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toutes, et si des erreurs graves viennent à se produire sous le couvert de noms respectés.

Après ce que nous avons déjà exposé, il est inutile, je crois, de prouver que M. Soury regarde comme une théorie vraiment fondamentale l'équivalence entre la pensée et l'énergie matérielle. D'un autre côté, Herzen et Tanzi sont pour lui des physiologistes de premier ordre. Il ne peut donc permettre que le lecteur égaré par l'autorité de tels noms soit exposé à se tromper sur des points fondamentaux. Or, voici l'opinion de Herzen résumée par M. Soury: "Les activités psychiques accompagnées de la conscience la plus vive déterminent, avec une désintégration fonctionnelle portée au maximum, l'échauffement le plus considérable des centres nerveux. Les fonctions psychiques accompagnées de la conscience la moins vive, subconscientes ou inconscientes, se distinguent par une transmission très rapide, une désintégration fonctionnelle très abaissée et une thermogenèse centrale réduite au minimum (1). » Écoutons maintenant Tanzi. Que le travail positif du cerveau repose, comme celui du muscle, processus de désagrégation moléculaire, ce n'est plus un postulat : c'est un fait (?). Que la désagrégation, c'est-à-dire l'augmentation des distances intermoléculaires, ou la décomposition de molécules plus complexes en molécules plus simples, s'accompagne d'une perte de chaleur, c'est là une loi de la thermochimie (2).

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D'après Herzen, la désintégration fonctionnelle est accompagnée d'un dégagement de chaleur; plus la désintégration est faible, moins la chaleur dégagée est considérable.

D'après Tanzi, la désagrégation s'accompagne d'une perte de chaleur ; c'est même là d'après lui une loi de la thermochimie.

(1) Les Fonctions du cerveau, p. 354.

(2) Ibid., p. 389.

II SERIE. T. VII.

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M. Soury ne songe pas même à les opposer l'un à l'autre; et cependant, puisqu'il s'agit de la même désagrégation du cerveau, de celle qui accompagne l'action psychique, elle ne peut, en même temps, être accompagné d'un dégagement et d'une perte de chaleur.

L'erreur d'un des deux savants revêt même un caractère particulier de gravité. Qu'on soit en désaccord sur le résultat d'expériences délicates, soit; on comprendrait alors que M. Soury ne voulût pas intervenir dans le débat. Mais c'est d'une loi de thermochimie qu'il s'agit, d'une de ces lois que Tanzi apporte comme une vérité connue de quiconque s'est intéressé à la science; M. Soury ne peut donc invoquer son incompétence; il devait se prononcer, et, malgré l'autorité des deux adversaires, il devait infliger un blâme à l'un des deux. Il ne peut laisser le lecteur dans l'ignorance ni s'exposer lui-même à un soupçon injureux. Et cependant il se tait. Pourquoi ? Je dois avouer que je n'en sais rien.

Je ne puis cependant dissimuler qu'il expose avec plus de complaisance la théorie de Tanzi que celle de Herzen. Faut-il y voir une marque de son opinion? Ce serait un moyen habile de donner raison à l'un des adversaires sans manquer de courtoisie à l'autre.

Dans ce cas, son amour pour Tanzi serait plus aveugle que je ne l'aurais cru. Ce n'est certes pas' Berthelot qui signerait la proposition que la décomposition de molécules plus complexes en molécules plus simples s'accompagne d'une perte de chaleur », et qui considèrerait cette proposition comme une loi de la thermochimie.

La décomposition d'un principe organique peut dégager ou peut absorber de la chaleur; elle peut amener un réchauffement ou un refroidissement: cela dépend des cas. Il n'y a qu'une loi qui régisse le phénomène, et voici comment Berthelot l'énonce : « Lorsqu'un principe organique se dédouble en deux autres substances ou en un plus

grand nombre, la chaleur dégagée ou absorbée est égale à la différence entre la chaleur de formation des produits formés et celle du principe initial.

C'est ainsi que 180 grammes de glycose, en se décomposant en alcool et acide carbonique, bien loin de produire un refroidissement, dégagent au contraire 71 calories.

Herzen a donc évidemment tort pour le principe général. On ne peut pourtant pas mettre d'accord, au moyen de ce principe, nos deux physiologistes, car il s'agit pour eux de la même désagrégation, de celle qui accompagne les phénomènes psychiques. Un même dédoublement ne peut à volonté produire du chaud ou du froid.

Quoique les transformations de la glycose sous l'action de la levure de bière soient assez complexes, elles se réduisent cependant à de simples dédoublements. Dans le cerveau, au contraire, les dédoublements se compliquent de combinaisons nouvelles avec un corps étranger, l'oxygène. Le cerveau ne travaille plus quand le sang cesse d'y circuler. Un arrêt du coeur amène une syncope. Les dédoublements se font donc sous l'action de l'oxygène par le procédé de combustion ordinaire chez les êtres aérobies, et dégagent de la chaleur.

Dès lors Herzen, qui n'applique le principe qu'à la désagrégation fonctionnelle du cerveau, a évidemment raison, et Tanzi évidemment tort.

D'où suivent des conséquences plus graves encore. Car si c'est, d'après M. Soury ou au moins d'après Tanzi, non un postulat, mais un fait, que le travail du cerveau repose sur des processus de désagrégation moléculaire, ce travail devrait être accompagné d'un dégagement de chaleur et non d'un refroissement; ce qui ruine absolument la preuve apportée par M. Soury en faveur de l'équivalence des actions psychiques et des énergies matérielles ; car cette preuve s'appuyait sur la nécessité d'un refroidissement au début. Gautier aurait de nouveau raison.

Quand M. Soury nous développe l'opinion de Tanzi sur

les actions psychiques, il nous parle du travail du cerveau qui repose, comme celui du muscle, sur des processus de désagrégation moléculaire. Le mot reposer donne une tournure littéraire à la phrase; mais si on en scrute la signification, il paraît bien vague. Cela veut-il dire que le travail du cerveau est emprunté à l'énergie développée par une désagrégation moléculaire, comme si l'on énonçait cette proposition, par exemple, que le travail développé par une machine à vapeur repose sur la combustion du charbon? Ce ne peut être là le sens, car, d'après la théorie de Tanzi, la désagrégation s'accompagne d'une perte de chaleur, et il serait absurde de vouloir trouver dans une perte de chaleur l'énergie requise pour un travail positif.

Je crois, mais je puis me tromper, que dans la bouche de M. Soury ce terme de reposer est une expression un peu noble mise à la place de consister. Le travail positif du cerveau consisterait donc dans des processus de désagrégation moléculaire. Dans ce cas, on comprend que le travail positif s'accompagne d'une perte de chaleur, puisque la chaleur se change en travail.

Mais ce travail cérébral est, pour M. Soury, la pensée elle-même; car du fait même qu'on aurait mesuré le travail cérébral, M. Soury conclut qu'on connaît l'équivalent mécanique, chimique, physique de la pensée. La pensée serait donc une désagrégation moléculaire du

cerveau.

Si M. Soury s'exprimait ainsi, on pourrait l'accuser d'erreur, mais il serait clair. Malheureusement, il semble que les critiques ne se croient pas obligés d'être clairs, et je conçois dès lors qu'ils risquent d'être incompris des

savants.

Mettons en évidence ce manque de clarté dans la définition des actes psychiques, car c'est le troisième reproche que je fais au maître de conférences de l'École des HautesÉtudes.

Prenons le passage où M. Soury explique le mieux ce qui distingue l'action psychique de l'affection nerveuse matérielle et voyons si nous parvenons à dégager sa pensée. Voici ce que je lis dans la Revue générale des sciences pures et appliquées, no du 30 janvier 1895: « C'est le grand mérite de la philosophie moniste des deux derniers siècles et du nôtre d'avoir cherché à supprimer l'opposition traditionnelle du corps et de l'âme, de la matière et de l'esprit, pour les considérer comme les deux aspects d'un seul et même fait, comme l'apparence subjective et objective d'un seul et même phénomène, comme les modes d'une seule et même substance, qui ne nous paraissent autres que parce que nous les connaissons différemment. Cette doctrine, exclusive du matérialisme et du spiritualisme, et qui a définitivement vaincu l'antique dualisme, c'est le monisme (1)..

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Qu'on me demande maintenant si M. Soury admet une distinction réelle entre l'esprit et la matière, entre le phénomène psychique et le phénomène matériel, je pourrai, me semble-t-il, répondre que non. L'esprit et la matière, le corps et l'âme sont un seul et même fait », « un seul et même phénomène », « une seule et même substance », et ils ne nous paraissent autres que parce que nous les connaissons différemment ».

Et comme tous les phénomènes ne sont, d'après lui, que du mouvement, il n'hésite pas non plus à affirmer que les diverses actions nerveuses, les sensations, les images et les idées, ne sont, considérées objectivement, que des systèmes de mouvements (2) ». Si j'entends bien M. Soury, dès que les molécules de mon cerveau viennent à vibrer avec une certaine vitesse et dans une certaine direction, elles indiquent par là que la somme des trois angles d'un triangle est égale à deux droits; je modifie la vitesse et

(1) REV. GÉN. DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES, Revue annuelle de psychologie physiologique, 30 janvier 1895, p. 65.

(2) Ibid., p. 73.

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