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prononcé que Mme Dacier était la femme la plus érudite qui ait jamais existé *. Le même éloge, le même droit de prééminence, parmi les femmes, dans les sciences mathématiques ne peuvent être contestés à cette sublime Émilie, à cette célèbre marquise Du Châtelet, qui ne craignit pas de suivre Newton dans les hauteurs prodigieuses où s'éleva son génie, et qui, la première, entreprit de révéler à la France la théorie du nouveau système du monde.

Ce n'est pas seulement par des tentatives hors de leur sphère naturelle que les femmes françaises ont établi leur supériorité, elles la conservent dans cette partie des lettres et des arts moins étrangère aux habitudes de leur sexe, où elles trouvent partout des concurrentes et rarement des rivales. Il suffit de nommer Mme de Sévigné pour écarter l'idée d'un parallèle dans le genre épistolaire; ses lettres en sont réputées, dans toute l'Europe, le modèle le plus parfait. On n'a point encore oublié que c'est à Mme de La Fayette qu'est dû l'honneur d'avoir discrédité ces volumineuses fadaises que les Gouberville, les Scudery, les Desmarêts, avaient mis en vogue, sous le nom de romans historiques, dans le plus beau siècle de notre littérature. L'auteur de la Princesse de Clèves, en retraçant avec grâce et vérité les tableaux ingénieux de la vie réelle, a du moins indiqué la route que les Richardson et les Fielding ont ouverte, et dans laquelle plusieurs dames anglaises les ont suivis; mais s'il est vrai que deux d'entre elles y balancent la réputation des Graffigny, des Riccoboni, des Tenciu, il ne l'est pas moins qu'aucune d'elles ne s'est encore placée au rang des auteurs de Corinne et des Vœux téméraires. En nous abstenant de nommer une femme vivante que ses ouvrages placent à la tête de tous les écrivains de son sexe et parmi les plus célèbres du nôtre, nous avons voulu nous assurer un incontestable avantage et réserver à la cause que nous soutenons une dernière preuve contre laquelle il ne pût s'élever E. J. aucune objection**. (*) Feminarum quot sunt, quot fùere, doctissima (Ménage).

(*) Pour les femmes célèbres de France, outre

Jusqu'ici, dans la femme, on n'a envisagé que ce sexe aimable, véritable pivot de la sociabilité, dont la condition, aux différentes époques de l'histoire, offre la mesure exacte du degré de civilisation de chacune d'elles. Affranchi pour ainsi dire, honoré, ennobli par le christianisme, ce sexe n'a plus besoin d'aucune réhabilitation pour exercer sa juste part d'influence sur notre vie sociale, nous voulons dire la part compatible avec la mission spéciale de la femme, qui est, comme l'a si bien dit l'académicien auteur de l'article ci-dessus, d'adoucir, d'embellir par les affectious ce que la tâche laborieuse de son compagnon, doué d'organes plus robustes, a de trop rude et de trop matériel. Ayant en partage tout ce qui tient à la poésie de la vie, la grâce qui plaît à tous les yeux, la douceur qui dompte les esprits, la délicatesse des sentiments qui épure et exalte les nôtres, et de plus cet aimant irrésistible qui attire et captive nos cœurs, que peut désirer de plus la femme digne de son sexe et qui comprend la place que lui a faite la sagesse de la Providence? Jeune fille, elle connaît la puissance de son sourire et la fascination de son regard; et la candeur même qui s'ignore, plus touchante que la triomphante beauté, n'exerce-t-elle pas sur l'homme un empire encore plus absolu? Épouse, elle règne par sa tendresse, par ses caresses insinuantes, sa douce persuasion, son noble et généreux dévouement. Mère, elle forme les générations nouvelles par l'éducation qu'elle donne à ceux de leurs membres qui sont sortis de son sein (voy. aux articles FAMILLE et ENFANT); elle conduit les enfants à Dieu, et c'est elle qui leur transmet en quelque sorte ces révélations d'en haut sans lesquelles la vie humaine, devenue matérielle et prosaïque, n'aurait plus ce cachet divin auprès duquel s'effacent tous les autres

celles qu'on a citées dans le texte, nous renvoyons le lecteur principalement aux articles DIANE DE POITIERS, NINON DE LENCIOS, CATHERINE DE MEDICIS, Du Deffand, de L'ESPINASSE, ROLAND, CORDAY, STAEL, Dudevant (G. Sand); et pour celles de l'étranger, aux articles MARIE STUART, ELISABETH, MARGUERITE, CHRISTINE, Marine MNISZECH, CAthering II, MARIE-THÈSE, LOUISE, etc, etc.

S.

titres de noblesse. Elle force à l'admiration les natures les plus insensibles et les plus grossières par sa résignation, que dis-je, sa joie au milieu des souffrances, par son infatigable sollicitude, par son abnégation d'elle-même qui s'oublie pour le fruit de ses douleurs et lui sacrifie tout, le repos, les plaisirs, la santé, la vie même, et quelquefois le bonheur éternel; car le sentiment maternel est encore plus impérieux que la loi religieuse devant laquelle tout doit fléchir et que la femme sait mieux entendre, d'ordinaire, que l'homme distrait par ses préoccupations mondaines et les nécessités de l'existence

terrestre.

Là, dans la candeur de la vierge, dans la chasteté de l'épouse, dans l'immense amour de la mère, là est la gloire de la femme. Là, et non ailleurs! car elle ne doit rien attendre de la prédication séductrice de ces apôtres nouveaux qui prétendent nous imposer leur loi d'un jour, eux qui jamais n'ont su comprendre la grande loi de la nature qui a voulu faire régner l'homme par sa force et par son intelligence et la femme par ses affections.

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lutaires au jeune homme que la mauvaise société pourrait exposer un jour à un contact salissant dont son éducation, ses principes, sa croyance religieuse, tout enfin aurait dû le préserver à jamais. S. Il existe parmi nous, et il a existé de tout temps, une classe assez nombreuse de femmes, la honte de leur sexe, qui se prostituent à quiconque les paie et qui ne reculent pas devant l'aven public de leur infame profession. C'est pour cette raison qu'on désigne aussi sous le nom de femmes publiques, ces femmes de mauvaise vie. Nos aieux les appelaient filles de folle vie ou folles de leur corps, nom frivole qui toutefois ne témoigne pas au même degré du relâche ment des mœurs que celui de filles de joie qu'ils leur donnaient encore et qui supposait peu de délicatesse dans la recherche du plaisir.

Dans la plus haute antiquité, les Juifs avaient des femmes publiques, ainsi que le donnent à entendre et les passages deÉcritures où leurs débauches leur sont souvent reprochées, et les défenses de Moise relatives à la fornication, et surtout la prophétie d'Osée, soit qu'on la regarde comme une allégorie ou comme l'expression d'un fait réel. Pétrone nous

Mais ces affections n'ont de prix que par leur pureté; et pourquoi faut-il qu'elles s'altèrent souvent et se corrompenta laissé une description détaillée des lupar d'impudiques désirs! Pourquoi fautil que la femme s'abaisse jusqu'à simuler ces affections et jusqu'à faire de son corps, à qui la chasteté doit servir de ceinture, une marchandise vénale qu'on livre au premier venu!

panaria de Rome, retraites immondes sous les murs de la ville, où logeaient les courtisanes mercenaires séparées du reste des citoyens. Perse et Horace nous parlent également d'un quartier de la grande cité, situé entre les monts EsNous avons vu la femme dans sa beauté, quilin, Viminal et Quirinal, et nommé dans sa noblesse : il faut bien consentir Subura, comme du rendez-vous ordinaire à la voir aussi dans la dégradation où des prostituées et des jeunes libertins. elle tombe et où elle se place au plus bas Les désordres de ces êtres sans pudeur de l'échelle des êtres doués de vie et de allèrent même si loin qu'aux peines péraison. Au tableau de sa brillante exis- cuniaires établies par les lois précéden. tence, fondée sur la pureté, opposons tes les empereurs chrétiens ajoutèrent celui de sa honte et de sa misère, résul- la peine de mort, sans pour cela réussir à tats mérités de l'impudeur et de l'effron- | réprimer le scandale. Dans la Grèce, parterie, afin que le contraste fasse frémir | tagée en états nombreux de mœurs et de notre nature et qu'il porte une terrible constitutions différentes, le sprt des femaccusation contre la perversité des hommes de mauvaise vié variait d'une ville à mes et contre les mœurs corrompues de nos sociétés prétendues chrétiennes. Une autre plume s'est chargée de cette tâche: il est impossible que la lecture de ce qui suit ne fasse pas faire des réflexions sa

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l'autre. Ici, il leur était défendu de paraître dans les rues chargées d'or et de bijoux; là, l'or et les bijoux étaient leurs attributs distinctifs. Dans la même ville, les unes étaient reléguées à l'écart et visi

tées en secret, les autres marchaient la tête haute entourées d'adorateurs qui se faisaient gloire de suivre leur char. En ce cas, et quoiqu'elles n'en missent pas moins leurs faveurs à prix, elles sortaient de la classe commune et sont connues sous le nom de courtisanes, dont on a déjà fait le sujet d'un article dans cet ou

vrage.

en outre l'objet d'une surveillance spé ciale et de règlements correctionnels. On s'est beaucoup occupé en France de remédier à ces affligeants désordres, et notre police administrative et judiciaire, quoiqu'elle laisse encore beaucoup à désirer, a déjà été imitée au Brésil, à Rome, à Naples, à Milan, dans la plupart des grandes villes d'Allemagne, de Hollande et de Belgique, à Saint-Pétersbourg et aux États-Unis. En nous aidant des laborieuses et intéressantes recherches d'un savant modeste trop tôt moissonné, Parent-Duchâtelet, dont le livre De la Pros

juste titre l'attention des philanthropes, nous allons, avec la retenue qu'exige un pareil sujet, donner un aperçu de l'état des femmes publiques en France aux différentes époques de notre histoire, de leurs mœurs particulières, et de la législation qui les concerne. Nous espérons n'avoir pas besoin de demander gråce pour certains détails que nous rougirions de connaître si l'homme pur et sans tache auquel nous les empruntons ne nous avait prouvé qu'il n'est point d'étude si repoussante que ne puisse ennoblir l'amour de l'humanité.

Il n'est pas de nation où l'on voie autant de femmes publiques qu'en Angleterre; elles y exercent leur infâme métier d'une manière si peu clandestine que l'on débite à Londres la liste de leurs demeures et de leurs talents obscènes. Ellestitution (Paris, 1836, 2 vol. in-8°) fixe à y sont cependant surveillées avec rigueur, quoiqu'on ne les y soumette plus à la mutilation honteuse et à l'immersion dans la Tamise, que l'on faisait anciennement subir à celles qui étaient arrêtées pour la troisième fois dans la rue. L'Âllemagne, dont les mœurs patriarcales résistent avec peine à la corruption du sièrle, compte cependant incomparablement moins de ces femmes, opprobre de leur sexe; et dans quelques contrées, avec un vrai sentiment de justice, on y punit non-seulement les coupables elles-mêmes, mais encore les parents dont l'indulgence funeste semble acquiescer à la dépravation de leurs enfants. D'un autre côté, les prostituées ont toujours été nombreuses en Espagne, où l'inquisition, qui aimait à se mêler de tout, s'est longtemps occupée de la répression de leurs désordres. En Chine, au Japon, les femmes publiques vivent dans des quartiers éloignés des villes, sous la direction d'un homme qui, comme le partρonós des Grecs, les dresse dans leur indigne métier, les nourrit et les habille.

Tous les peuples civilisés des deux hémisphères s'accordent aujourd'hui à flétrir d'une manière plus ou moins vive les femmes qui abusent ainsi d'elles-mêmes. Néanmoins cette lèpre de nos sociétés subsiste encore, mais comme un mal qu'on tolère à cause de la difficulté qu'on trouve à l'extirper; elle est devenue en quelque sorte une institution sociale, mais honteuse, mais infâme, et par cela même moins dangereuse. Riche et dissimulée, le mépris accompagne seul la prostitution; abjecte et publique, elle est

Dès l'an 800, un capitulaire de Charlemagne atteste officiellement l'existence des femmes publiques en France; c'est jusque dans le palais du souverain qu'elles se livrent à la débauche. Un article de cet édit ordonne de les y rechercher, prononce la peine du bannissement et celle du fouet contre les délinquantes, et va même jusqu'à condamner ceux qui leur donneraient asile à les porter sur leurs épaules au lieu de l'exécution. Ces châtiments sévères n'arrêtèrent cependant point la fornication, ainsi qu'on appela jusqu'à saint Louis le genre de vie de ces êtres dégradés. Car en 1254 ce prince, avec un zèle plus dévot qu'éclairé, résolut de les chasser du royaume, et décréta la confiscation de leurs biens et de ceux des propriétaires qui les rece vraient; mais il dut céder à la force du mal et renoncer à une extirpation impossible pour s'en tenir à une simple réforme. A mesure qu'on se rapproche du temps où nous vivons, il n'est pour ainsi dire point de règne où l'on ne se

peuvent ni soigner l'éducation de leurs filles, ni les surveiller, et encore moins pourvoir à leurs besoins quand elles ont acquis un certain âge. La plupart appartiennent à des familles aussi ignorantes que pauvres; un cinquième environ se compose d'enfants naturels. Si l'on recherche les professions exercées par elles au moment de leur inscription, on reconnait que toutes, à de rares exceptions près, étaient employées à des travaux d'ateliers et de fabriques, dont les gains sont si minimes qu'à peine semble-t-il qu'ils puissent suffire à se procurer le strict nécessaire. Parmi ces filles, l'immense majorité est de la plus épaisse ignorance; très peu savent écrire convenablement, et, chose digne de remarque, c'est la capitale même qui fournit les plus abruties. Les recherches relatives à l'époque de leur vie à laquelle elles s'étaient fait inscrire ont fait connaitre que le plus grand nombre avait alors de seize à quarante ans. On voit, dans l'ouvrage de Parent-Duchâtelet, les deux bouts de cette échelle de dégradation oc

soit occupé, toujours en vain, de mettre des bornes à ce scandale public: rois, parlements, prévôts, tout le monde y mit la main, sans plus de succès. En 1389, Charles VI, pour son avénement, dispense les filles de Toulouse de porter un vêtement particulier, hors une jarretière de drap au bras, d'autre couleur que la robe. En 1424, Charles VII faisait un règlement spécial pour la maison de débauche de la même ville. Malgré les sermons des prédicateurs, malgré les ordonnances et les arrêts (1415, 1419, 1426, 1559) qui défendaient aux prostituées de porter certains habillements réservés aux demoiselles, et qui faisaient emprisonner les contrevenantes, confisquer et vendre au profit du roi les habits saisis, ces femmes continuèrent leurs déportements avec si peu de retenue qu'il fut arrêté aux États d'Orléans (1560) que tous les lieux de prostitution seraient anéantis. Tous furent fermés en effet; mais le mal ne tarda pas à reparaitre, et 236 ans plus tard le Directoire le trouvait plus vif que jamais et le transmettait tout saignant à la génération actuelle.cupés par deux enfants de 10 ans et par Le nombre des prostituées, que des récits exagérés ont porté jusqu'à 60,000 pour Paris seulement, n'y était en réalité que de 3,000 en 1830. Londres en comptait 8 ou 10,000 en 1834. Celles de Paris se recrutent en grande partie dans les départements; un treizième environ y est envoyé par les autres contrées de l'Europe; la Belgique figure ordinairement pour le chiffre le plus élevé dans cette déplorable fourniture, qui d'ailleurs sort presque toujours des capitales; l'Amérique, l'Afrique, l'Asie, ont aussi leurs représentants dans la débauche parisienne, mais ea petit nombre. Après le département de la Seine, qui à lui seul fournit plus des deux cinquièmes, les départements du nord sont ceux qui contribuent le plus au contingent; ceux du sud y entrent pour la moindre part. Le département de la Lozère a seul eu l'honneur, de 1816 à 1831, de ne voir figurer aucune de ses filles sur les registres de la police. Les femmes publiques de Paris sortent presque exclusivement de la classe des artisans et des gens peu favorisés de la fortune, et qui, par conséquent, ne

une vieille de 62 ans! Si tôt et si tard, grand Dieu! quelle misère ou quelle dépravation!

Quelle est la cause première qui a précipité toutes ces femmes dans la débauche? Leur prostitution est due à une foule de causes différentes. On peut dire d'abord qu'elle est constamment le résultat de premiers désordres: la paresse, la misère, la vanité, la gourmandise, l'abandon des séducteurs, les chagrins domestiques, les mauvais traitements, le séjour dans les hôpitaux, le mauvais exemple donné par les parents ou reçu dans les manufactures, la cessation des travaux dans les fabriques, viennent ensuite y contribuer d'une manière plus ou moins directe*. De toutes ces causes, quelques-unes inspirent autant de pitié que de mépris pour les malheureuses qui y succombent; mais il en est une dont l'action est beaucoup plus fréquente qu'on

(*) Dans le chapitre intitulé Les malheureuses des spirituelles Bagatelles ou Promenades d'un desœuvré à Saint-Pétersbourg de M. Faber (t. If, P. 105) on lit: a Parmi cent filles publiques, il y en a trois qui le sont par tempérament, dix par fainéantise, le reste par calcul. » S.

ne pourrait l'imaginer, et qui excite en nous un sentiment de douloureuse commisération. On croira, en effet, difficilement que certaines femmes publiques n'embrassent ce métier avilissant que comme un moyen de remplir les devoirs que leur impose leur titre de fille ou de mère; rien cependant n'est plus vrai.

Si l'on ne fait attention qu'au ton d'impudeur qu'elles affichent dans nos rues, où elles étalent effrontément leurs charmes empruntés et leur toilette souvent élégante, on pourrait croire que les femmes publiques considèrent ce métier qu'elles exercent comme une autre profession. Il n'en est rien pourtant : en les observant de près, on reconnaît qu'elles savent qu'elles fout mal. Elles ne se trouvent bien qu'avec les mauvais sujets, et se sentent embarrassées devant les personnes d'une vie sage et régulière. Elles évitent même de passer pour ce qu'elles sont et redoutent surtout la rencontre de ceux qui les ont connues lorsqu'elles étaient encore sages. Le sentiment de leur propre abjection est si profond chez elles que le mépris qu'elles se portent à ellesmêmes dépasse celui de toutes les personnes vertueuses. « Un jour, dit ParentDuchâtelet, me trouvant dans une salle de l'hôpital sans être aperçu, j'entends une fille s'écrier en admirant la beauté du ciel: Que Dieu est bon de nous envoyer un si beau temps! il nous traite mieux que nous ne le méritons! » Et toute la salle de répéter: « C'est bien vrai !» Une autre, soignée comme aliénée à la Salpétrière, répétait sans cesse quand elle se croyait seule : « Que je suis malheureuse d'avoir abandonné la vertu! comment supporter le mépris général! » Malgré cet aveu de leur indignité que la réflexion leur arrache quelquefois, elles poussent cependant l'orgueil et l'amour-propre à un degré excessif.

«

Sauf quelques exceptions rares, on peut dire que, sous le rapport religieux, elles sont toutes d'une ignorance profonde; un grand nombre ont à peine le sentiment et la connaissance de la Divinité. Il en est cependant qui, bien que, dans leur vie de turpitudes, elles n'épargnent sur les objets du culte ni les quolibets ni les sarcasmes, accomplissent cer

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tains actes de religion, font le signe de la croix à la vue d'un enterrement, s'arrachent les rameaux que l'on distribue à Pâques, acceptent et réclament même les secours de l'Église dans leurs derniers moments. On en a vu assister à la messe, au prône, et garder dans leur chambre des figures de la Vierge.

Tout sentiment de pudeur n'est pas éteint en elles, comme on pourrait le croire d'après leur langage et leur tenue ordinaires. Surprises dans les prisons ou les hôpitaux, elles se couvrent à l'instant; si elles sont obligées de se découvrir devant un grand nombre de personnes, elles rougissent, et montrent une retenue particulière devant les mères de famille. Ainsi, quels que soient les écarts auxquels la femme puisse s'abandonner, on trouve toujours en elle la trace des qualités qui sont l'attribut essentiel de son sexe.

Il est difficile de se faire une idée de la légèreté et de la mobilité d'esprit qui caractérise ces infortunées; on dirait qu'elles ont un besoin de mouvement et d'agitation qui les empêche de rester en place et leur rend nécessaires le bruit, le tapage. Elles déménagent sans cesse et quelquefois ne restent pas cinq jours de suite dans la même maison. Cette espèce d'altération d'esprit n'entre-t-elle pas pour quelque chose dans leurs fautes et leur inconduite, et ne pourrait-elle pas atténuer un peu leur culpabilité aux yeux des juges indulgents? Dans l'intervalle de l'exercice de leur ignoble métier, les neuf dixièmes des prostituées ne font absolument rien. Se lever tard, aller au bain, boire, manger, s'étendre sur des divans, se promener l'été, telle est la vie des plus relevées. Les autres restent dans les cabarets au bas de leurs maisons, ou vendent dans les rues quelques misérables marchandises. Il en est cependant qui font des broderies, des modes, des fleurs; quelques unes lisent ou même font de la musique, mais le nombre en est infiniment petit. Un fait digne de remarque, avancé par P. Duchâtelet, mais contredit par d'autres faits consignés dans les Mémoires tirés des Archives de la police de Peuchet et dans une cnrieuse notice dont l'auteur est M. Jules

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