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AVANT-PROPOS.

Depuis longtemps, la liberté de l'Église catholique russe a trouvé en Europe, et surtout en France, de généreux et ardents défenseurs. On a compris que la cause de la Pologne était surtout la cause de la liberté religieuse, et on a convié tous les catholiques à seconder le triomphe de cette cause sacrée.

Nous venons répondre à cet appel; mais, en protestant contre les servitudes que subit l'Eglise catholique en Russie et en Pologne, nous ne pouvions ou→ blier que cette Eglise a une sœur, opprimée comme elle, esclave d'un despotisme non moins ombrageux que celui des empereurs, une sœur qui gémit plus près de nous, et dont nous ne pouvons ignorer les douleurs car cette sœur est l'Eglise de France !

Comparer la sujétion de l'Église de France à celle de l'Eglise russe et polonaise, abaisser nos lois religieuses au niveau des lois moscovites, n'est-ce pas faire honte à la libéralité de nos codes? n'est-ce pas humilier notre époque dans ce qui fait son orgueil ? Oui, sans doute, et ce n'est pas sans rougir pour notre pays que nous avons reconnu la similitude qui existe entre sa législation et celle de la Russie, en matière de religion; mais à qui convient-il de s'en prendre si nous établissons ce parallèle humiliant, si nous montrons que le despotisme de nos législateurs prétendus libéraux a rivalisé plus d'une fois avec celui des empereurs russes? à qui, si ce n'est à ces législateurs eux-mêmes, à ces auteurs de tant de décrets liberticides? à qui, si ce n'est aux ministres et aux assemblées constitutionnelles, qui, en dépit des enga

gements les plus solennels et au mépris des principes les plus sacrés, veulent nous imposer ces décrets? Voilà les vrais coupables, voilà ceux qui offensent leur pays, voilà ceux qui méritent d'être flétris d'autant plus sévèrement qu'ils violent plus audacieusement leurs serments et leurs devoirs.

Hâtons-nous de le dire cependant, pour l'honneur de la France la législation que nous signalons ici est toute nouvelle; elle n'a été hautement avouée que depuis deux ans, c'est-à-dire depuis le fameux ordre du jour motivé de 1845, qui a déclaré lois constitutionnelles tout ce que l'ancien régime, la République et l'Empire avaient décrété de plus inconstitutionnel contre la liberté de l'Église. Pendant les quinze années qui ont précédé cette déclaration, il y avait eu sans doute plus d'une entreprise contre la liberté de l'Église; mais on pouvait croire que ces coups d'État avaient été dictés par des passions et des nécessités passagères; on pouvait espérer que la liberté promise au culte catholique serait rétablie aussitôt que l'ordre public serait assuré. Nous aurions été nous-mêmes les premiers à nous récrier si on avait voulu, avant 1845, comparer la situation de l'Eglise de France à celle de l'Eglise de Russie; nous n'aurions pas voulu croire que les actes d'un gouvernement dominé par le principe de la liberté des cultes pourraient être aussi tyranniques que les ukases des sectateurs de Photius.

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Cependant ce qui paraissait incroyable, ce qui semblait une violation trop audacieuse de la Charte, le pouvoir ministériel l'a accompli avec le concours du parlement il a fait déclarer lois du royaume on ne sait quel amas confus d'édits, d'arrêts, de sénatusconsultes et de plebiscites, décrétés par tous les pouvoirs ennemis de la liberté. Or c'est cet accouplement monstrueux des lois de l'ancien régime, de l'Empire et de la Révolution de Juillet, que nous croyons avoir le droit de comparer au despotisme de la législation russe. Ajoutons que c'est l'esprit plus encore que la

AVANT-PROPOS.

lettre de ces législations que nous entendons rapprocher ici.

Nous ne nous sommes pas dissimulé les difficultés de la tâche que nous avons entreprise; nous savons que la persécution qui caresse frauduleusement est plus difficile à vaincre que celle qui sévit ouvertement; nous savons combien il est difficile de déchirer le voile que des mains habiles ne cessent de tisser devant les yeux de la multitude; nous savons que nous allons heurter bien des préjugés, non-seulement parmi les ennemis de l'Église, mais encore parmi les catholiques; nous savons qu'il est périlleux de faire entendre une voix impartiale dans une lutte qui a appelé sous le même drapeau les passions les plus nobles et les plus antisociales, et qui entraîne l'esprit religieux et l'esprit de désordre à fraterniser ensemble; mais nous avouons que nulle considération ne peut nous imposer silence quand notre conscience nous dit que nous servons la cause de la justice et de la vérité. Nous ne sommes pas assez présomptueux pour croire que notre œuvre soit exempte d'erreurs, et nous acceptons d'avance les observations d'une juste critique; quant aux reproches que la passion pourrait nous adresser, nous n'en tiendrons pas compte, et nous ne laisserons pas abaisser à une querelle de personnes une lutte de principes dans laquelle sont engagés les intérêts les plus élevés de la liberté et de la civilisation.

On a reproché au gouvernement russe des pèrsécutions extra-légales dont le récit est venu déchirer le cœur de tous les fidèles, et offrir des souvenirs de l'héroïsme des premiers confesseurs de la foi; on comprendra que l'examen de ces actes n'ait pas trouvé place dans un travail destiné à comparer deux législations. Nous avions d'ailleurs un motif particulier de nous renfermer dans l'examen de l'oppression légale. Le Saint-Siége nous avait en quelque sorte tracé cette ligne de conduite dans les représentations qu'il a eu l'occasion d'adresser au gouverne

ment russe. Attaquer des actes législatifs et des décisions officielles, c'est porter comme lui le débat sur un terrain où les démentis et les réfutations ne peuvent nous atteindre.

En établissant un parallèle entre la législation française et la législation russe, en matière de liberté religieuse, nous avons dû tenir compte de la diffé– rence des temps, des lieux, des mœurs, et surtout des principes qui dominent en France et en Russie. Il eût été impossible d'apprécier avec équité l'état actuel de l'Eglise catholique en Russie et en Pologne sans remonter aux circonstances qui l'ont précédé et produit; il ne suffisait pas de mettre en regard des textes de lois pour justifier le rapprochement que nous voulions établir, il fallait encore montrer leur point de départ c'est pourquoi nous avons été conduit à diviser notre travail en deux parties.

Dans la première, nous exposons rapidement les vicissitudes de l'Eglise catholique en Russie et en Pologne; nous montrons l'antagonisme religieux et politique qui s'est établi entre les grecs et les latins depuis le xve siècle jusqu'au dernier partage de la Pologne ; nous signalons le rôle que les idées philosophiques du XVIII° siècle ont joué dans le dénouement de ce long drame; enfin, nous montrons quels sont les principes constitutionnels qui doivent régler en Russie et en France l'état de l'Eglise catholique. Dans la seconde partie, nous exposons la conduite et les actes du gouvernement russe et du gouvernement français, en matière religieuse; nous découvrons les empiétements réalisés de part et d'autre dans les grandes questions de liberté religieuse, malgré la différence des principes adoptés dans les deux pays; nous terminons en disant à tous les partisans de la liberté religieuse quel est le vrai moyen de servir cette noble et sainte cause.

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