Sayfadaki görseller
PDF
ePub

renversement subversif, dans les Verbes les plus effrayants des deux révélations naturelles et spirituelles. La loi du contact des extrêmes nous fait connaître souvent combien le dernier ridicule est près du sublime, et, sous une laideur affreuse, nous dévoile une suprême beauté.

En résumé, nous pouvons conclure que le cadre intégral d'études sur la question religieuse, loin d'avoir été rempli, n'avait pas même été régulièrement tracé, et qu'il faudra encore beaucoup de lumière et beaucoup de patience pour la complète solution du problème de l'unité religieuse.

Dans un prochain article nous continuerons ce cadre d'études, en examinant la question sous un troisième point de vue celui des Types organiques et des formes symboliques, dans les révélations et les dogmes.

HUGH DOHERTY.

Erratum.

Note 3 de la page 440 ci-dessus.

« Cependant, je vous dis la vérité; il vous est utile que je m'en aille; car, si je ne m'en vais point, le Consolateur ne viendra point à vous ; mais si je m'en vais, je yous l'enverrai.

» Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, touchant la justice et touchant le jugement. » (S. JEAN, XVI, 7-8.)

LA

GUERRE DES PAYSANS.

TROISIÈME ARTICLE.

Voir les précédentes livraisons.)

VI

THOMAS MUNZER.

Thomas Munzer, avons-nous dit, était le chef spirituel des paysans. Avant d'entrer dans les péripéties sanglantes de cette guerre civile, force nous est de nous arrêter à cette figure gigantesque qui devance ses contemporains de quatre siècles.

Les historiens, jusqu'à présent, n'ont eu de récits dithyrambiques que pour les heureux vainqueurs. Aux grands vaincus ils n'ont témoigné que de l'indifférence, souvent de la colère, tout au plus de la pitié. Ces vaincus, cependant, représentent les jalons du progrès sur la route de l'histoire, et l'humanité ne semble pouvoir marcher qu'à l'aide de ces guides divins. Que nous est-il resté des victoires des Alexandre, des César et des Napoléon? Des récits de batailles bons pour amuser les grands et les petits enfants jouant aux soldats. Mais, sous Alexandre, Aristote, grâce à la sagesse du supplicié Socrate, élève un monument de science pour l'avenir; mais, sous les Césars, un crucifié change, par sa parole, la face du monde, et fait descendre le ciel sur la terre; sous Napoléon, enfin, Fourier pose les fondements d'une nouvelle société, suite logique et inévitable du Verbe de l'Évangile. Nous n'avons eu jusqu'à présent qu'une histoire des hommes, des héros plus ou moins heureux. L'histoire de l'humanité est encore à faire. Nos professeurs, nos historiens lettrés, n'ont traité que la face extérieure, l'écorce de l'histoire; rarement ils ont pénétré jusqu'à l'âme; semblables à ces médecins qui nieraient la circulation du sang, et qui regarderaient toute maladie comme un mal local.

Or, l'histoire de l'humanité entière ne forme qu'un corps solidaire et compact dont chaque nation est un membre plus ou moins actif, plus ou moins initiateur. La pensée, le Saint-Esprit en est l'âme. Cette pensée, ce SaintEsprit se révèle continuellement par de grandes individualités représentant les masses et leur frayant les voies mystérieuses de l'avenir. Qu'importe que l'homme marqué par le cachet divin meure ou vive ! Il n'est venu au monde que pour manifester la pensée de Dieu. Cette mission remplie, il ne vit déjà plus en personne. Son sang s'est volatilisé en maximes et est allé s'infiltrer dans le sang de ses frères. Ce n'est plus un homme, c'est un principe, une idée, une âme de la tête aux pieds ! Le poursuivre, le martyriser, le crucifier, le ridiculiser, ce sont autant de coups de verges flagellant une flamme ardente dont le foyer est ailleurs et qui, durant la guerre, se plaît encore à éclairer ses bourreaux obscurs d'une lumière resplendissante.

En parlant de Munzer, aucun historien, à l'exception de Zimmermann, ne s'est élevé jusqu'à la hauteur de son sujet. Les Français, surtout, pour qui, d'ordinaire, l'histoire des autres peuples n'est qu'une étude accessoire, l'ont presque tous défiguré ou calomnié d'une manière indigne. Pour les uns, Munzer est un anabaptiste prêchant la communauté des femmes; pour les autres, c'est un fou digne d'être enfermé... Des professeurs allemands, qui, s'ils avaient vécu du temps de Munzer, lui auraient fait dire avec Job: « Je ne les crois pas dignes de coucher avec les chiens de mes troupeaux ; » ces vers rongeurs de livres qui, pour plaire à un roitelet ou à un de ses laquais, calomnieraient. Jésus lui-même, ont osé condamner sans rémission le hardi révolutionnaire du seizième siècle, en le confondant à dessein, et dans le but de le rendre odieux, avec les anabaptistes de Munster. Les uns le haïssent, les autres le ridiculisent, tous le craignent. Luther, son plus grand ennemi, avoue que chaque fois que le nom de Munzer, même après sa mort, se présente sous sa plume, il est saisi d'un frisson indicible. Aujourd'hui encore, le souvenir évoqué de cet homme mis à mort dans la fleur de la jeunesse fait trembler tous les hauts dignitaires, tous les savants titrés de l'Allemagne. Qu'est-ce donc que cette figure dont l'ombre, après quatre siècles, est encore la terreur des despotes, des faux savants et des imbéciles ?... C'est tout simplement un homme dans toute la force du terme, un homme de toutes pièces. En lui toute fibre est une idée, toute parole une menace, tout mouvement un fait ; en lui, la volonté et le fait sont toujours identiques, il pense comme il agit, il agit comme il pense, toujours sans peur, ni reproche; un homme chez qui la haine du mal est à la hauteur de l'amour du bien; un homme principe enfin, instrument de la révélation permanente dont il est le premier représentant, et pour laquelle il est mort sur le gibet, ou, si l'on aime mieux, sur la croix.

Munzer naquit en 4498, dans la ville de Stolberg au pied du Harz, résidence du seigneur de ce nom. La chronique raconte que son père fut violemment mis à mort par le seigneur de Stolberg; elle n'en dit pas la cause, qui, selon toute probabilité, a été purement politique. Quoi qu'il en soit, ce souvenir, si sanglant qu'il fût, n'a eu guère d'influence sur la conduite du fils. Sa haine pour les oppresseurs de son pays était le résultat d'un principe et non d'un sentiment de vengeance. La mort tragique du père n'a été pour le fils qu'une

goutte de plus dans le calice d'amertume qu'il a vidé jusqu'à la lie. Le génie du jeune Munzer s'est révélé de très bonne heure. A Wittemberg, où il fit ses premières études, il surpassa par ses travaux et son application tous ses camarades beaucoup plus âgés que lui.

Melanchton, son ennemi, lui donne le témoignage qu'il savait la Sainte Écriture par cœur et qu'il était fort versé dans la science théologique. A l'âge de quinze ans, il obtint le titre de docteur à l'Université de Halle, et là déjà il organisa une espèce de confédération contre les abus du clergé et des princes.

A seize ans, il remplit les fonctions de chapelain dans un couvent près de Halle, où il disait la messe aux nonnes. Luther dit de lui : « Déjà dans ce couvent Munzer se montre tout-à-fait acatholique. Il raille la messe et avale les dieux (les pains) sans les bénir. » Tout-à-coup le jeune Munzer se retire dans la solitude et se plonge dans l'étude des livres mystiques des maitres du moyen âge. Ce fut surtout l'abbé Joachim, dit le Calabre, qui exerça une immense influence sur l'esprit du jeune docteur. Ce prophète (car il se donne ce nom) vivait dans le beau temps de la scholastique, où le clergé, reniant sa sainte mission, commençait à se prêter aux tyrannies des seigneurs. Munzer lui-même se charge d'éclaircir les allées touffues des promenades mystiques du prophete Calabre. « Joachim, dit-il, nous montre l'avenir de l'humanité dans un miroir mystique. Il flagelle les exactions cléricales, déclare inutiles et superflues les visites faites par les chrétiens au temple matériel et prédit un dernier jugement, où Christ, le fouet à la main, chassera de nouveau du temple et les vendeurs et les acheteurs. Il viendra une ère spirituelle, ère d'amour et de joie, de liberté et de fraternité, où toute la science de la lettre périra. A sa place jaillira radieux et libre le Saint-Esprit. L'Evangile de la lettre n'est que temporel, sa forme est passagère. Il n'y a que le Saint-Esprit qui soit le véritable Évangile. Grâce à la résurrection de l'Esprit, bien des choses que les contemporains du Christ n'ont pu comprendre seront prédites et s'accompliront dans l'avenir. Il se formera alors sur la terre une association de frères, d'hommes-esprits pour lesquels la Sainte-Écriture sera une source claire et intarissable, un monument impérissable gravé, non avec de l'encre sur le papier, mais avec du sang dans le cœur de tous les hommes. Les prêtres et les savants qui, juqu'à présent, ont été les organes des choses divines, disparaîtront à tout jamais; les fils de l'Esprit n'auront plus besoin de ces médiateurs. Le Saint-Esprit sera seul leur maître, la révélation inté rieure remplacera la révélation extérieure. La religion sera une contemplation pure et immédiate de Dieu, tous les mystères seront mis à nu et la prédiction de Jérémie (13, 33, 34) s'accomplira : à savoir, que Dieu même sera notre maître à tous et qu'il inscrira sa loi dans le cœur des hommes. Dans cet heureux temps, où le ciel se manifestera dans toute sa magnificence, les grandeurs terrestres pâliront et disparaîtront de honte. »

Ces idées hardies d'une grandeur future, d'un règne de liberté et d'amour, appuyées sur les textes hébraïques d'Isaïe et de Jérémie, jetèrent de vives étincelles dans l'esprit du jeune Munzer et activèrent le feu de son imagination ardente. Bientôt la Sainte-Ecriture devint pour lui un thême incessant de

discours politico-religieux, et le simple prêtre réformiste s'éleva d'un coup jusqu'au rôle de prophète, disant hardiment la vérité aux princes et aux peuples.

En l'an 1520, à l'âge de vingt-deux ans, il fut appelé, en qualité de prédicateur, à Zwikau, en Thuringe. Là, pour la première fois, il rompt ouvertement avec Luther, déclare la réforme du culte insuffisante, et exige une réforme sociale. « Rejeter le pouvoir du pape, s'écrie-t-il, attaquer les absolutions, nier le purgatoire, abolir la messe, qu'est-ce que tout cela? Des demi-mesures! Il faut attaquer la société à la racine, en enlever les causes de malheur et d'oppression, fonder enfin l'église du Saint-Esprit et de la liberté sur des bases solides. Luther n'est qu'un efféminé qui flatte la chair en l'appuyant sur de doux oreillers, faisant trop de cas de la foi et trop peu des œuvres, laissant le peuple dans son ancienne routine, fortifiant surtout le pouvoir des princes. La doctrine de Luther est plus dangereuse pour le peuple que le papisme. Il faut ressusciter le Christ et songer qu'avec Moïse et Jésus Dieu n'a pas dit son dernier mot, qu'au contraire sa révélation est permanente, et que de nos jours il peut y avoir des prophètes aussi bien que dans le temps passé. »

Il est hors de doute que ce principe d'une révélation et d'une prophétie en permanence a été le premier germe de la secte des anabaptistes, qui d'abord ont surgi à Zwikau, berceau oratoire de Thomas Munzer. Déjà, dans la profession de foi des taborites et des hussites, on trouve la prédiction d'un âge d'or, d'un règne d'amour et de joie, selon l'Évangile. La Thuringe, pays limitrophe de la Bohême, n'était pas restée étrangère aux doctrines mystiques des hussites, et les discours de Munzer ne pouvaient que raviver les étincelles qui couvaient sous la cendre depuis la défaite de Jean Ziska. Aussi, peu de temps après son arrivée à Zwikau, les anabaptistes sortent de leurs retraites et s'organisent à la face du public. Ils rejettent la présence du Christ dans l'Eucharistie, ainsi que toutes les cérémonies religieuses, y compris le baptême des enfants avant l'âge de raison, et prétendent avoir le don de la prophétie et des visions extatiques. Munzer, loin de les attaquer, les laisse faire, parce que, selon lui, il faut laisser libre cours à toutes les manifestations de l'esprit et de l'imagination. Il les défend même devant le magistrat qui leur interdit de se réunir; mais, en les protégeant, Munzer était loin d'approuver leurs folies extatiques. Dans ses écrits, il les appelle de bons frères, de bons enfants, de bons cœurs, animés de bons sentiments, et qui peuvent plus tard rendre de bons services à la patrie et à l'humanité. En effet, au lieu de les poursuivre, Munzer comptait s'en servir comme instruments pour la propagation de ses vues politiques et religieuses, et en cela il ne s'était pas trompé. Dans la suite, il eut plus d'une fois lieu d'avoir recours à leur ministère. C'est grâce aux nombreux prédicateurs envoyés par les anabaptistes dans toutes les contrées de l'Allemagne que les idées de Munzer devinrent populaires et que, dans sa fuite, il trouva assez d'accès pour se soustraire à ses nombreux et puissants ennemis.

Laissons parler un instant l'historien Zimmermann, le premier Allemand qui ait rendu justice à Munzer.

« ÖncekiDevam »