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LES THÉORIES DE M. SOURY

SUR

L'ACTION PSYCHIQUE (1)

POURQUOI LES SAVANTS

SONT-ILS INCAPABLES DE LES COMPRENDRE ?

Ce n'est pas sans quelque fierté que nous avouons n'avoir pas toujours compris M. Soury. D'après M. Soury lui-même, nous sommes en très bonne compagnie. "Le physiologiste et le clinicien, et tout savant en général qui crée la science, dit-il dans sa préface des Fonctions du cerveau, ne peut et ne doit peut-être voir qu'une partie du vaste problème à la solution duquel il travaille. Non seulement il doit espérer de trouver, mais il faut, quand il croit avoir trouvé, qu'il l'affirme bien haut et demeure convaincu, fût-il le seul à l'être. La part d'illusion qui domine souvent ces puissants esprits, grands poètes s'il en est et merveilleux artistes, est la condition même de leur activité scientifique. Bref, ce sont des intelligences créatrices, enivrées d'absolu, rarement des esprits affinés par une culture générale et par le sentiment du relatif et

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(1) Les Fonctions du cerveau, 1892. REV. GEN. DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES. Revue annuelle de psychologie physiologique, janvier 1895, pp. 62 et suiv.

de la nuance (1). Ils ne sauraient nous comprendre; mais nous les comprenons, je crois. Avec plus d'étendue d'esprit, ils auraient été des critiques, non des inventeurs (2).

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Le lecteur est nécessairement curieux de savoir pourquoi le physiologiste et le clinicien sont incapables de comprendre le maître de conférences de l'École des HautesÉtudes, lors même qu'il traite de questions ayant pour eux un intérêt direct, professionnel même, comme le sont les fonctions du cerveau et la physiologie psychologique. Comment se fait-il qu'ils aient pu découvrir des lois et qu'ils ne les comprennent plus quand M. Soury les expose? La faute en est-elle à leur défaut de culture générale ou faudrait-il la chercher ailleurs?

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Nous allons exposer la méthode employée par le critique dans une question seulement, celle de savoir si les actions psychiques ont un équivalent mécanique, et nous verrons si cette méthode est de nature à être comprise par un « savant ».

Un des premiers principes de la méthode de M. Soury semble être qu'il est loisible à un critique d'affirmer la vérité d'une conclusion tout en faisant des réserves sur la vérité des prémisses.

Il est arrivé et il arrivera encore, sans doute, à des savants de tirer une conclusion de principes incertains et même faux. Les savants paient aussi leur tribut à la faiblesse humaine. Mais au moins, à leurs yeux, ces principes paraissaient certains. Le cas est autre ici. M. Soury affirme catégoriquement que la pensée a des équivalents chimiques, thermiques, mécaniques Voilà

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(1) L'auteur ajoute ici une note que nous nous ferions scrupule d'omettre. Il existe sans doute, dit-il, de brillantes exceptions, et l'on trouve souvent, avec une élévation d'esprit toute philosophique, les plus rares dons de finesse critique et de sens esthétique dans les livres de Brissaud, de Ch. Richet, de Gley, de François Franck, etc. »

(2) Les Fonctions du cerveau, p. viii.

une de ces propositions destinées à étonner ceux-mêmes qui ne sont pas savants. Aussi M. Soury la prouve par des expériences réalisées en Italie. En bon critique, il discute longuement ces expériences, il expose impartialement les objections qui leur ont été faites, objections très graves et de nature, si elles ne sont pas réfutées, à en ruiner complètement la valeur. Réfute-t-il ces objections? Non. Qui a raison, des expérimentateurs ou des adversaires? Il respecte trop les deux camps pour le dire, mais il tire quand même sa conclusion, la seule chose importante à ses yeux.

Nous n'avons pas à examiner en ce moment la vérité ou la fausseté intrinsèque de cette conclusion. Ce que nous voulons montrer, c'est le critique prétendant édifier une construction solide sur des bases qu'il se plaît lui-même à saper et à ébranler; c'est l'homme de la culture générale placé entre des expérimentateurs d'avis opposés, et se maintenant en paix avec eux en leur abandonnant volontiers ses preuves pourvu qu'ils lui concèdent sa conclusion. Malheureusement ici les écailles et l'huître se tiennent fortement, et on ne peut donner les unes sans perdre du même coup l'autre.

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Donnons donc les preuves de M. Soury avec les réserves qu'il y ajoute lui-même, et voyons si de ces preuves, ainsi mutilées, on peut encore tirer une conclusion quelconque.

Schiff et après lui Herzen ont recherché, au moyen d'aiguilles thermo-électriques plantées dans le cerveau, les variations de température déterminées par des actions psychiques. M. Soury formule ainsi les conclusions de Schiff :

I. Chez un animal jouissant de l'intégrité des centres nerveux, toutes les impressions sensibles sont conduites. jusqu'aux hémisphères cérébraux et y produisent une élévation de température par le seul fait de leur transmission.

II. L'activité psychique, indépendamment des impres

sions sensitives qui la mettent en jeu, est liée à une production de chaleur dans les centres nerveux, chaleur quantitativement supérieure à celle qu'engendrent les simples impressions des sens (1). »

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Et Schiff ajoutait: De toutes nos conclusions, la plus importante, à notre sens, est celle qui établit un rapport direct entre le développement de chaleur dans le cerveau et l'activité intellectuelle (2).

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Faut-il s'en rapporter aveuglément à Schiff et à Herzen? Prenez garde, nous dit M. Soury. Il y a de sérieuses objections à faire à leur théorie. Leurs expériences d'abord sont loin d'être satisfaisantes. Tanzi leur fait un grave reproche la présence d'une aiguille thermo-électrique dans la pulpe cérébrale détermine nécessairement un trouble local plus ou moins grave de la région explorée, si bien que la déviation galvanométrique révèle plutôt les phénomènes pathologiques d'un tissu altéré que l'état des fonctions physiologiques de l'organe (3). »

De plus, la portée de leurs expériences, supposées même parfaites, serait tout autre qu'ils ne le croient.

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« On se rappelle- c'est M. Soury qui parle la discussion si élevée et si belle qui eut lieu naguère, dans la Revue scientifique, sur la nature de la pensée. Un éminent chimiste, M. Armand Gautier, avait soutenu que les différents processus psychiques, sensations, perceptions, images, concepts, etc., seraient de pures formes perçues » dans les organes mêmes qui en sont le siège. » Pourquoi les physiologistes affirment-ils que la pensée est une transformation de l'énergie, c'est-à-dire une forme spéciale de l'énergie, comme le mouvement, la chaleur et l'électricité ? Les phénomènes psychiques, disent-ils, ont un équivalent mécanique, thermique, chimique; l'animal qui pense perd une partie de son énergie. - Voilà ce qu'il

(1) Les Fonctions du cerveau, p. 351.

(2) Ibid.

(3) Ibid., p. 387.

faudrait prouver, objectait Gautier : il faudrait montrer, ou bien que les phénomènes psychiques ne peuvent apparaître qu'en faisant disparaître une quantité proportionnelle de l'énergie, cinétique ou potentielle, ou, tout au moins, qu'ils se transforment en mouvement, chaleur, électricité, etc. L'observation, continuait Gautier, a justement établi le contraire: témoin les expériences de Schiff sur l'échauffement des nerfs et des centres nerveux à la suite des irritations sensitives, sensorielles et psychiques. Les expériences de Schiff prouvent que le cerveau s'échauffe lorsqu'il reçoit et élabore les impressions d'origine externe qui suscitent la pensée. Or, dans l'hypothèse d'une transformation d'une partie de l'énergie calorique ou électrique en pensée, le cerveau devrait se refroidir, ou son potentiel électrique baisser, ou bien la consommation de ses réserves » produire une moindre température qu'à l'état normal ». C'est donc une erreur de donner précisément comme une preuve indirecte de l'équivalence mécanique de la pensée, l'élévation de température et l'augmentation des déchets. chimiques qui accompagnent le travail cérébral. Ainsi, il faut admettre, concluait A. Gautier, et c'était pour lui l'évidence même, que la sensation, la pensée, le travail d'esprit n'ont point d'équivalent mécanique, c'est-à-dire qu'ils ne dépensent point d'énergie. Ils ne sont point, à proprement parler, un travail, un produit de l'énergie mécanique ou chimique. Ils sont encore moins une force, car s'ils ne font point disparaître d'énergie en se produisant, ils n'en font point aussi apparaître (1). »

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Allons-nous quitter Schiff pour donner notre confiance à Gautier? M. Soury nous convie à n'en rien faire. « Les réponses que les physiologistes ont faites à cette argumentation d'Armand Gautier sont à coup sûr victorieuses. » Nous passons certaines de ces réponses victorieuses que M. Soury lui-même caractérise de questions de défini

(1) Les Fonctions du cerveau, p. 378.

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