heureux pour la continuation du Gallia. On savait qu'un ancien bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, dom Levaux, émigré en Angleterre au moment de la Révolution, avait emporté avec lui une partie des manuscrits concernant ce travail. La connaissance de ces manuscrits eut épargné aux continuateurs de longues et pénibles recherches. Malheureusement il fallut bien se convaincre que les précieux écrits n'étaient plus en Angleterre. Monseigneur Thomas Brown, vicaire apostolique au pays de Galles, apprit à dom Pitra que le Père Levaux, accueilli par les bénédictins anglais, passait en effet pour avoir possédé de curieux manuscrits. Mais en 1820 une tentative de restauration de l'ordre bénédictin ayant été faite à Senlis, dom Levaux avait repassé le détroit avec ses papiers. Le président de la congrégation anglaise, révérend docteur Barber, confirma de tout point ces détails. Il avait connu dom Levaux et savait qu'il était mort en 1828 dans un ermitage austère, près de sa famille. Déçu de ce côté, dom Pitra se mit incontinent à pousser ses recherches dans un autre sens. L'Angleterre était restée à peu près fermée aux premiers auteurs du Gallia; il y avait donc une riche moisson à récolter. Il commença par le British Museum, où il découvrit des cartulaires et des inventaires et autres pièces sur l'histoire ecclésiastique de la Touraine, notamment sur le célèbre conflit de quatre siècles entre les églises de Tours et de Dol en Bretagne; pour la province d'Utrecht et de Besançon il trouva aussi des chroniques inédites, et des documents nouveaux sur l'ordre de Cluny et sur celui des Chartreux.

Après le British Museum, dom Pitra voulut visiter la célèbre bibliothèque de Middlehill, aujourd'hui dispersée. Le baronnet Phillips, qui en était propriétaire, avait pendant

vingt-cinq ans consacré une partie de son immense fortune à réunir dans son château un vaste musée de curiosités et de manuscrits de tous les temps et de tous les pays. Laissons la parole à dom Pitra si bien inspiré par son souvenir reconnaissant: « ...Litteratis aperta, c'est le titre qu'en 1824 le généreux baronnet donnait à son musée. C'est ainsi qu'il entendait continuer des traditions chères aux vieilles et nobles familles de l'Angleterre, consacrées à Middlehill par les souvenirs encore vivants d'une riche et hospitalière abbaye de Peshore... Il ne se peut rien ajouter à l'accueil qu'ici l'on accorde également à tous; à cette hospitalité qui a la munificence des vieux temps et la politesse des mœurs les plus modernes ; à ce commerce érudit du baronnet qui a pour tous assurément, sans distinction de langues, un facile entretien, mais qui réserve peut-être aux français une parole encore plus élégante et plus aimable... Un visiteur survient-il, l'éditeur antiquaire, généalogiste, paléographe, suspend tous ses travaux et n'a plus qu'une sollicitude: trouver ce qui peut plaire au voyageur, prévenir ses plus indiscrètes demandes, lui ménager d'agréables surprises.

>> Nous n'hésitons pas à descendre jusqu'aux détails : il nous est souvent arrivé au soir d'une journée où nous éprouvions le besoin de nous confondre en excuses, d'être convié par le baronnet à une récréation qu'il appelait le dessert des manuscrits. A l'heure où la table anglaise se couvre de vins, de fruits, de mets plus rares, nous trouvions étalé sous nos regards un rare buffet des plus précieux manuscrits de Middlehill et nous pouvions à discrétion passer de l'un à l'autre jusqu'au delà des plus longues veillées. C'est ainsi que nous avons eu ce que, à notre tour, nous appellerions les soirées de Sirmond, de Mabillon, de Meermann; les vigiles de saint Martin de Tournay, de saint Maximin de Trèves, de saint Waast d'Arras, les Nuits mérovingiennes et lombardes... » (1)

(1) Premier rapport, p. 558 et seq.

Middlehill offrait à dom Pitra dix-huit mille manuscrits provenant des bibliothèques les plus célèbres, du collège de Clermont, de Saint-Victor, de Saint-Germain-des-Prés, de Lobbes, de Stavelot, de Saint-Maximin de Trèves, SaintMartin de Tournay, Saint-Waast d'Arras, de Bobbio, de Milan, de Rome, du Mont-Athos, de la Thébaïde. Il recueillit là des notes importantes sur les collections des conciles, des variantes considérables négligées par Labbe et Sirmond; c'est là encore qu'il trouva les célèbres fragments de Commodien et d'autres auteurs qui sont entrés dans ses collections d'inédits (1); il y réunit des renseignements nouveaux pour les provinces de Grenoble, de Tours et d'Utrecht; il y copia le cartulaire de Saint-Florent de Saumur d'un bout à l'autre, travail qui eut paru ingrat à bien des savants, mais qui, dit-il, a été une de ses grandes jouissances... « Un cartulaire nous a toujours semblé, poursuit-il, la plus vivante manifestation des anciens âges: chaque feuillet amène en regard un pape, un évêque, un empereur ou roi, un comte ou baron qui parle entouré de tout son cortège, par l'organe d'un docte clerc, official ou chancelier. C'est plus que la vue rétrospective d'un plaid, d'un concile ou d'un tournoi, car c'est toutes ces choses à la fois, ou se succédant avec la plus fidèle et la plus dramatique vérité» (2). Dom Pitra fit aussi à Middlehill des extraits des titres de Vendôme et de ceux de Fontevrault.

Après Middlehill où il fit deux séjours, il vit s'ouvrir devant lui les archives de Westminster, du Record office et de la tour de Londres. L'archidiacre de Westminster, Wordsworth, dont il avait conquis l'amitié, lui fit visiter la bibliothèque et les archives de Lambeth-Palace, permission qui depuis trois siècles n'avait pas été accordée à un voyageur étranger. Sous ces immenses et froides voûtes,

(1) Cf. dans le troisième rapport la liste des auteurs anciens dont il a trouvé des fragments en Angleterre. Cette table contient plus de cent cinquante noms.

(2) Deuxième rapport. Archives des missions scientifiques, t. I, p. 577. (1850).

il voyait se succéder année par année, siècle par siècle, tous les actes des archevêques de Cantorbéry, dont l'histoire renferme en abrégé celle de toute l'Angleterre. Il put mettre la main sur l'acte de consécration de Mathieu Parker et avoir le dernier mot de cette controverse qui passionna l'Angleterre et la France, au sujet des ordinations anglicanes, et que l'Eglise établie ne considère pas comme terminée. Cet argument qui tranchait, à son avis, définitivement la question, il se crut obligé par la discrétion de le réserver; il en confia dans une note manuscrite le secret aux archives de l'abbaye de Solesmes (1). Dans la bibliothèque des archevêques, le sagace explorateur trouva à glaner de nombreuses gerbes (2).

Π

Il passa de longues heures à l'Athenæum Club pour en dépouiller les nombreuses collections; enfin il termina sa mission par la visite de la bibliothèque Lansdownienne et par celles de Cambridge et d'Oxford (3).

Pendant ces sept mois de séjour en Angleterre, il avait exploré les principaux dépôts de manuscrits, étudié et souvent copié intégralement plus de quinze cents pièces, accompli divers travaux pour les Bollandistes, pour son ami Daremberg et pour quelques autres savants de France. Il nous reste à parler au chapitre suivant de ses découvertes les plus importantes dans les bibliothèques qu'il venait de parcourir.

(1) Archives des missions scientifique, t. IV, p. 159. Cet acte porte, dit-il, toutes les traces d'un document apocryphe.

(2) Cf. Le catalogue déjà cité de ces pièces dans le troisième rapport.

(3) Analecta sacra, 11, 586.

CHAPITRE XI

TRAVAUX SCIENTIFIQUES ET DÉCOUVERTES

Le Spicilegium Solesmense et les Analecta sacra. La poésie chrétienne :
Commodien et Juvencus.
L'Eglise d'Afrique, Verecundus. — Saint

Nicéphore et l'Eglise byzantine.

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Patrum. -Sainte Hildegarde. La clef de saint Méliton et le sym

bolisme.

Le moment semblait arrivé pour dom Pitra de faire jouir le public de ses découvertes. Après bien des retards et des tâtonnements, il publia enfin en 1852 le premier volume du Spicilège de Solesmes (1). Le livre fit sensation dans le monde savant; aucun ouvrage de ce genre n'avait été publié en France depuis la révolution (2); son auteur déjà avantageusement connu eut dès lors sa place marquée au premier rang de ceux dont les travaux font avancer la science.

Angelo Maï, qui l'avait précédé dans cette voie, saluait en lui un frère; les revues savantes de France, de Belgique, d'Allemagne et d'Angleterre s'occupèrent à l'envi du Spicilège (3). Ce premier volume contenait entre autres auteurs,

(1) Spicilegium Solesmense, complectens sanctorum Patrum scriptorumque ecclesiasticorum anecdota hactenus opera, selecta ex græcis orientalibusque et latinis codicibus publici juris facta, tomus I, in-4o, 1852, Didot.

(2) Du moins dans le domaine de l'érudition ecclésiastique.

(3) Parmi les principaux articles sur le Spicilège, citons seulement

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