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exerceront sur les consciences une action plus efficace. C'est à quoi doivent tendre les efforts de tous ceux qui croient que la vertu des citoyens fait seule la sécurité et la grandeur des nations. Au moins est-il permis d'espérer qu'un jour viendra, où la société favorisant le règne de la justice. de Dieu dans les âmes, pourra, sans manquer au devoir de protéger les bons et de maintenir l'ordre extérieur, n'user que dans des cas de plus en plus rares de ce droit de glaive qu'elle tient du Créateur.

Il en serait ainsi, Messieurs, si l'ordre chrétien régnait dans le monde.

Dans une prochaine conférence, j'essaierai de vous dire ce qu'il faut entendre par l'ordre social chrétien. Ce sera le résumé et le complément des idées que nous aurons exposées jusqu'alors.

LUCIEN BRUN, sénateur.

LA RÉVOLUTION SAVANTE ET MODÉRÉE.

Bossuet a eu une profonde intuition des temps modernes, quand, voyant dans la lumière des Ecritures toutes les phases de l'existence des sociétés humaines, il a signalé en ces quelques lignes, aussi nettes que compréhensives, le grand danger auquel sont, de nos jours, exposés les esprits peu fermes dans les principes:

Il y a deux sortes de persécutions: l'une est ouverte et déclarée, quand on attaque ouvertement la Religion; l'autre, cachée et artificieuse, comme celle de ce Pharaon qui, jaloux de l'abondance du peuple de Dieu, en inspirait la haine à ses sujets et cherchait des moyens secrets de le détruire: Venez, dit-il, opprimons-le sage

ment (Exode I, 10, 11 et suiv.), c'est-à-dire secrètement et finement (1).

Dans ces derniers traits, on trouve l'essence de cette Révolution savante dans ses procédés, modérée dans ses apparences, qui est le principe de tous les désordres de la Révolution brutale et radicale, et qui est peut-être plus perverse, parce qu'elle concentre ses attaques contre le principe essentiel de l'ordre social et le vise directement.

Cet ordre découle tout entier de la loi de Dieu, indiquant à l'homme sa fin suprême et lui traçant la voie qui l'y conduit par le moyen des différentes institutions religieuses, civiles et domestiques, toutes coordonnées en vue de cette fin.

La loi de Dieu ne s'impose pas à l'homme seulement dans le cercle de la vie religieuse et intime de l'âme : c'est encore en vertu de cette loi que deviennent rigoureusement obligatoires la fidélité envers la patrie et les institutions qui forment le lien suprême de la vie nationale, l'observation des lois morales de la famille, - le respect de la propriété et de tous les droits légitimes des individus, — l'accomplissement des devoirs sociaux imposés à la richesse, soit dans l'atelier, soit au dehors.

L'Eglise, instituée par Jésus-Christ, à la fois pour dispenser la vie de la grâce aux âmes et pour garder, comme Souveraine interprète, le dépôt de la loi divine, respecte la distinction de ces différents ordres de choses, mais elle veille à ce qu'ils soient pénétrés par le principe supérieur de soumission à Dieu, qui est leur raison d'être, et à ce qu'ils demeurent coordonnés à la fin suprême assignée à tous les hommes, et à laquelle tous les actes de leur vie doivent tendre au moins médiatement.

La Révolution, envisagée dans son essence, consiste précisément dans la négation de ce principe fondamental de

(1) Elévations sur les Mystères, 1x semaine, 1" élévation.

soumission à la loi divine et de coordination des institutions sociales et politiques vers la fin suprême de l'homme. L'Etat et sa loi élèvent à sa place leur domination despotique, au nom de l'indépendance humaine. C'est la proclamation des Droits de l'Homme mis à la place des Droits de Dieu, comme l'a dit M. de Bonald dès le début.

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Le renversement violent des trônes et des nationalités, la corruption de la famille, la destruction de la propriété, la rupture haineuse des liens naturels des classes, - ne sont que les conséquences de cette attaque au principe premier de l'ordre.

Ce triomphe de la logique inéluctable des.choses devient parfois le châtiment providentiel des faux sages qui, enivrés de leur pouvoir ou de leur prétendue science, cherchent à supprimer ce principe premier de soumission à la loi de Dieu, qui les domine et les contient, mais qui voudraient bien laisser subsister tous les avantages extérieurs de l'ordre social, dont ils recueillent le bénéfice.

N'y a-t-il pas, en effet, quelque chose de plus pervers dans ce renversement des institutions les meilleures contre leur principe même, que dans le sauvage déchaînement des passions qui détruisent tout indistinctement?

Cette Révolution savante et modérée a été la première manifestation de l'esprit révolutionnaire, et elle se représente sans cesse, sous des formes renouvelées, toutes les fois que la Révolution brutale a échoué dans l'impuissance. C'est la plus dangereuse ennemie de l'Eglise. Elle s'est personnifiée, à certaines heures, dans Julien-l'Apostat, dans Frédéric II, et elle s'est, dans les temps modernes, incarnée non plus dans un homme, mais dans cette légion qui a pour nom la franc-maçonnerie. Elle fait tout le fond de cette partie de la maçonnerie, qui s'accommode en apparence de tous les régimes politiques et s'insinue dans tous les Etats, sans donner ombrage aux hommes que préoccupe uniquement la conservation des intérêts matériels. Suivant les pays et les circonstances, cette forme de

la Révolution s'est appelée l'idée napoléonienne, le libéralisme. Aujourd'hui, sous le nom de la civilisation, de la culture humaine (kultur), elle attaque l'Eglise et, à travers elle, la loi divine, à la fois sur le terrain des faits et sur celui des idées.

Un livre, publié récemment en Allemagne et traduit aujourd'hui en français, la Théorie générale de l'Etat, par M. Bluntschli (1), est une des productions les plus typiques et les plus habiles de cet esprit révolutionnaire, qui prétend avoir la science pour arme et qui affecte une sage modération.

Plusieurs importantes vérités sociales y sont défendues avec un art remarquable; mais si l'auteur veut maintenir certaines institutions nécessaires au bon ordre matériel d'une société quelconque, c'est pour rendre plus solide l'édifice d'un ETAT, qui est sa fin à lui-même et prétend reléguer dans l'obscurité la loi de Dieu pour lui substituer la pensée humaine, d'un ETAT qui chasse avec ténacité l'influence, le légitime contrôle de l'Eglise, de l'ordre politique, domestique et social, pour les constituer uniquement sur une base humaine.

Un livre de ce genre nous a paru mériter un examen tout particulier, en raison même des apparences spécieuses qui cachent le vrai but de l'auteur, et qui ont peut-être trompé son traducteur tout le premier. D'ailleurs, le nom de M. Bluntschli et la position importante qu'il occupe en Allemagne ne permettent pas de le laisser passer en silence.

Professeur depuis longtemps à l'Université d'Heidelberg, M. Bluntschli est un des hommes qui, par leurs enseignements et leurs écrits, ont le plus contribué à jeter la classe cultivée dans les voies du kultur-kampf.- Comme membre des Chambres prussiennes, il a travaillé puissamment à

(1) Un vol. in-8°, Guillaumin, éditeur, 1877.

préparer la réconciliation des nationaux-libéraux avec M. de Bismarck, réconciliation qu'ont scellée les événements de 1866, ainsi que lui-même l'a raconté dans son autobiographie.

Son activité maçonnique égale son activité scientifique. Grand maître de la Grande Loge (Grand Orient) de Bayreuth, il ne se contente pas de pousser l'Allemagne du Sud dans les bras du grand Empire prussien maçonnique; il rayonne encore, au besoin, dans la Suisse, son pays natal, et il excite les loges helvétiques comme une avant-garde au combat contre le catholicisme, en attendant de les faire servir à la réunion de leur patrie à l'Allemagne (1).

Quoiqu'il ne soit pas parlé de la franc-maçonnerie dans cet ouvrage, destiné au public non initié, la connaissance de la vie politique de l'auteur n'est pas inutile pour l'intelligence de certaines parties de son livre, qu'il a laissées non sans dessein dans une sorte de demi-jour.

Le volume dont on nous donne aujourd'hui la traduction est la première partie d'un ouvrage tripartite, dans lequel M. Bluntschli traite successivement la théorie générale de l'Etat, le droit public général, la politique. Cet ouvrage lui-même est une refonte d'un livre publié précédemment sous le titre d'Allgemeines Staatsrecht geschichtlich begründet (droit public général basé sur l'histoire), et qui, de 1852 à 1868, a eu quatre éditions en Allemagne. C'est l'œuvre la plus importante de M. Bluntschli qui a également écrit sur le droit des gens (2) et la philosophie de l'histoire.

(I) V. le dossier maçonnique de Bluntschli, dans l'ouvrage de M. Pachtler Der Goetze der Humanitaet oder das positive der Freimaurerei (Freiburg in Breisgau, Herder, in-8°, 1875, Paris, Baltenweck, rue Honoré-Chevalier), pages 175, 185, 218, 221, 268, 348. 355, 360, 488, 651,

659.

(2) Un de ses écrits: le Droit international codifié, a été traduit en français et fait partie de la collection des publicistes et économistes contemporains de Guillaumin, 2 vol. in-8°, 1874.

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