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lui les sources qu'il a explorées, en les comparant avec ses inductions! De cette manière, l'admiration que votre auteur vous inspire est instructive; les dissentiments que vous exposez seront profitables, et cette contemplation intime est une bonne école où l'esprit exerce ses forces sans compromettre son originalité s'il est destiné à en avoir.

DE LA VIE ET DES OUVRAGES DE SAINT-SIMON.

Il y a cinq ans, un philosophe meurt dans la pauvreté, l'abandon et l'oubli durant une vie pleine de travaux et d'amertume, traversée d'orages et vouée tout entière à la passion du vrai, au culte de l'humanité, à la recherche de ses lois morales et progressives et de son avenir positif, cet homme n'a recueilli que dérision et ingratitude; ses contemporains ont passé à côté de lui, soit le sourire moqueur la bouche, soit en détournant la tête pas un encouragement, pas un suffrage. Le philosophe a même comparu devant la justice de son pays pour avoir flétri d'une réprobation sévère l'oisiveté dans les cours, et a toujours ainsi marché d'épreuve en épreuve, jamais abattu, ne désespérant jamais jusqu'au dernier soupir, qu'ont reçu un disciple fidèle et deux ou trois amis. Et cependant voilà qu'aujourd'hui, au milieu même des partis, des factions, des trônes qui tombent ou qui craquent, éclate une école nombreuse et puissante qui n'agit, ne parle que pour répandre le nom, la doctrine, la parole de Saint-Simon, les glorifier, et trouve dans son enseignement assez de force et d'autorité pour tourner sur elle les yeux de tous, et devenir l'objet d'une attente universelle. Certes, un fait aussi frappant veut être regardé. Quel est donc cet homme qui revit après sa

mort, qui, privé de la célébrité et de l'apothéose de coterie, entre dans la véritable gloire cinq ans après avoir disparu, et dont la doctrine, répandue et développée par un vaste prosélytisme, menace d'une révolution la religion et la politique? Quelle est cette école active, infatigable, pleine d'une conviction ardente, qui tous les jours se recrute et se fortifie, écrit, prêche, enseigne, sait braver le martyre du ridicule, renvoie aux salons dédains pour dédains, et marche ouvertement à la conquête de la société ?

Je parlerai d'abord de Saint-Simon; j'arriverai ensuite à son école.

Claude-Henri, comte de Saint-Simon, naquit à Paris en 1760, et fut ainsi, pendant son enfance, contemporain de Voltaire, de Rousseau et de tout l'éclat du dix-huitième siècle. Il appartenait à ces Saint-Simon que Louis XIII combla de faveurs, qui eurent, sous Louis XIV et le régent, un représentant illustre qu'une immense publication vient de nous révéler comme un des plus grands écrivains de notre langue, qui descendaient des comtes de Vermandois, et, par eux, du sang de Charlemagne. Henri de Saint-Simon était fier de son origine et la rappelait souvent. Ainsi, dans l'avant-propos de son Introduction aux travaux scientifiques du dix-huitième siècle, après avoir dit que, tout à fait étranger aux prétentions littéraires des écrivains de profession, il n'écrit que parce qu'il a des choses neuves à dire, il ajoute « J'écris comme un gentilhomme, comme un des<<cendant des comtes de Vermandois, comme un héritier de « la plume du duc de Saint-Simon. » Et ailleurs : « Ce qu'il «< y a eu de plus grand de fait, de plus grand de dit, a été « fait, a été dit par des gentilshommes. Notre ancêtre Char« lemagne, Pierre le Grand, le grand Frédéric et l'empereur « Napoléon étaient nés gentilshommes, et les penseurs du « premier ordre, tels que Galilée, Bâcon, Descartes et Newa ton étaient aussi gentilshommes. » Étrange rencontre du sort! ce hardi novateur était du même sang que ce duc de

Saint-Simon, champion si zělé de la noblesse héréditaire et de l'étiquette monarchique: on dirait que de ces deux gentilshommes l'un était destiné à montrer ce que les préjugés historiques peuvent avoir de plus entêté et de plus industrieux, l'autre ce que l'esprit de l'homme peut avoir de plus général, de plus libre et de plus investigateur.

On n'a pas de détails sur l'enfance de Saint-Simon dans une de ses lettres, où il raconte l'histoire de sa vie, et que nous avons sous les yeux, il ne remonte qu'à l'époque de son entrée au service, en 1777; deux ans après, en 1779, il partit pour l'Amérique; il y servit sous les ordres de M. de Bouillé et sous ceux de Washington. Pour un jeune homme plein d'enthousiasme, d'avenir, et qui, à dix-sept ans, se faisait éveiller chaque matin avec ces paroles: Levez-vous, monsieur le comte; vous avez de grandes choses à faire ; c'était un beau spectacle qu'une révolution et un monde nouveau. Là il causa avec Franklin, assista à l'émancipation armée d'un grand peuple, étudia surtout les mœurs, la civilisation industrielle, et demeura convaincu dès ce moment que la révolution d'Amérique signalait le commencement d'une nouvelle ère politique, et amèneraît bientôt de grands changements dans l'ordre social européen.

Saint-Simon resta cinq ans en Amérique. A la paix, il présenta au vice-roi du Mexique le projet d'établir entre les deux mers une communication qui était possible en rendant navigable la rivière in Partido, dont une bouche verse dans notre Océan, tandis que l'autre se décharge dans la mer du Sud. Le projet fut froidement accueilli il l'abandonna. De retour en France, il fut fait colonel; il n'avait pas encore vingt-trois ans. Le désœuvrement dans lequel il se trouva ne tárda pas à lui déplaire; il partit pour la Hollande en 1785. De retour à Paris, un an après, il fit un voyage en Espagne en 1787. Le gouvernement espagnol avait entrepris un canal qui devait faire communiquer Madrid à la mer; mais il manquait d'ouvriers et d'argent. De concert avec le comte de

Cabarus, Saint-Simon présenta un vaste projet dont un événement vint empêcher l'exécution: c'était la révolution française.

Les révolutions entraînent tout dans leur orbite, et les hommes même les plus forts n'en sont que les glorieux satellites. Pour résister à cette pente universelle, il faut une force inouïe, que Saint-Simon posséda. Il ne siégea pas à la Constituante, bien que l'héritier du duc de Saint-Simon eût pu trouver original d'assister à l'holocauste nocturne des droits de la noblesse. Non; pendant que l'œuvre de destruction s'élaborait au milieu des tempêtes, ce génie organisateur restait calme, et songeait, je cite ses expressions, à fonder un grand établissement d'industrie, et une école scientifique de perfectionnement. Saint-Simon, qui devait mourir dans le dénùment et la pauvreté, rechercha et voulut la fortune. comme Voltaire. Ce devait être, dans ses mains, un noble instrument. Dans ce but il s'associa un Prussien, le comte de Redern, qui annonçait des vues libérales et approuvait ses projets. Ses spéculations réussirent; et, en 1797, il était en mesure de commencer l'établissement d'industrie. Mais son associé, qu'aucune vue théorique n'animait, refusa de poursuivre; et ils se séparèrent après une liquidation qui ne laissa dans les mains de Saint-Simon que cent quarante-quatre mille livres.

Forcé de renoncer à son établissement d'industrie, SaintSimon se retourna vers la science. Alors il conçut la nécessité d'une nouvelle philosophie générale, et le projet, suivant son admirable expression, de rendre l'initiative à l'école française. Pour mener à bien cette vaste entreprise, il voulut commencer par constater la situation de la connaissance humaine. Dans ce but il prit domicile en face de l'École polytechnique, se lia intimement avec plusieurs professeurs de l'école, entre autres avec Monge. Après avoir mis trois ans à reconnaître les connaissances acquises sur la physique des corps bruts, il s'alla loger près de l'École de médecine,

entra en rapport avec les physiologistes et constata leurs idées générales sur la physique des corps organisés. Cela fait, il partit à la paix d'Amiens pour l'Angleterre, d'où il revint avec la certitude qu'elle n'avait sur le chantier aucune idée capitale neuve. Puis il alla à Genève, parcourut une partie de l'Allemagne ; et voici ce qu'il dit de ce savant pays : « J'ai rapporté de ce voyage la certitude que la science géné«rale était encore dans l'enfance dans ce pays, puisqu'elle « y est encore fondée sur des principes mystiques; mais j'ai « conçu de l'espérance pour les progrès de cette science en «voyant toute cette grande nation passionnée dans cette di«rection scientifique. »

L'année 1808 trouva Saint-Simon maître de ses idées et prêt à écrire alors il publia l'Introduction aux travaux scientifiques du dix-neuvième siècle; œuvre vigoureuse et inconnue (le livre n'a été tiré qu'à cent exemplaires, pour être distribué aux savants), début d'originalité et de génie. Mais, avant d'en parler avec quelque détail, je veux énumérer la suite des travaux de Saint-Simon, et le conduire jusqu'à sa mort. A la fin de 1808, il adressa au bureau des longitudes et à la première classe de l'Institut des lettres où il développait les idées qu'il avait adoptées sur le système astronomique dans son Introduction et qu'il abandonna plus tard. A côté de ces hypothèses jaillissait une foule d'idées neuves, de généralités fécondes. Quelque temps après, il composa différents Mémoires sur l'idée d'une encyclopédie et sur la science de l'homme. En 1810, il publia un aperçu des Mémoires relatifs à l'encyclopédie, sous le titre de Prospectus d'une nouvelle Encyclopédie; on y lit une épître dédicatoire à son neveu Victor de Saint-Simon, où éclate une sorte d'enthousiasme inconnue même à Diderot. Ses autres Mémoires inédits furent écrits dans le cours de 1813.

Jusqu'ici, Saint-Simon n'est pas entré dans la politique; il avait commencé à y tourner dans ses Mémoires sur l'homme, mais il l'aborda ouvertement, en 1814, après la chute de

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