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deux choses que vous avez faites sans les assujettir au temps, bien que ni l'une ni l'autre ne vous soit coéternelle : l'une si excellente et si parfaite, que, quoiqu'elle soit muable de sa nature, elle ne change pourtant jamais, parce que, sans cesser un instant de vous contempler, sans éprouver un seul moment d'altération, elle jouit pour jamais de votre éternité et de votre immutabilité; l'autre si voisine du néant et si informe, qu'elle n'avait pas même assez d'être pour éprouver un changement, en quittant une forme pour une autre, le repos pour le mouvement, ni par conséquent pour être soumise à l'empire du temps. Mais vous ne l'avez point laissée dans ce premier état.

Vous avez donc fait dans le commencement, et avant qu'il y eût aucun jour, le ciel et la terre, qui sont ces deux choses dont je viens de parler. <«< Or la terre, nous dit l'Écriture, » était invisible et informe, et les ténèbres planaient sur >> l'abîme '. » Ainsi nous est insinué peu à peu, et comme par degrés, cet état d'un être qui est matière et qui pourtant n'a pas de forme, afin que cette idée s'empare insensiblement de l'esprit de ceux qui ne croient pas possible qu'un être matériel soit informe sans cesser d'être, et qui refusent de croire cet état dépourvu de forme dans la matière primitive dont Dieu devait se servir pour faire un autre ciel, une terre visible dont les parties seraient en harmonie entre elles, des cieux semblables au plus pur cristal, et tout ce qui fut ensuite créé dans le monde; non plus avant les jours, mais pendant les six jours de la création, parce que toutes ces choses sont de leur nature sujettes aux vicissitudes des temps, à cause des changements réglés de leurs formes et de leurs mouvements.

Chap. XIII. Des créatures spirituelles et de la matière informe.

Lorsque je vois, à mon Dieu! que votre Écriture me dit : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la » terre était invisible et informe, et les ténèbres étaient ré>> pandues sur la face de l'abîme 2; » sans que nulle part il

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soit dit quel jour vous les avez créés, cela me porte à croire que, par ce ciel, je dois entendre le ciel des cieux, le ciel intellectuel, où les pures intelligences ont la connaissance de toutes choses en même temps, et non par parties, <«<non » par énigme, non comme dans un miroir '; » mais d'une manière parfaite, d'une vision claire, et comme face à face; non tantôt d'une manière et tantôt d'une autre, mais toujours de même, comme nous l'avons dit, sans aucune vicissitude de temps. Pareillement cette terre invisible et informe ne pouvait pas non plus être sujette à ces mêmes vicissitudes, puisqu'il aurait fallu pour cela qu'elle fût tantôt d'une manière et tantôt d'une autre, ce qui ne se pouvait, parce que ce qui est informe ne saurait être changeant et varié dans ses formes. C'est donc à cause de ces deux choses, dont l'une reçut dès l'origine une forme, et l'autre en fut entièrement privée ; dont l'une est le ciel, mais le ciel des cieux, et l'autre la terre, mais la terre encore invisible et informe; c'est, dis-je, à cause de ces deux choses que l'Écriture nous dit, sans nous parler de jours: « Au commencement, Dieu fit le >> ciel et la terre: >> car elle ajoute aussitôt de quelle terre elle entend parler. Et comme, d'un autre côté, elle nous parle au second jour « de la création d'un firmament 2, » qui fut appelé ciel, elle nous indique assez que c'est d'un autre ciel qu'elle nous a parlé, quand elle n'a point fait mention de jours.

Chap. XIV. De la profondeur des saintes Écritures.

Que la profondeur de vos Écritures, ô mon Dieu, est admirable! Elles nous présentent d'abord une surface agréable qui nous attire, petits enfants que nous sommes: mais quelle profondeur, ô mon Dieu! quelle immense profondeur! Mon œil ne la sonde qu'avec effroi et tremblement; mais cet effroi est respect, et ce tremblement est amour. Je hais de toutes

les forces de mon âme ceux qui les haïssent 3. Oh! si vous vouliez les percer « de votre épée à deux tranchants", » que

I. Cor., XIII, 12.

2 Gen., I.

'Les Manichéens. - Heb., IV, 12.

j'aimerais à les voir ainsi mourir à eux-mêmes, afin de vivre pour vous!

Toutefois il en est d'autres qui, bien loin de rien blâmer dans la Genèse, font au contraire profession à son égard du plus profond respect. Seulement voici ce qu'ils disent: « L'Esprit de Dieu, qui a écrit toutes ces choses par la main de Moïse, son serviteur, n'a pas voulu que nous prissions ses paroles dans le sens que vous leur donnez, mais dans celui que nous leur donnons nous-mêmes. >> Eh bien! je vous prends pour arbitre, ô vous qui êtes leur Dieu et le mien, et voici ce que je leur réponds.

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Chap. XV. Diverses vérités constantes, quel que soit le sens que l'on donne aux premières paroles de la Genèse.

Accuserez-vous de fausseté tout ce que la vérité elle-même a fait entendre à l'oreille intérieure de mon âme, tout ce que sa voix puissante m'a révélé sur l'éternité du Créateur, m'apprenant que sa nature n'est point soumise aux vicissitudes des temps, et que sa volonté n'est point séparée de sa substance? d'où il résulte qu'il ne veut pas d'abord une chose, ensuite une autre; mais qu'il veut, par un seul et même acte de sa volonté, et pour toujours, tout ce qu'il veut, qu'il ne lui arrive point de vouloir ce qu'il ne voulait pas, ou de ne plus vouloir ce qu'il voulait; ou de vouloir tantôt une chose, tantôt une autre. Une telle volonté serait une volonté changeante, et rien de ce qui change ne peut être éternel. Or notre Dieu est le Dieu de l'éternité.

J'en dis autant de cette autre vérité qui s'est fait entendre à l'oreille intérieure de mon âme, savoir que l'attente des choses à venir devient une vision immédiate lorsqu'elles sont présentes, et que cette vue immédiate n'est plus que mémoire, souvenir, quand elles sont passées. Or toute connaissance, ainsi sujette au changement, est muable; rien de ce qui est muable n'est éternel. Or notre Dieu est le Dieu de l'éternité. Je rassemble ces vérités, je les réunis ensemble, et je trouve que mon Dieu, qui est éternel, n'a pu produire les créatures par une volonté survenue tout à coup en lui; et

que dans sa science il n'y a rien de passager, rien qui subisse la loi du temps.

Que direz-vous à cela, vous qui combattez ce sens que je donne aux paroles de l'Écriture? Ces choses sont-elles fausses? Non, disent-ils. Quoi donc? Est-il faux que toute nature ayant une forme, ou toute matière susceptible d'en recevoir une, ne peut recevoir l'être que de celui qui est souverainement bon, parce qu'il est souverainement? Nous n'attaquons point non plus cela, disent-ils. Quoi donc encore un coup? Ce que vous niez, serait-ce donc ce que j'ai dit de l'existence de certaines créatures si sublimes, et si intimement unies par les liens d'un amour aussi chaste qu'il est ineffable au vrai Dieu, au Dieu vraiment éternel, qu'encore qu'elles ne lui soient point coéternelles, elles ne se séparent jamais de lui pour tomber dans le cours du temps et être entraînées par ses vicissitudes, mais qu'elles le contemplent sans cesse, et demeurent sans cesse dans le repos de cette heureuse et parfaite contemplation?

Car, ô mon Dieu! dès qu'une âme vous aime autant que vous lui commandez de vous aimer, vous vous montrez à elle et vous lui suffisez; et c'est ce qui fait qu'elle ne se détourne jamais de vous, pas même pour se retourner vers elle. Voilà quelle est la véritable maison de Dieu : elle n'est point composée d'un assemblage de matières prises, soit dans le ciel, soit sur la terre; c'est une maison toute spirituelle qui partage votre éternité, parce que, toujours pure et sans tache, elle demeure à jamais ce qu'elle est. Vous l'avez fondée vous-même pour les siècles des siècles, vous avez ordonné qu'elle fût ainsi, et « votre parole ne passera pas '. » Cependant, ô mon Dieu! elle ne vous est point coéternelle, parce qu'elle a eu un commencement et qu'elle a été créée. vrai que nous ne trouvons point de temps avant elle. dit que «la sagesse a été créée la première de toutes les créatures » non pas, ô mon Dieu! cette sagesse dont vous êtes le père, qui vous est parfaitement égale et coéternelle, par qui toutes choses ont été créées, et qui est le principe dans

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Il est

Il est

lequel il est dit que vous avez fait le ciel et la terre; mais cette sagesse, qui est une créature, c'est-à-dire les substances intelligentes qui, par la contemplation de votre lumière, sont elles-mêmes devenues lumières. Ces substances spirituelles peuvent être aussi appelées sagesse, quoiqu'elles aient été créées; mais autant il y a de distance entre la lumière qui éclaire et celle qui est éclairée, autant il y en a entre la sagesse qui crée et celle qui est créature, comme entre la justice qui justifie et celle qui est un effet de la justification: car nous avons aussi été appelés votre justice, quand un de vos serviteurs a dit : « Afin que nous devenions la justice de Dieu >> en lui'. >> Il y a donc une sagesse qui a été créée avant tout le reste, et ce sont ces substances raisonnables et intelligentes qui composent votre ville sainte, cette cité céleste qui est notre mère, qui est libre et éternelle, et qui est dans les cieux et dans quels cieux, sinon dans le ciel des cieux qui vous loue, dans ce ciel des cieux qui est au Seigneur?

Mais encore que nous ne trouvions point de temps qui ait précédé cette sagesse, puisque, étant la première de toutes les créatures, elle précède le temps qui lui-même a été créé, cependant avant elle est l'éternité du Créateur: car, bien qu'il ne l'ait pas créée dans le temps, puisque le temps n'existait point encore, c'est en lui qu'est le principe de son existence. Elle procède donc tellement de vous, ô mon Dieu! qu'elle est quelque chose de très-différent de vous, et non pas vous: car encore que nous ne trouvions aucun temps ni avant elle ni en elle, à cause de cette faculté qu'elle a reçue de contempler sans cesse votre face, et de n'en jamais détourner ses regards, ce qui la rend par le fait inaccessible à tout changement, elle a néanmoins dans le fond de sa nature un principe de mutabilité qui la livrerait à d'épaisses ténèbres ou à un funeste refroidissement, si son amour immense, l'unissant fortement à vous, n'était comme un midi perpétuel qui reçoit de vous toute sa chaleur et toute sa lumière.

O maison étincelante de beauté et de lumière! «< que j'aime » votre beauté et le lieu où habite la gloire de mon Dieu 2, »>

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