Sayfadaki görseller
PDF
ePub

blement une intelligence beaucoup moins pénétrante et moins bien renseignée, pourrait venir nous dire: A tel instant précis vous voudrez lever le bras, à tel autre instant vous voudrez marcher, ensuite vous voudrez prononcer telles paroles, vous commettrez telle bonne ou telle mauvaise action; car j'ai vu dans mes équations qu'à ces instants ces divers mouvements doivent être exécutés par votre organisme, et les mouvements de votre organisme ont été prédisposés pour correspondre infailliblement à vos volitions. Cette intelligence pourrait ainsi nous prédire tous nos actes à la suite les uns des autres, et elle ne se tromperait pas. Or n'est-il pas vrai qu'en agissant ainsi elle supprimerait entièrement notre libre arbitre? Et cependant le sens intime nous révèle clairement que notre libre arbitre est supérieur à ses atteintes ; il nous rend parfaitement certains que, si de pareilles prédictions nous étaient faites, nous serions maîtres de leur infliger un complet démenti. Cette certitude n'admet pas le moindre doute, elle résulte de la vue claire et distincte de la vérité. Il est donc également certain, non seulement que l'harmonie préétablie est une erreur, mais plus généralement qu'aucun de nos actes matériels volontaires ne peut être prévu directement et avec certitude par un être créé. Il ne peut donc être lié à l'état de l'univers par une liaison rigoureuse qui rendrait possible une pareille prévision.

Il nous reste à montrer que cette note est caractérisque, qu'elle n'appartient pas à l'action purement atomique. Ce point, il est vrai, n'est pas contesté et, jusqu'à ces derniers temps, on ne craignait pas d'ajouter qu'il n'était pas contestable. On en pouvait donner deux démonstrations fondées sur l'expérience et l'induction. La première partait de ce fait que tous les phénomènes physico-chimiques se reproduisent invariablement les mêmes dans les mêmes circonstances, fait absolument général et qui n'a jamais rencontré que des exceptions apparentes, dues à une connaissance imparfaite

des circonstances, et bientôt supprimées par une recherche plus éclairée. Cette démonstration, que nous jugeons inutile de développer, conserve aujourd'hui toute sa force, et rien ne paraît devoir l'ébranler. La seconde partait de ce fait, déjà signalé bien souvent au cours de cette étude, que les forces atomiques, exactement exprimables en nombres, doivent permettre de représenter tout phénomène purement atomique par un système d'équations différentielles, joint à la connaissance de l'état initial. Or, d'un côté, les conditions initiales déterminent à un instant donné les positions de tous les atomes, et les vitesses avec lesquelles ces positions commencent alors à varier, et d'un autre côté les équations différentielles déterminent, d'une manière continue pendant tout le phénomène, les variations des vitesses elles-mêmes. L'on concluait de là que, de proche en proche, tous les états antérieurs et postérieurs du système atomique se trouvaient nécessairement et parfaitement déterminés. Mais, depuis deux ans, un mathématicien distingué, M. Boussinesq, professeur à la faculté officielle des sciences de Lille, a tiré de l'oubli et développé une remarque curieuse et parfaitement juste qui, si elle avait réellement la portée qu'il lui attribue, infirmerait considérablement cette seconde démonstration. Nous exposerons cette remarque plus loin dans ce même chapitre, et nous espérons montrer fort clairement qu'elle n'ébranle absolument rien, que l'on peut toujours conclure des équations de la dynamique à la parfaite détermination de tout phénomène purement atomique.

Nous pouvons donc déjà donner une réponse affirmative à notre première question: Il y a, dans certains phénomènes vitaux, des actions matérielles différentes des actions atomiques. Il y a par conséquent, dans la nature, des activités autres que les puissances aveugles qui se manifestent dans les phénomènes physico-chimiques; il y a par conséquent d'autres agents que les substances atomiques. Contentons-nous, pour le moment, de les désigner par le

mot volontaire; nous aurons plus d'une fois à y revenir; mais avant d'aborder à leur sujet notre seconde question, tâchons d'évaluer approximativement l'étendue que, dans le domaine des actions vitales, couvre le champ des actions volontaires.

Le critérium du sens intime, auquel nous avons eu recours, reste muet pour les actes qui ne nous sont pas personnels. Cependant, l'expérience le prouve, s'il s'agit d'autres hommes que tout nous montre comme semblables à nous, nous n'avons aucune difficulté à reconnaître la même indétermination dans beaucoup de leurs actions. Est-ce à dire que nous en ayons la même certitude? Pratiquement, oui; mais théoriquement, ce que nous appelons ainsi certitude n'est qu'une énorme probabilité qui, pour l'impression laissée dans notre esprit, est parfaitement équivalente. La probabilité décroît quand nous passons aux animaux ; mais elle reste encore à peu près équivalente à la certitude, relativement aux animaux supérieurs que nous pouvons observer souvent. De plus nous n'avons guère fait allusion qu'aux mouvements musculaires; cependant le volontaire ne s'observe pas seulement dans les mouvements par lesquels l'animal agit sur le monde extérieur, mais encore dans les sensations par lesquelles le monde extérieur agit sur lui. On sait, en effet, que l'attention, phénomène volontaire, modifie et même parfois supprime certaines perceptions sensitives. Mais évidemment tous les phénomènes matériels du corps animal, toutes les fonctions physiologiques ne rentrent pas dans le champ du volontaire. Pour limiter ce champ, le critérium du sens intime, sans être le seul, est cependant le plus facile et le plus fécond; car non seulement ce qu'il indique positivement comme volontaire doit être accepté comme tel, mais il semble même qu'aucun de nos phénomènes ne peut prétendre à cette qualité, si notre sens intime ne consent à la lui reconnaître. Comment, en effet, avec la connaissance directe que j'ai de moi-même

et de mon activité, pourrais-je avoir la faculté de poser tout à fait à mon insu une action volontaire, c'est-à-dire de vouloir sans qu'il me soit possible de savoir que je veux? Or, en nous servant surtout de ce critérium, sans négliger les autres, nous trouvons d'abord dans le corps animal vivant un grand nombre de phénomènes physiques, tels que les effets de la gravitation et les vibrations calorifiques, qui ne présentent pas la moindre trace de volontaire. Viennent ensuite certains phénomènes chimiques, plastiques et purement mécaniques, analogues ou même tout à fait semblables à ceux que l'on observe dans les végétaux. Quand on les considère en eux-mêmes et en dehors d'autres phénomènes distincts qui jouent parfois le rôle d'excitateurs, on est forcé de leur reconnaître le caractère de nécessité qui appartient aux actions atomiques, on n'y aperçoit aucun élément volontaire. Nous allons, du reste, les examiner bientôt en détail pour voir s'ils ne présentent pas quelque autre note caractéristique qui les distingue des actions atomiques. En procédant ainsi par élimination, on trouve que le volontaire ne se montre que dans la seule classe des phénomènes nerveux. Encore cette classe renferme-t-elle bien des cas où il n'intervient pas le moins du monde. Il peut se faire, et il se fait souvent du travail nerveux sans aucune action volontaire; mais il ne se fait jamais une action matérielle volontaire sans travail nerveux; telle est la formule qui me semble résumer exactement l'expérience. C'est elle qui nous guidera, quand nous essaierons tout à l'heure de résoudre notre seconde question. La première doit encore nous retenir quelque temps.

Nous devons, en effet, rechercher si, dans les actions vitales non volontaires, qui sont, comme les actions atomiques, toutes déterminées par l'état antérieur, il n'y a pas quelque autre caractère qui les distingue essentiellement de celles-ci, qui par suite nous oblige à les attribuer à des agents autres que les substances atomiques. Tous les phé

nomènes spéciaux qui s'accomplissent dans les plantes et, comme nous venons de le dire, un grand nombre de ceux que l'on observe dans les animaux appartiennent à cette classe. Nous ne pouvons les décrire, mais il faut autant que possible les réduire à leurs éléments; l'étude de ces actions élémentaires nous éclairera ensuite sur l'activité des substances qui les produisent.

Les éléments du physiologiste ne sont pas précisément ceux dont nous avons besoin. Son but est la théorie purement scientifique, il ne veut que coordonner les phénomènes; notre but final est la théorie philosophique, nous voulons des derniers phénomènes passer aux agents. Voici l'analyse qui me paraît la plus avantageuse pour cette recherche, parce qu'elle est fondée sur la théorie atomique établie précédemment.

Tous les phénomènes matériels n'étant que des déplacements de masses accompagnés de transformations d'énergie, nous examinerons d'abord, dans les corps vivants, les phénomènes spéciaux où les masses atomiques se déplacent individuellement, en d'autres termes, les phénomènes de chimie organique où les atomes changent d'arrangement moléculaire; en second lieu, les phénomènes plastiques qu'on pourrait appeler d'organisation, où les molécules se déplacent intégralement pour former les particules des tissus; en troisième lieu les phénomènes purement mécaniques, où ces particules elles-mêmes se déplacent de façon à changer l'arrangement des tissus.

Dans l'examen de ces trois catégories, comme dans la théorie atomique, nous emprunterons la lumière de la mécanique rationnelle, qui seule me paraît capable de résoudre la question. Voici comment nous procéderons. Les corps vivants étant considérés comme des systèmes d'atomes, soumis naturellement à leurs actions réciproques, nous rechercherons dans chacune de nos trois catégories de faits, s'il faut, pour expliquer les transformations d'énergie qui accompagnent ce déplacement des masses,

« ÖncekiDevam »