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il ne me faut pas dépenser plus d'énergie que pour me mouvoir seul.

C'est précisément ce que disent les spiritualistes en parlant des actions psychiques. Une action psychique peut accompagner une action matérielle : une sensation, par exemple, peut accompagner un ébranlement de cellules. nerveuses. Cet ébranlement a un équivalent mécanique ; la sensation qui l'accompagne n'en a pas.

Seulement les spiritualistes mettent, pour la dignité, l'ombre au-dessus du corps, l'esprit au-dessus de la matière. Toute comparaison cloche d'ailleurs, et, de ce que la conscience a les propriétés mécaniques de l'ombre, on ne peut conclure que M. Soury l'ait considérée comme inférieure à la matière.

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Notre critique distingue quelque part la pensée, qui est d'ordre psychique, de sa manifestation », ", qui est d'ordre matériel. Je ne serais pas loin de croire que si, dans ses <manifestations », M. Soury est matérialiste, il est en réalité, dans son intérieur, inconsciemment » spiritualiste. Ce qui est inconscient manque souvent de clarté et de précision, et c'est là, peut-être, l'origine du défaut que nous étions occupé à relever chez lui en ce moment.

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Il est un autre défaut qui pourrait le faire mal venir dans les laboratoires de physiologie et même dans tout laboratoire scientifique. C'est le dédain qu'il paraît affecter pour l'observation interne, à laquelle il semble même dénier la valeur d'une observation.

Je ne veux cependant pas outrer la pensée de M. Soury, ni lui attribuer une idée qu'il n'aurait pas. Voici le passage auquel je fais allusion. « Ces propriétés (les propriétés psychiques), à quelque degré que ce soit, existant toujours et universellement dans tout ce qui a vie, les fonctions psychiques sont aussi inséparables du protoplasma que n'importe quelle autre fonction biologique servant à définir ce complexus chimique moléculaire. Mais il en est de la

nature des propriétés psychiques, considérées dans leur essence, comme de celle des autres propriétés de la vie : c'est là un ordre de considérations qui, dépassant le domaine de l'observation et de l'expérience, ne saurait être objet de science; la critique de Kant l'a établi pour tous les siècles (1).

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Il est toujours hardi de prédire que quelque chose durera pendant tous les siècles. Mais laissons cela.

C'est cette expression : « dans son essence », qui me fait douter de la portée de l'affirmation de M. Soury.

Le mot essence est un terme qui reçoit chez les auteurs tant d'acceptions différentes qu'il eût été préférable de s'en abstenir ou de lui donner une signification précise. Si ce mot indique une connaissance complète, parfaite, des propriétés psychiques, j'avoue que cela dépasse le domaine de l'observation et de l'expérience. Mais alors l'affirmation ne doit pas être restreinte aux « propriétés psychiques et aux autres propriétés de la vie »; elle s'étend à toutes les propriétés. On ne sait le tout de rien. Qui se vantera de connaître ainsi dans son essence » l'attraction, l'électricité, la chaleur? Que de problèmes encore à résoudre! Que de mystères ! Que d'obscurité !

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Il faut donc que le mot essence ait une autre signification. Si je consulte le contexte, je suis porté à croire que par ce mot M. Soury oppose les actions psychiques telles qu'elles sont en elles-mêmes à leurs manifestations extérieures. C'est la pensée, par exemple, en tant qu'elle est opposée aux mouvements moléculaires du cerveau; c'est la vision en tant qu'elle est opposée aux mouvements vibratoires des éléments nerveux de la rétine ou du cerveau.

Ce que M. Soury appelle observation et expérience, c'est à mon sens l'observation extérieure, l'expérience extérieure, en tant qu'elle est opposée à ce qui nous est révélé uniquement par la conscience.

(1) Rev. GÉN. des sc. pures et APPLIQUÉES, janvier 1895, p. 65.

Quelle que soit d'ailleurs d'une manière précise la signification des mots essence, observation, expérience, il résulte pour moi, de la lecture des œuvres de M. Soury, que son opinion peut en tout cas être formulée ainsi : Les phénomènes matériels sont mieux connus que les phénomènes psychiques; l'observation extérieure est supérieure à l'observation interne.

M. Soury sera loin de rencontrer, sur ce point, l'adhésion unanime des savants. Je ne peux point citer de nouveau ici tout au long un passage d'une lecture de Huxley que j'ai déjà inséré dans cette Revue (1). Huxley, un savant incontestablement, un observateur, n'hésite pas à affirmer que les phénomènes psychiques sont bien mieux connus que les phénomènes matériels. Ce n'est pas qu'il soit spiritualiste : il nie l'âme et l'esprit, mais il est conséquent et il nie également la matière ; pour lui il n'y a pas de substance, il n'y a que des phénomènes.

Huxley a raison, selon nous, en mettant l'observation interne au-dessus de l'observation externe, et nous croyons pouvoir faire partager notre sentiment à M. Soury lui

même.

Pour démontrer la supériorité de l'observation interne, comparons entre elles les connaissances que l'observation interne nous fournit sur les phénomènes psychiques avec celles recueillies à l'aide de l'observation externe sur les phénomènes matériels.

Tout d'abord les premières l'emportent en certitude sur les secondes. Nous sommes dans une cour de justice; le président interroge un témoin : Êtes-vous sûr que

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l'accusé se trouvait à tel lieu, tel jour ?

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« Oui. " Réfléchissez bien. En êtes-vous bien sûr?»-« Certes, car je l'ai vu. » Êtes-vous sûr de l'avoir vu? Si je l'ai vu? Mais, mon président, me prenez-vous pour un menteur ou un fou? »

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(1) REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES, VII, 491.

Quelle raison apporte ce témoin pour prouver l'existence du phénomène matériel, c'est-à-dire, la présence de l'accusé en tel lieu? Un phénomène psychique : la vision qu'il a eue de ce fait. Quelle raison apporte-t-il de l'existence du phénomène psychique? Aucune : le phénomène psychique est tellement certain qu'il faudrait être fou pour se tromper. Et de fait, le phénomène psychique étant intérieur au sujet lui-même, celui-ci ne doit pas sortir de lui-même pour le percevoir. Il l'atteint directement et ne peut s'y tromper. Lors même qu'il aurait eu une hallucination, l'hallucination serait vraie bien que le fait matériel fût faux.

C'est même pourquoi tout fait dans les sciences est appelé un phénomène. Ce qu'on connaît directement, ce n'est pas le fait tel qu'il est en lui-même, mais tel qu'il vous apparaît, tel qu'il vous est représenté par la vision, par l'audition, par les autres sens. Le côté psychique des faits matériels est donc bien mieux connu par l'observation que le côté objectif ; la couleur est mieux connue que les vibrations de l'éther qui la déterminent. Et on doit d'abord posséder la certitude de l'observation interne avant de songer à arriver à la certitude scientifique de l'observation

externe.

Les phénomènes psychiques ne sont pas seulement connus avec plus de certitude par l'observation que les phénomènes matériels; ils sont encore plus clairement connus dans les éléments qui les constituent. Nous nous rapprochons ainsi, je crois, de ce que M. Soury appelle l'essence des propriétés.

Le signe de la clarté d'une connaissance consiste en ce qu'on sait mieux distinguer l'objet de tout autre. Il faut connaître bien clairement une personne pour être à même de la distinguer de toutes les autres. Si ma connaissance était imparfaite, obscure, si je n'avais pas une connaissance de tous les traits de la figure de cette personne, je ne parviendrais évidemment pas si aisément à la distin

guer de toutes celles qui ont avec elle des points de ressemblance.

Avec quelle facilité ne distinguons-nous pas les actions psychiques les unes des autres ! Nul ne confond entre elles les sensations de vision, d'audition, de chaleur. Et non seulement nous saisissons aisément les différences entre les sensations de différentes espèces, mais quel discernement n'apportons-nous pas lorsqu'il faut distinguer les nuances elles-mêmes les unes des autres? Quand un homme normalement doué sous le rapport de la vue opère avec les écheveaux de laine de Holmyren, il y distingue toutes sortes de teintes; il constate sans la moindre peine que la sensation que lui fournit tel écheveau est distincte de celle que lui fournit tel autre, même quand il s'agit de nuances très rapprochées. Au contraire, pour les qualités matérielles de l'objet en lui-même, qu'en savons-nous par l'observation directe? Bien peu de chose. Qu'est-ce que que la couleur rouge d'une brique? Quelque chose qui est capable de nous donner une sensation de rouge. Qu'est-ce que le son? Quelque chose qui est capable d'éveiller la sensation d'audition.

Les propriétés matérielles ne nous sont guère connues que par les sensations qu'elles provoquent en nous, et c'est grâce à la différence observée dans les sensations que nous parvenons à savoir qu'il y a des propriétés matérielles différentes dans les corps.

Mais le mouvement, me dira-t-on, voilà au moins une propriété matérielle perçue directement en elle-même. » Vous croyez percevoir directement le mouvement? Détrompez-vous. Vous le percevez si peu que vous pouvez le confondre avec le repos et inversement. Les anciens croyaient le soleil en mouvement et la terre au repos. Avons-nous progressé pour l'observation directe? Est-ce que nous, nous percevons maintenant le mouvement de la terre et l'immobilité du soleil? Nous n'avons pas gagné d'un atome pour la finesse de l'observation. Seule

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