Sayfadaki görseller
PDF
ePub

de constat. Le bruit court que le prieur lui-même a quitté l'abbaye et qu'il ne reste plus, pour représenter cette fondation de saint Bernard, qu'un seul, un unique religieux, dom André Coutancin. Et encore celui-là on l'aurait expulsé pour ses crimes; mais le prieur, à son départ, l'aurait remis en fonctions. Triste acquisition d'ailleurs, à côté du scandale produit: car, indisposé de colique et perclus de ses bras, Coutancin ne serait capable d'aucun service.

Le notaire et les témoins requis arrivent le 8 janvier au monastère et constatent le fait. Coutancin est bien le malade, le perclus qu'on avait dénoncé ; le dimanche précédent il avait dit la messe, ce qu'il n'avait pu faire depuis noël. Quant au prieur, il était parti pour Paris depuis un mois ou cinq semaines. L'abbé commendataire était également au loin et n'avait pas ce zèle direct et immédiat qui pouvait animer les abbés résidant dans l'abbaye même.

Avec la fin du siècle, ce fâcheux état s'améliora sensiblement. Les biens reconstitués permirent d'assurer un revenu suffisant aux religieux; leur monastère et leur église furent relevés de leurs ruines. L'abbé Morisset cherche à remédier à cette situation. Il n'y a réellement qu'un religieux, et les moines sont toujours en courses, voyages et promenades; quand l'un d'eux revient, il laisse la liberté à l'autre d'aller où il lui plaît. Le 4 décembre 1693, Morisset, par son procureur, fait sommation aux religieux d'observer un arrêt du roi du 12 novembre 1680, de faire leur résidence au monastère.

La situation cependant s'améliore. Quand, en 1722, le visiteur de l'ordre de Citeaux, frère Eustache Malfilâtre, se présente à l'abbaye, s'il ne rencontre pas dom de Montauban, le prieur, occupé à Paris, pour les affaires de la maison, d'autres religieux y résident. Malfilâtre trouve l'église et les ornements en parfait état. Il est également satisfait de la manière édifiante dont se fait le service divin, et il exhorte la communauté à continuer « afin que leur prière monte devant le throsne du Seigneur, comme un encens de bonne odeur et plein de suavité. »

L'office devait se réciter tous les jours et aux heures indiquées par les précédents visiteurs 1; sur les trois religieux dont la présence était exigée, si deux étaient malades ou empêchés, le troisième devait réciter dévotement l'office divin. La messe con

1. Les 22 décembre 1707 el 5 août 1721 notamment.

ventuelle devait se célébrer tous les jours. Le visiteur règle tous les détails des cérémonies et même le costume que doivent avoir les célébrants. Pendant la célébration des offices, les moines ne pouvaient se couvrir la tête de calottes, encore moins de perruques et de calottes à poil, sous peine d'encourir la suspension.

Mais la violation des règlements était punie en outre d'une peine originale : l'exil à l'abbaye de Moreilles. Ce monastère était donc considéré comme un lieu perdu, inhabitable, un séjour de pénitence. Sans doute, il le devait à sa situation en plein marais, dépourvu qu'il était de voies de communication et au loin de tous centres habités.

Malfilâtre fait enfin un tableau de la vie monastique capable d'amener la sanctification des religieux et l'entretien des sentiments de piété chez ceux qui les fréquentaient :

« La vie cénobite et religieuse, dit-il, étant, selon le sentiment des pères, un paradis anticipé pour ceux qui ont embrassé ce saint état, quand la charité règne parmi eux, nous exhortons tous les particuliers à faire, chaquun de leur costé, leur possible pour l'entretenir, en respectant et obéissant, selon que le prescrit nostre saint législateur, en tout ce que peut leur ordonner leur supérieur local que Dieu a mis pour remplir sa place parmi eux; et si le supérieur étoit obligé de reprendre ou corriger en quelque occasion un religieux : car, comme dit saint Jean, in multis offendimus omnes, nous enjoignons et ordonnons aux particuliers répréhensibles de prendre et recevoir la correction ou punition avec la soumission religieuse qu'il doit au lieutenant de Jésus-Christ, afin qu'elle lui soit profitable pour sa sanctification.

Nous vous exhortons, en un mot, à vivre en paix et union, de telle manière que vostre conduitte extérieure fasse connoistre, mesme aux séculiers qui par hazard peuvent se trouver parmy vous, que vous estes dans la mesme intelligence et concorde que les premiers chrestiens qui, selon les actes des apostres, ne faisoient ensemble qu'un cœur et une âme par le concert harmonieux et subordonné de leur volontez et celle de leur pasteur.

Nous vous exhortons enfin à prier Dieu pour l'exaltation et prospérité de nostre sainte mère l'église catholique, apostolique et romaine, pour la confusion et conversion de ses ennemis, mesme intérieurs, pour nostre saint père le pape, pour le roy très chrestien et la reine infante, pour messire nostre révérend

abbé de Clairvaux, père et supérieur immédiat de cette maison, et pour nous. »

Sages et pieux conseils qui devaient être relus aux religieux tous les quatre temps de l'année, et qui contribuèrent, sans aucun doute, à entretenir pendant le dernier siècle d'existence de l'abbaye, une concorde et une régularité qui ne semblent plus avoir été troublées.

§ 5. La fontaine de La Grâce-Dieu.

Sur la rive droite du cours d'eau qui va du moulin de l'étang à La Grâce-Dieu et dans la partie la plus profonde d'une petite crique, existe une fontaine qui est un lieu de pèlerinage et de dévotion. Son origine remonterait au séjour que, d'après la tradition populaire, saint Bernard aurait fait à l'abbaye. A ce séjour se rattacheraient deux légendes. Saint Bernard, dit-on, se trouvait dans sa cellule. Les moines qui le croyaient seul, l'entendirent converser avec quelqu'un. Ils l'interrogèrent à ce sujet. Le saint leur raconta alors que cherchant en vain la solution d'une question scripturale, la sainte Vierge lui était apparue et la lui avait donnée. De là viendrait la dévotion particulière des populations qui se rendaient à l'abbaye pour les fêtes de Notre-Dame.

La légende raconte en outre que le domestique de saint Bernard étant malade, celui-ci l'envoie se laver à la fontaine qui se trouvait à l'est du bois, et que le domestique fut guéri; et l'historien Masse qui se fait l'écho de cette tradition ajoute que plusieurs personnes infirmes vont s'y laver et s'en trouvent bien 1. »

La fontaine est encore actuellement un lieu de pèlerinage. On s'y rend dans la nuit du 14 au 15 août de chaque année. Il est dans la croyance populaire qu'à minuit l'eau remplit un timbre qui est enfoncé sous la fontaine, et que peu à peu émergeant du timbre elle se répand dans la crique, puis de là dans le ruisseau qui lui fait suite. Bien entendu, il est de croyance que ce timbre ne peut s'enlever. A plusieurs fois on y attela des paires de bœufs, mais les efforts étaient infructueux et le timbre restait en place. A plusieurs reprises toutefois et à force d'hommes,

1. Masse, Bibl. de La Rochelle, mss. 32 (ancien 2927), p. 66.

on l'aurait sorti de la place qu'il occupait et mis sur la berge, mais le lendemain le timbre avait repris sa place 1.

L'eau de la fontaine ne guérirait pas spécialement, d'après les gens du pays, telle ou telle affection, mais tous les malades sans exception pourraient demander leur guérison.

Le pèlerinage de la fontaine de La Grâce-Dieu serait en outre comme certains lieux de pèlerinages, dans les Pyrénées notamment, le rendez-vous de jeunes couples qui viendraient y faire des « accordailles ».

Il y avait autrefois près de la fontaine une croix qui a disparu.

[blocks in formation]

Les œuvres humanitaires de l'abbaye étaient nombreuses. L'abbaye était née pour la charité. Ses règles l'y poussaient et la tradition s'en perpétuait d'âge en âge. En laissant de côté les services rendus par les moines dans le défrichement et la mise en culture de terres arides, le desséchement des marais, toutes choses dont la preuve ressort surabondamment de l'extension et du développement de leurs biens fonciers, l'influence bienfaisante de l'institution monacale se manifestait soit par un meilleur sort donné à ses hommes, soit par des institutions charitables, soit par les aumônes distribuées aux pauvres et aux passants.

Étre l'homme d'une abbaye ou d'un pouvoir ecclésiastique, fût-on serf de l'abbaye, était un sort envié et semblait donner à ces époques reculées du moyen âge une position bien supérieure à celle de vassal d'un seigneur ou du roi. Aussi les domaines des abbayes étaient-ils des refuges pour tous ceux auxquels il était loisible de quitter un maître laïque. Justiciables de la cour de l'abbaye, ces hommes partageaient d'ailleurs avec elle et ses religieux les bénéfices de la sauvegarde accordée par les rois. Pour arrêter cette immigration, la charte de fondation fermait, dans une certaine mesure, cette porte ouverte à tous les miséreux des terres voisines, dont les privilèges accordés aux maisons religieuses auraient amené la dépopulation. Le roi Richard édicta dans les privilèges accordés à La GrâceDieu, en 1190, que les hommes de l'abbaye seraient sous sa

1. Voir, sur des faits analogues, La Charente-Inférieure avant l'histoire et dans la légende, par G. Musset; passim.

sauvegarde et protection et le duc d'Othon renouvela ces déclarations.

A Surgères, dans ce domaine de La Grâce-Dieu, analogue à un bourg neuf, comme il en prend d'ailleurs le nom, les hommes de l'abbaye jouissaient de grands privilèges: paix, liberté, abri des exactions; ils s'apitoyaient certainement dans leur refuge sur le sort des pauvres tenanciers des seigneurs voisins, molestés par toutes les charges et corvées que les nécessités de la guerre ou d'une paix armée leur imposaient. Ils sont là, tous nommés, au nombre de trente-quatre, dans leurs habitations, dont quelques unes sont bien loin des primitives écrennes rochelaises, mais constituent au contraire des sortes de petits domaines avec quelques sillons de terre ou jardins, habitations dont quelques unes portent en effet le nom d'hébergements indiquant une petite exploitation agricole. Ces habitations sont groupées sous la protection de la maison de l'abbaye. Les hommes ou leurs familles sont originaires de divers pays, notamment Ballon, Loudun, Saint-Georges, Le Puy ou Le Peux, Luzignan, Doeuil, Bordeaux.

Ce n'était que dans les biens qu'ils tenaient du seigneur que les sujets de l'abbaye avaient à répondre de leurs actes et de leurs méfaits. Et cependant la barrière qui entourait le bourg neuf n'était sans doute pas infranchissable à l'arbitraire des puissants voisins: car ces hommes furent molestés à diverses reprises. Mais l'abbaye prit leur défense et obtint, par un acte de 1235 (n. s.), que Guillaume Maingot, alors seigneur de Surgères, confirmât leurs privilèges.

A quelques trois ou quatre cents ans de distance, ce sont les tenanciers du monastère lui-même que l'on voit à l'occasion défendus par les abbés ou les prieurs contre la juridiction envahissante des seigneurs de Benon ou des officiers du roi, contre la prétention de ceux-ci de juger des crimes ressortissant de leur haute justice, ou contre la prétention de les imposer à des charges financières dont ils étaient exempts par suite des privilèges accordés à leurs seigneurs ecclésiastiques.

Une des grandes plaies du moyen âge, la lèpre, ne vit pas non plus les religieux demeurer indifférents. Si l'on en croit un titre daté de 1256, une léproserie ou tout au moins un groupement de lépreux existait à Benon. Le nom d'hébergement attribué aux habitations de ces malades, semble établir qu'en les isolant on avait voulu au moins leur donner un petit domaine

« ÖncekiDevam »